Siparex
via ses deux fonds Siparex Venture et Epicéa compte investir
330 millions de francs dans les trois ans à venir, notamment
dans le secteur des nouvelles technologies. Paul Tholly, directeur
associé de la société, considère que
les start-ups qui dureront seront celles qui auront aussi assimilé
les recettes des métiers "traditionnels".
Propos recueillis par Gaëlle Hassid le 17
octobre 1999 .
JDNet :
Siparex a récemment annoncé une augmentation de
26% de ses investissements par rapport à 1998. Dans quels
secteurs allez-vous investir?
Paul
Tholly :
Cette augmentation concerne le groupe Siparex dans sa globalité.
Il dispose de deux fonds de capital-risque: Siparex Venture, fonds
de 330 millions de francs lancé en janvier 98, et Epicéa,
un fonds de 200 millions de francs. Notre objectif est d'investir
330 millions de francs dans les trois années à venir
dans les secteurs des NTIC, le médical et les services.
Quelles
sont les particularités de Siparex par rapport aux autres capitaux-risqueurs?
Nous sommes un fonds indépendant, créé par
des financiers. Notre réseau international est sans aucun
doute ce qui nous distingue des autres. Nous sommes très
présents au Canada, aux Etats-Unis et en France. Une des
succursales, créée il y a 12 ans, est à San
Francisco. Ce réseau étendu donne un aspect très
original à notre équipe. Nous avons une force de
frappe financière et notre ancienneté (Siparex a
été créé il y a 22 ans) nous donne
une vraie assurance et un poids dans le monde du capital-risque.
La filiale américaine est spécialisée dans
les opérations d'amorçage. En France, ce sont des
opérations de start-up, qui ont déjà initialisé
un peu leurs affaires. Nous faisons plutôt de la "post-création".
Pourquoi
n'avez-vous pas inscrit de start-up pour Capital IT?
C'est
vrai que nous n'avons pas présenté de dossiers à
Capital IT. Nous y allons en spectateur. En revanche, nous en
avons présenté à Sophia Antipolis et à
d'autres manifestations de la sorte. Capital
IT est très utile. On sent les tendances, les émergences.
Mais notre métier se fait généralement dans
la discrétion.
Combien de dossiers de start-ups du Net recevez- vous par
jour? Et combien se concrétisent par une réelle levée?
Nous en recevons un par jour environ. Nous avons réalisé
cinq opérations depuis le début de l'année.
Trois sont en cours.
Quels
sont les critères de sélection?
L'équipe avant tout. Une équipe est la base de la
start-up. Nous passons des heures ensemble. Nous voulons des équipes
qui soient à même de construire une entreprise à
l'échelle européenne. Ensuite, le business model,
c'est à dire un schéma clair de développement,
quitte à ce qu'il soit modifié six mois plus tard.
Le Net, c'est une nouvelle économie où tout va plus
vite. Aussi, il faut être capable de suivre le rythme, aller
plus vite encore. Enfin, il faut avoir un avantage concurrentiel
par rapport au marché.
De quelle manière accompagnez-vous
les start-ups dans leur besoin de développement?
Nous investissons entre 10 et 15 millions de francs. Mais en plusieurs
étapes. On investit d'abord 1 à 2 millions, puis
on suit la start-up au fil des trimestres. On réalise plusieurs
investissements car il ne faut que la levée soit surdiluée.
Que se passe-t-il quand une société
dans laquelle vous avez investie est en déclin?
Le fait qu'une société fasse des
pertes n'est pas le plus important. Car il faut réfléchir
sur le long terme. En revanche, on peut intervenir sur le recrutement,
sur les fonds propres en investissant à nouveau. Tout dépend
du cas.
Vous-est-il
déjà arrivé d'avoir un coup de coeur pour
un projet dont la viabilité est douteuse?
Si on n'est pas enthousiaste dans ce métier,
alors il faut arrêter tout de suite. Mais on ne peut jamais
être sûr à 100%. Cela nécessite une
analyse très critique des dossiers et pas de manière
isolée. Il faut prendre son temps pour avoir suffisamment
de recul. Le capital risque n'est pas non plus "un coup de
poker".
Que reprocheriez-vous aux start-up françaises?
Ce qui me gêne parfois, c'est qu'ils ont trop tendance à
faire un vulgaire "copier/coller" des sites américains.
Une autre remarque aussi serait leur incompétence en matière
de marketing/vente. Et certaines ont peut-être trop tendance
à vouloir absolument s'installer aux Etats-Unis.
Quels sont les points positifs ?
Je vois des équipes très solides
en ce moment.
Pour
une société française, quelle est la meilleure option : s'établir
aux Etats-Unis ou rester en France?
Il est parfois moins onéreux de rester en France que de
s'implanter aux Etats-Unis. Il n'y a pas de schéma pré-établi.
Il est important de conclure des partenariats au niveau international
mais il faut faire attention à ne pas écarteler
les équipes aux quatre coins du monde.
Si vous aviez un seul conseil à
donner ...
Il faut bien choisir son chef de file. Le challenge
maintenant, ce sera de durer. Internet n'a pas révolutionné
les métiers, il a juste donné d'autres variables.
Pour durer, je pense qu'il faut retrouver les bases du métier
institutionnel. C'est sans doute pour cela que l'on voit à
nouveau le fossé des générations se resserrer:
les jeunes équipes ont besoin de l'expérience des
seniors. Il faut savoir acheter, livrer en temps et en heure...
C'est à dire retrouver les clés du succès
du métier à l'origine.
Quels ont été vos dernières transactions?
Montecristo et trois autres transactions sont en cours. (cf
dossier capital-risque
et Internet, NDLR)
Quels
sont les critères pris en compte pour la valorisation d'un site?
Il faudrait recréer une théorie
financière sur les start-ups du Net. Elles sont pratiquement
impossibles à évaluer. Je dirais que les start-ups
se valorisent par le potentiel du chiffre d'affaires, de la pub
et du flux sur le site.
Nous ne sommes pas des experts commerciaux mais des investisseurs,
on doit anticiper à 4 ou 5 ans. Il est clair que l'on va
avoir des surprises.
Les
analystes financiers préconisent une explosion en Bourse
des valeurs Internet comme celle qui s'est produite sur le Nasdaq.
A quelle échéance vous attendez-vous à voir ce phénomène?
Je pense que d'ici 14 à 15 mois, les gens
seront prêts à investir dans le Nouveau Marché
et qu'il y aura une multitude de sociétés cotées.
Il
y a de plus en plus d'associations telles que la "Dream Team".
Ca change quoi pour les capitaux- risqueurs?
Il existe
de plus en plus un phénomène de communautés.
Le monde dans lequel nous vivons est un monde très dur.
Il faut absolument s'organiser en réseaux de confiance,
entre start-up et avec les capitaux-risqueurs. Espérons
que le phénomène ne soit pas éphémère...
Qu'aimez-vous
sur le Net ?
L'information très riche que l'on peut y trouver.
Quel
journal d'informations lisez-vous en ligne ?
La
Tribune, Le Monde, Wall Street Journal, le San José Mercury
News...
Vous
achetez des produits sur le Net?
Non...à part des places de cinéma.