Interviews
Mary Ann Packo, présidente
Steve Coffey, vice-président

Media Metrix Inc.

Leader et pionnier de la mesure d'audience sur l'Internet, MediaMetrix doit affronter un marché de plus en plus concurrentiel. La société américaine s'est donc lancée dans une course à l'internationalisation (avec MMXI en Europe), au développement de nouveaux produits, à la R&D, etc. Elle a notamment acquis AdRelevance en 1999 pour se renforcer sur le marché publicitaire et a fusionné avec RelevantKnowledge en 1998. Pour l'heure, MediaMetrix maintient son leadership. Mais les suivants suivent de très près: Nielsen Net Ratings, PC Data, voire... NetValue USA.

Mary Ann Packo et Steve Coffey étaient accompagnés d'Arielle Dinard, directrice générale de MMXI Europe (voir son interview au Journal du Net)

Propos recueillis par Rémi Carlioz le 1er février 2000 .

JDNet: Où en est aujourd'hui Media Metrix?
Mary Ann Packo: Cela fait maintenant quatre ans, depuis janvier 1996, que nous pratiquons la mesure d'audience. Nous sommes, comme vous le savez, une société cotée, puisque nous avons fait notre IPO en mai 1999, et même une "follow-on IPO" en octobre dernier. Nous avons levé en tout plus de 100 millions de dollars pour financer notre développement international. Nous avons aujourd'hui dépassé les 600 clients aux Etats-Unis comme dans le monde puisque nous sommes dans une stratégie d'internationalisation rapide.

Et en termes de résultats ?
Mary-Ann Packo: Nous dépassons toutes nos prévisions. Les chiffres du quatrième trimestre 1999 seront publiés très prochainement, mais, de mémoire, nous avons fait 5,5 millions de dollars de chiffre d'affaires au troisième trimestre.

Votre capitalisation boursière?
Mary-Ann Packo: Vous n'êtes pas sans savoir que dans l'Internet, ce sont des chiffres qui fluctuent. Elle a dépassé le milliard de dollars, elle doit aujourd'hui se situer autour de 700 millions de dollars.[693 millions de dollars au 4/02/2000 exactement, NDLR].

Qu'est-ce que cela vous fait d'être valorisé à un moindre niveau que NetValue en France?
Mary-Ann Packo: Il n'y a pas grand chose à en dire. Ils bénéficient entre autres de la prime au premier entrant, et ce n'est que la seconde dot-com a être cotée en France après ArtPrice. Mais à ce niveau là, nous devrions être valorisés nous 35 milliards de dollars !

Où en êtes-vous en termes de panel?
Mary-Ann Packo: Nos panels comprennent 50.000 personnes environ aux Etats-Unis, 20.000 en dehors, soit 70.000 en tout. Au bureau et à domicile, c'est important de le souligner.

Développez-vous de nouveaux produits?
Mary-Ann Packo: Oui, constamment. Vous savez par exemple que nous avons acquis en octobre 1999 AdRelevance, un pionnier de la mesure et de la pige publicitaire. C'est un nouveau business pour nous. Nous faisons désormais du "Ad tracking" et du "banner ad measurement", et développons des agents intelligents, des crawlers, Même si les deux activités diffèrent, ces expertises combinées nous permettent de renforcer notre analyse et notre compréhension du marché, et de fournir des solutions plus complètes à nos clients.

Combien de sites analysez-vous?
Mary-Ann Packo: Nous avons commencé avec 200 sites. Aujourd'hui, en moyenne, 20.000 sites environ.
Steve Coffey: Je regardais cela récemment, aux Etats-Unis en décembre, nous avons analysé 220.000 sites. C'est évidemment trop, dans une optique de rapports en tout cas. Disons que de façon exhaustive nous analysons 20.000 sites, mais nous continuons à étendre notre sphère d'étude.

Certains critiquent le fait que l'utilisateur doit renvoyer une disquette de données tous les mois, un support peu fiable, et qu'il peut oublier de retourner...
Steve Coffey: C'est vrai que nous utilisons des disquettes, même si nous sommes en train de changer de système. Nous avons adopté ce système pour aller vite et pour être les premiers sur le marché. Mais il ne faut pas non plus tomber dans l'excès. Cela fait plus de trois ans que nous utilisons les disquettes avec succès. Dans d'autres domaines d'études, les panélistes doivent renvoyer un questionnaire, l'envoi de disquettes est en phase avec les méthodes traditionnelles. Je voudrais en plus insister sur un point: cela contribue à une bien meilleure implication des utilisateurs que, par exemple, l'envoi automatique de paquets de données par le Net.

Vous disiez être en train de changer de système...
Steve Coffey: Oui, nous développons un nouveau "Meter", notre logiciel de mesure. Ce sera une combinaison d'implication et d'automatisation, un "real time meter". En tout état de cause, nous développons constamment de nouveau produits, pour intégrer la mesure de tous les usages: les systèmes propriétaires comme AOL, T-Online ou Nifty Serve au Japon, ICQ et ses semblables, bref, tout "l'univers" du Web et des média digitaux, même les systèmes privés qui ne passent pas par le Web comme des services de Juno.

Quelle part représente la R&D dans vos investissements?
Steve Coffey: 23%. En ce moment, en dehors des perfectionnements que je viens d'évoquer, nous travaillons aussi sur la convergence qui repose sur le WAP, les Palm, la TV interactive etc. Enfin, nous développons une nouvelle interface client, qui s'appelera "MyMetrix.com".

Un autre reproche, qui est globalement fait aux sociétés de mesure d'audience, est de ne pas être transparentes sur leurs méthodes et de refuser des audits extérieurs.
Steve Coffey: C'est un reproche absolument infondé. Nous sommes en train d'être audités par Ernst & Young. Simplement, c'est un processus long, sur plusieurs années. Nous sommes dans la phase de pré-audit, avant de passer à l'audit "formel". C'est tellement transparent d'ailleurs que notre méthodologie est entièrement détaillée sur notre site, à la demande de l'Advertising Research Foundation.

Entre l'approche par fichiers log et les panels, que faut-il privilégier?
Steve Coffey: L'optique n'est pas la même. Les logs analysent l'activité de l'ordinateur, les panels l'activité des individus. Les logs ont leur utilité, mais aussi leurs limites. Vous ne savez pas à qui le serveur envoie les données. Vous ne savez pas non plus bien en termes de géographie où partent les données et où elles arrivent, ni si une personne switche, mettons pendant une demi-heure du Web à Word, puis à ICQ etc.. Dans une optique -qui est la nôtre- de mesure de l'audience à un niveau mondial, cela pose problème. Les logs fournissent une très grande richesse d'informations. Mais ils sont plutôt utilisés en interne.

Si c'est complémentaire, pourquoi ne pas racheter une entreprise qui fait cela?
Steve Coffey: Ce n'est pas le même business model. Et puis nous avons d'autres compétences en interne. AdRelevance en particulier est similaire à cette démarche en bien des points pour la publicité. Et puis nous collaborons de longue date avec certaines sociétés pionnières dans l'analyse des log files, telles que I/PRO (Groupe Engage/CMGI).

La mesure d'audience devient un marché très concurrentiel, quelle est votre plus-value?
Mary-Ann Packo: Cela tient à mes yeux à trois choses. En premier lieu, je dirais que nous sommes les pionniers, nous avons vraiment grandi avec l'industrie. Nous avons quatre ans d'expérience dans le secteur. Je me rappelle que lorsque j'allais voir Yahoo, ils étaient quinze. Excite aussi démarrait à peine. Nous sommes vraiment partie intégrante de l'Internet, c'est un grand avantage pour nous en termes de compréhension des comportements, culturellement et presque spirituellement. Ensuite, nous avons la part de marché la plus large et l'éventail de clients le plus étendu: agences de publicité, médias, sites de e-commerce, analystes financiers etc. Il s'agit vraiment d'une très large base de clients qui, d'ailleurs, à eux tous, publient par jour environ 40 communiqués de presse qui utilisent nos rapports. Nous sommes en fait "le standard", du fait de nos panels les plus importants, du fait de notre double analyse travail/domicile, du fait de notre logiciel qui analyse tout y compris les "non web usage".
Pour résumer, nous avons une meilleure appréhension des besoins de nos clients, du fait de notre expérience.

Et en troisième lieu?
Mary-Ann Packo: C'est notre internationalisation poussée. Nous devenons très rapidement mondiaux, et nous allons aussi rapidement établir des standards globaux. Nous sommes déjà aux Etats-Unis, au Canada, en Australie/Nouvelle-Zélande, en France, en Suède, en Grande-Bretagne, en Allemagne, etc. et même au Japon avec notre "Kanji Meter". A chaque fois nous nouons de très forts partenariats avec des sociétés locales, Ipsos en France, Gfk en Allemagne, etc.

Vous pensez que vous imposerez un standard "universel"?
Mary-Ann Packo: Oui, c'est réellement la première vraie opportunité d'imposer un standard global, ce qui n'a pas été le cas avec la radio, la télé ou les médias.
L'Internet est en fait un mélange de global et de local, d'où nos partenariats sur place.

Comment évoluent les internautes américains?
Mary-Ann Packo: Ils deviennent presque "normaux" par rapport à la population globale. Je me rappelle qu'au début 1996, on comptait 82% d'hommes parmi les internautes ! Nous sommes maintenant presque à parité.

Et en termes de revenus du foyer?
Steve Coffey: Là il ne s'agit pas tant de l'Internet que de l'équipement des ménages en PC. Les inégalités subsistent.

Et comment l'Europe évolue-t-elle?
Mary-Ann Packo: On estimait généralement que la "normalisation" des internautes arriverait avec 18 mois de retard en Europe. Nos études nous laissent penser que cela devrait aller plus vite, en Allemagne et en Angleterre en particulier, le gap devrait se rapprocher des 12 mois plutôt.

Quelles sont plus généralement les tendances lourdes, les sites qui émergent?
Mary-Ann Packo: Il y a une tendance forte à la consolidation des sites leaders, par fusions et acquisitions. Ces sites que l'on retrouve dans le top américain sont forts en Europe aussi. Et en même temps chaque pays a ses propres spécificités. Il y a un mélange de consolidation et d'individualisation, ["mass and specific"].
Steve Coffey: Les portails restent une destination incontournable, comme Yahoo.

Mais les portails ne sont-ils pas délaissés au fur et à mesure que les internautes acquièrent de l'expérience?
Steve Coffey: Non, pas du tout. Je prends un exemple. J'étais dans l'avion tout à l'heure et je lisais le journal, toujours le même. Qu'est-ce que je regarde en premier? Le sommaire, la colonne de gauche du Wall Street Journal, entre autres. Pourtant, je sais où aller, je connais les rubriques que je lis tous les jours.

Voit-on des sites apparaître?
Mary-Ann Packo: Oui, nous les appelons les "out of nowhere". Ils apparaissent régulièrement.
En ce moment, les sites de loterie ont beaucoup de succès, les Iwon.com, Iwin.com, les millionnaires, etc. Je crois que Iwon.com était le premier de nos "out of nowhere".

Que pensez-vous des capitalisations boursières?
Mary-Ann Packo: C'est assez logique, c'est une promesse sur le futur. Les sociétés que nous mesurons sont en train de changer le monde. Pour le reste, laissons le temps faire.

Quels sont vos sites favoris?
Mary-Ann Packo: Je visite bien sûr tous les sites de mes clients, sinon j'ai une utilisation très pratique de l'Internet. Dans mes bookmarks, j'ai par exemple AdAge, ou Yahoo Finance.

Vous achetez sur le Net?
Mary-Ann Packo: Très peu. J'adore le shopping dans les villes où je vais, et je voyage beaucoup.
Steve Coffey: Moi c'est tout l'inverse, j'achète beaucoup en ligne. Il y a un Gap en bas de mon immeuble, mais comme je suis au seizième étage, je préfère acheter sur leur site.

Même pas des billets d'avion?
Mary-Ann Packo: Peu, mais je me renseigne sur mes voyages.
Steve Coffey: Moi, tous mes billets.

Qu'est-ce qui vous séduit dans le Net?
Mary-Ann Packo: L'ouverture, le côté nouveau monde, conquête de l'Ouest, cette fabuleuse mosaïque et la convergence de tous les médias.

Qu'est-ce qui vous déplait?
Mary-Ann Packo: Les "page not found", les erreurs et puis les sites dont on ne peut pas sortir, j'ai horreur de ça.

Pour qui avez-vous de l'admiration dans votre métier?
Mary-Ann Packo: Pour beaucoup, les Steve Case, Bill Gates, Jerry Yang, les fondateurs de Google, etc. Pour ceux que je connais aussi, avec qui j'entretiens de bonnes relations dans la Silicon Alley: Candice Carpenter de iVillage, Kevin O'Connor de DoubleClick, Agency.com, etc. C'est assez amical.

Mary Ann Packo est Présidente et COO (Chief Operating Officer) de MediaMetrix Inc. Avant d'occuper cette fonction, elle a été directrice éxécutive chez Ipsos-NFO Europe à Paris, co-fondatrice et présidente des Pages jaunes américaines (National Yellow Pages monitor). Elle est diplômée de Miami University (Oxford, Ohio). Elle a été élue par "Advertising Age" comme l'une des "Digital Media Masters" en 1998.
Steve Coffey est vice-chairman et EVP (Executive vice-president) de MediaMetrix Inc. Il est co-fondateur de MediaMetrix en 1995. Auparavant, il était vice-président de Nielsen Marketing Research, et est considéré comme l'un des pionniers de la mesure d'audience. Il est diplômé d'un MBA de Columbia Business School.

MediaMetrix Inc. en chiffres :

Effectifs
200 personnes environ
(aux USA uniquement)
Clients
600 (aux USA)
Chiffre d'affaires 1999
13 millions de dollars
(3 premiers trimestres)

Valorisation boursière

693 millions de dollars
(au 3 février 2000)






 

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