Interviews

François-Henri Pinault
Directeur général adjoint
Pinault-Printemps-Redoute

PPR Interactive, filiale à 100% du groupe PPR, créée en octobre 1999, constitue le pôle d'investissement, de veille et d'expertise technologique Internet de sa maison-mère. Elle a pour ambition de lancer de nouvelles activités e-commerce, de mener des opérations de croissance externe et d'investir dans des projets de start-up en synergie avec les enseignes du groupe. Elle dispose de deux fonds d'investissements : l'un est rattaché à 100% à PPR Interactive, l'autre - Le Club de Développement - est détenu à 60% par PPR et à 40% par CIC. Rappelons que le groupe PPR dispose de 65 sites marchands en Europe et aux Etats-Unis.

Propos recueillis par Philippe Guerrier le 23 juin 2000 .

JDNet. Le développement de PPR Interactive
entre-t-il dans la logique d'une constitution d'un "groupe Internet" ?

François-Henri Pinault. PPR est déjà et sera un groupe Internet... entre autre. PPR Interactive n'a pas vocation à regrouper les activités interactives du groupe. Pour nous, Internet ne peut avoir de sens qu'à travers un métier. Chaque branche du groupe a sa propre problématique Internet. Dans ce format-là, on considère qu'on est dans une stratégie de complémentarité très forte entre le "offline" et le "online".

Vous ne prévoyez pas d'entrée en Bourse de vos activités sur Internet ?
C'est une option qui a été écartée très tôt. Nous avons fait de même pour les activités traditionnelles de notre groupe. Le groupe PPR n'a pas vocation à devenir une holding financière. Il n'est pas question d'isoler nos activités Internet dans une structure dédiée. Cette option de ne pas coter nos activités Internet n'était pas très populaire il y a un an et demi, mais les analystes reviennent sur leur jugement un peu hâtif de l'époque.

Quelles start-up avez-vous créés ex-nihilo et inclues dans votre e-pépinière ?

Ce qu'on appelle incubation, c'est par exemple le site Petitsetgrands. Elle comprend également les sites du groupe qu'on crée. Par exemple, le site de Surcouf est en incubation. Il devrait être ouvert au premier trimestre 2001. Un deuxième site du Printemps va être lancé d'ici la fin de l'année, je l'espère. Le nouveau site de Conforama également. Nous avons aussi en incubation deux projets de sites transversaux dans le domaine du e-commerce, qui touchent l'ensemble du groupe. Ils devraient ouvrir dans le courant du premier semestre 2001.

PPR Interactive a une dotation initiale de 150 millions de francs. Quel est votre plan d'investissement pour cette année ?
Cela correspond à l'investissement pour le lancement de Mageos. Nous ne sommes pas dans une approche de fonds. Cette année, le budget que nous allons investir globalement sur le groupe va dépasser les 400 millions de francs.

Vous avez réalisé en 1999 un chiffre d'affaires
"e-commerce" de 37,8 millions d'euros . Quels sont vos prévisions pour cette année ?

On devrait atteindre 150 millions d'euros avec une répartition à 50/50 entre le BtoC et le BtoB. Et la part internationale devrait dépasser celle de la France.

Prenons des exemples de sites du groupe PPR. comment se porte Fnac.com ?
En volume d'affaires, je pense que La Redoute va dépasser la Fnac cette année. En revanche, Fnac.com est meilleur sur l'audience. Le site enregistre actuellement 15 millions de pages vues par mois en moyenne. Pour un site de e-commerce, c'est énorme. En terme de progression et d'activité, on tient nos prévisions... à part la gratuité des frais de port qui est une folie. Je pense que c'est dû à un manque de maturité du marché. Des acteurs du Net vivent actuellement sur des mannes financières gratuites. Ce sera difficile à maintenir avec des paniers moyens de 250-300 francs pour les disques. L'année dernière, le site de la Fnac a réalisé un chiffre d'affaires de 45 millions de francs. Nous devrions atteindre cette année entre 130 et 150 millions. Nous mettons le matériel informatique en ligne : l'espace devrait être totalement opérationnel mi-novembre.

Vous avez des participations minoritaires dans des projets comme Musiwap ou Diora.com. Comment comptez-vous réaliser des synergies avec Fnac.com ?

Musiwap, ce sont de services Wap autour de la musique. Nous pouvons très bien y placer les meilleures ventes de la Fnac. Nous avons également un million d'extraits sonores digitalisés sur Fnac.com qui pourraient être intégrés dans Musiwap. Cette société a également un site portail, mp3.fr, et nous réfléchissons à un partenariat commercial avec la Fnac. En terme de promotion musicale en amont de notre site, ça peut être intéressant. Ultérieurement, La Fnac disposera d'une plate-forme sécurisée pour les téléchargements, celle qui sera choisie par les "majors".

Considérez-vous Mageos comme votre paquebot Internet, à l'instar de LibertySurf pour le groupe Arnault ?

je dirais plutôt que c'est une vedette rapide. Mageos nous permet d'avoir un accès au trafic sur Internet. La particularité du groupe est que nous avons des enseignes connues derrière. Notre besoin en matière de trafic est moins forte que pour des "pure players" du Net. Par exemple, la Fnac n'achète que 15 à 20% de son trafic. Les autres visiteurs viennent directement sur le site. Mageos est un portail d'ouverture à nos enseignes mais aussi à des partenaires extérieurs, tout comme TF1, qui a pris une participation. Mageos a également une mission en interne en permettant de regrouper des compétences de haut niveau : ressources humaines, technologie, pôle commercial, développement et intelligence client (datamining, e- CRM). A la rentrée, elle devrait comprendre une cinquantaine de personnes. Une sorte de "web agency" interne.  

Comment se passe votre campagne de recrutement pour Mageos ?
Nous avons lancé récemment une campagne de communication et l'accélération est de l'ordre de +50%. On doit frôler les 500.000 abonnés. l'objectif qu'on s'est fixé d'ici la fin de l'année, c'est 300.000 abonnés "actifs". [NDLR, connectés dans les trente derniers jours].

Que devient le site de Conforama ?
Actuellement, le marché du meuble en France n'existe pas. Il n'y a pas de retard de développement. D'ici la fin de l'année, le site de Conforama sera en ligne avec une approche plus pragmatique et plus efficace. Nous avons 200 points de vente Conforama en France. Ce n'est pas la même problématique que la Fnac. Leur approche de l'Internet est fondamentalement différente. La version actuelle permet de tester le comportement des gens. Le site de Conforama ressemblera à ce que fait Tesco au Royaume-Uni.

La finance en ligne est un secteur qui vous intéresse ?

Nous avons une branche financière très importante qui s'appelle Finaref, qui gère 30 milliards de francs d'actifs financiers. C'est le numéro trois du crédit consommation en France. Nous venons de mettre en ligne son site avec des produits complémentaires. Finaref va également suivre l'évolution des sites des enseignes rattachés au groupe pour les accompagner d'uine point de vue financier. Nous venons de réaliser l'interopérabilité de toutes les cartes Finaref. Par exemple, si vous avez une carte Kangourou du Printemps, vous pouvez acheter sur le site de la Fnac. C'est l'axe stratégique du développement Internet de Finaref. Ca nous donne un grand avantage concurrentiel. Nous réfléchissons actuellement sur des partenariats sur lesquels nous sommes sollicités pour d'autres projets.

Vous êtes le nouveau président de l'E-Business Group. Sur quels projets travaillez-vous au sein de cette association ?
Nous devrions nous installer au Royaume-Uni et en Allemagne. L'un des grands débats porte autour des stock-options. Les différences de fiscalité entre les start-up "pure player" et les projets Internet lancés par de grands groupes donnent lieu à un environnement concurrentiel en terme de recrutement des candidats.

Vous sentez-vous en concurrence avec le groupe Arnault sur Internet ?

Nous sommes clairement en concurrence avec LVMH dans le secteur du luxe depuis un an. Les médias s'en font des gorges chaudes. On nous oppose souvent sur Internet mais nous ne sommes pas concurrents. Europ@web a pris de très belles participations financières dans des dossiers. De notre côté, PPR a développé plus de cinquante sites "e-commerce" dans ses métiers. Il n'y a pas de guerre. Pour le cas de LibertySurf, c'est davantage la participation de Kingfisher [NLDR, groupe britannique qui détient des enseignes comme Darty ou But] qui possède des enseignes qui nous dérange...

Que pensez-vous du logiciel Napster ?
Il faut une logique économique à la musique. Il existe une chaîne qui en vit. Si on coupe cette chaîne, c'est dramatique. Concernant Napster, il ne faut pas se leurrer. Aujourd'hui, la source de la piraterie ne vient pas de l'Internet, elle vient du CD. Clairement, j'achète un CD à la Fnac et je le place gratuitement sur Napster. Après, ça se propage via Internet. Le vrai problème, c'est la protection des CD. Les majors devraient tout faire pour changer de supports. Les DVD audio par exemple sont inviolables. D'un point de vue fonctionnel, je trouve que Napster est un logiciel remarquable qui pourrait servir à d'autres utilisations, les photos en ligne par exemple. Il ferait gagner de l'argent aux ISP car les photos sont partagées sur les disques durs de leurs abonnés, mais il en ferait perdre aux hébergeurs de pages perso.

Dans le nouveau mensuel sur la nouvelle économie, Newbiz, le groupe PPR est qualifié de "géant de la distribution en France mais de nain en matière de e-commerce au niveau international". Ca vous choque ?

On est toujours le nain de quelqu'un. C'est plutôt sain comme démarche. Mais, à l'inverse, Amazon est microscopique dans le "offline". On est un nain parce que l'activité commerciale sur Internet en France et en Europe est telle qu'il est difficile de faire plus que ce que l'on fait. En France, un million d'internautes achètent en ligne. Un million sur 60 millions de consommateurs, c'est peu. Les marchés sont vraiment petits. On ne peut pas être gros actuellement. Plus tard, oui. Nous prenons des positions dans ce sens.

François-Henri Pinault, 38 ans, est diplômé d'HEC Paris. Il est entré dans le groupe Pinault en 1987 en qualité de responsable des achats de Pinault Distribution, puis nommé gérant et directeur général de France Bois Industries et de Pinault Services en 1989. En 1991, il devient PDG de Pinault Distribution en 1991. En 1993, il prend les fonctions de PDG de Pinault Distribution et de CFAO. Il est nommé PDG de la Fnac en mai 1997. En février 2000, il devient directeur général adjoint de PPR, chargé de la stratégie Internet du groupe fondé par son père François Pinault.




 

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