Interviews

Marie-Laure Sauty de Chalon
Directeur général
Carat Interactive

Leader sur le marché français du conseil média, Carat se classe au cinquième rang mondial d'après le dernier Recma Report avec 9,9 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 1999. Marie-Laure Sauty de Chalon qui vient d'être propulsée à la direction générale de Carat Interactive conduit désormais les activités Internet du groupe. Nourrie par une longue expérience dans les secteurs de la presse écrite et de la télévision, Marie-Laure Sauty de Chalon nous livre une vision emprunte de réalisme du marché publicitaire Internet.

Propos recueillis par Fabien Claire le 16 mars 2000 .

JDNet: Vous venez d'être nommée à la tête de Carat Interactive. Comment s'inscrit cette évolution dans votre parcours personnel ?
Marie-Laure Sauty de Chalon: Je suis passée de la presse à la télévision puis, en arrivant chez Carat, je suis devenue "multisupports". Mon arrivée dans le secteur de l'Internet me semble la suite logique d'une évolution vers des médias de plus en plus interactifs.

Carat n'a-t-il pas sous-exploité le marché des dot.com qui tire aujourd'hui l'activité publicitaire Internet vers le haut ?
Il faut quand même rappeler que nous avons été les premiers sur le marché à créer un département multimédia avec à sa tête Cécile Moulard. Elle a été l'une des premières expertes sur le secteur et elle a fait parti de nombreuses aventures telles que Voila, Nomade. Pourtant, c'est vrai, nous ne les avons pas traités comme des clients particuliers. Nous répondions alors davantage à la problématique de nos clients traditionnels comme Microsoft et Cegetel qui se posaient comme des acteurs majeurs sur le web. Nous ne disposions pas de structure adaptée pour répondre aux besoins des entreprises "early stage". Nous venons donc de créer @Carat pour les start-ups qui en sont seulement au stade de développement d'un concept. Mais par rapport à nos concurrents, nous n'attendons pas la première levée de fonds pour nous intéresser à elles.

Justement, quelle est aujourd'hui la stratégie de Carat Interactive ?
J'ai créé aujourd'hui une double autoroute. D'une part Carat Multimédia, pour les annonceurs traditionnels qui vont vers Internet, en leur apportant une expertise des bases de données et surtout les moyens d'élaborer leur stratégie. D'autre part pour les entreprises naissantes, @Carat doit leur permettre d'aller vers les médias. De nouvelles activités s'agrégeront à ces offres dans le domaine de l'affiliation, du partenariat et même éventuellement de l'incubation.

ll s'agit donc d'une véritable évolution par rapport au métier d'origine de Carat ?
Effectivement. Mais dans le monde du Web les métiers sont confondus, les fonctions des différents acteurs sont redéfinies. Par exemple, je suis frappée de voir que les régies commercialisent à la fois des études et de l'espace. Face à cette redistribution des rôles nous devons fournir une nouvelle offre à nos clients.

Ne s'agit-il pas simplement de profiter des capacités d'investissement considérables des dot.com ?
Pas du tout. Mon ambition au contraire, c'est de permettre à ces sociétés de mettre en place un contrôle de leur coût de communication avec un modèle qui leur permettra de tester leur potentiel de trafic et de chiffre d'affaires en commerce électronique. Nous voulons éviter que l'ensemble de leur capacité d'investissement soit dépensée en média. Quel intérêt d'investir 10 millions la semaine prochaine? L'actuelle frénésie, bien que compréhensible, doit être maîtrisée. Il n'y a pas besoin de dépenser tant pour l'instant. Il y a bien d'autres choses à faire avec cet argent.

Que pensez du marché publicitaire online à la lumière de votre expérience des autres médias?
L'activité publicitaire online, c'est un peu un moteur de Formule 1 monté sur une voiture à pédale. Le problème central pour nous est d'abord lié à des contraintes techniques. Bien souvent, l'inquiétude de mes clients est de savoir si techniquement leur campagne pourra effectivement débuter à la date prévue alors que les vrais enjeux devraient être l'appréhension d'un taux de transformation, taux de clics, nombre de produits vendus et la traçabilité de l'internaute. On a à la fois une extrême sophistication mais aussi des difficultés techniques énormes: mettre en ligne un bandeau en DHTML est bien plus problématique que produire un typon en presse quotidienne. On assiste à un véritable vent de folie dans lequel chacun perd ses moyens alors que les règles sont pourtant simples. De toutes façons, la perception que j'en ai est que pour moi Internet n'est pas un média.

Pouvez-vous expliciter cette affirmation pour le moins originale ?
Je pense qu'Internet est un outil relationnel certes mais pas un média. D'abord Internet ne divulgue pas de message, chacun peut devenir acteur sur le Web sans avoir forcément à acquérir la légitimité traditionnelle d'un "média". Tout est faussé parce que n'importe quel site marchand est lui-même un média: il accueille de la publicité, il s'adresse à ses clients. Les métiers sont confondus, on ne peut donc pas considérer Internet comme un média dans son sens traditionnel..

Et que pensez-vous de l'attitude des acteurs du marché de la publicité online?
lls ne savent pas encore gérer le support, y compris nos clients traditionnels. C'est là que nous devons apporter la lisibilité et la compréhension du média et de ses rouages. Je suis très frappée du fait que beaucoup de gens ne savent pas que l'essentiel des problèmes sont d'ordre technologique sur le Web. Et la fin de ces difficultés techniques n'est pas pour demain, avec l'arrivée du WAP par exemple de nouvelles problématiques vont apparaître.

Mais ne pensez-vous pas quand même qu'il s'agit de difficultés momentanées ?
Pour l'envoi pur et simple de bannière, les problèmes auront disparu, mais la bannière sera de toute façon dépassée puisque les taux de clic n'arrêtent pas de baisser. Aux Etats-Unis on a des campagnes à moins de 0,1% de taux de clic et cela arrivera bientôt en France. A ce moment-là on va complexifier à nouveau les supports pub et les difficultés techniques ressurgiront. Il nous appartient d'anticiper cela pour y préparer nos clients

Quelles sont alors selon vous les nouvelles voies à explorer ?
On a par exemple les partenariats sous forme d'échange de contenus avec un nouveau schéma pour l'annonceur qui doit lui-même devenir un média en fournissant de l'information. Si les acteurs du marché ne comprennent pas ce besoin d'innovation dans la communication Internet, on s'apercevra rapidement que la publicité online est moins efficace qu'un spot à télé.

Ne craignez-vous pas d'effrayer les annonceurs avec un discours aussi atypique?
Pas du tout. Et d'ailleurs nombre d'entre eux l'ont bien compris. Il me parait simplement important de dire la vérité et surtout de ne pas survendre le média Internet qui présente par ailleurs un potentiel de développement énorme. Il faut simplement définir des stratégies qui correspondent aux spécificités d'Internet.

Quelles sont pour vous les meilleures opérations de communication de vos clients?
Elles sont nombreuses mais je pense par exemple à l'opération menée par TF1 et Virgin qui ont retransmis en live et en exclusivité le concert des Rita Mitsouko. Plus généralement une entreprise comme Microsoft monte d'excellentes opérations sur le Web.

Quels outils utilisez-vous pour la mesure d'audience ?
Aujourd'hui sur le plan international nous avons fait le choix d'AdKnowledge mais cela n'est exclusif d'aucun autre outil. Il a cependant le gros avantage d'être indépendant des régies. La fiabilité de nos outils est très importante car nous enregistrons des écarts de 5 à 30% avec les régies, ça ne fait pas très sérieux! Ou bien le média se professionnalise ou la chute sera rude. Nous allons d'ailleurs bientôt lancer le premier outil de médiaplanning sur le marché. C'est un vrai besoin pour nous. Nous avons besoin de savoir comment toucher 80% de couverture de telle ou telle cible par exemple et sans ce type d'outil, c'est impossible. J'aimerais bien également voir émerger des offres de support avec des critères socio-démo.

Avez-vous déjà acheté en ligne ?
Oui bien sûr, j'ai acheté plusieurs fois des livres sur Amazon mais j'ai trouvé scandaleux de les recevoir un par un et d'avoir chaque fois des surtaxes de douanes à payer. J'achète également des cigares, du vin sur Châteauonline et 1855. J'ai également acheté des voyages. Et mon Palm Pilot sur Rue du commerce que je trouve extrêmement bien fait. J'ai également quitté la Société Générale pour SelfTrade afin de gérer mon portefeuille.

Qu'est-ce que vous aimez sur Internet ?
Sur un plan général d'abord l'absence de rôle à tenir et de hiérarchie, le lien direct entre les individus. Pour les sites le site de cartes virtuelles Blue Mountain Art.

Et que détestez-vous ?
En fait pas grand chose à part les bugs et autres problèmes techniques!

Après une maîtrise de droit et un diplôme de l'IEP Paris, Marie-Laure Sauty de Chalon a commencé sa carrière dans la presse écrite comme de chef de publicité de Libération, puis à la Tribune et L'Expansion et comme directeur général de Régie Obs. Elle a ensuite rejoint France Télévision Publicité au poste de directeur général adjoint avant de rejoindre le groupe Carat.

Carat France en chiffres :

Effectifs
435 personnes
Clients
VW, Fiat, Volvo, BMW, Rover, Microsoft, Cegetel, Bouygues, Carrefour, Casino, Auchan Polygram, Virgin...
Chiffre d'affaires 99
1,768 milliard de
dollars






 

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