Interviews
Jonathan Weber

Jonathan Weber
Rédacteur en chef
"The Industry Standard"

Jonathan Weber reçoit en chemise blanche et jeans noir, dans son bureau de Pacific Street, à San Francisco. Les écrits du rédacteur en chef de l'hebdomadaire "The Industry Standard" influencent au quotidien la pensée de ceux qui font l'industrie Internet aux Etats-Unis. Pour le JDnet, il donne son analyse des tendances de la net-économie et annonce qu'il sera présent en France sous un an.  

Propos recueillis par Samuel Kissous le 24 mars 2000 .

JDNet. Comment l'Industry Standard a-t-il été créé?
Jonathan Weber. Le Groupe IDG a eu l'idée de faire quelque chose à propos d'Internet et s'est adressé à John Betelle pour mettre un place un projet d'hebdomadaire économique. John est venu me trouver au "LA Times" à l'automne 1997, et le journal a été lancé en avril 1998.

Aviez-vous imaginé un tel succès dès le début?
Nous étions bien entendu persuadés de notre réussite, mais c'est arrivé bien plus vite et à une plus grande échelle que prévu. Il faut noter que le succès n'a pas été instantané, ça a pris environ 8 a 10 mois et avec peu de promotion. Le bouche à oreille a pris peu a peu, c'est un succès dû à la qualité éditoriale avant tout. En outre, le site web et le magazine ont coexisté d'emblée de manière complémentaire.

Vous venez de lever 30 millions de dollars, dans quel but ? Vous avez une introduction en bourse en vue ?
Nous voulions avoir des partenaires tels que Pearson pour nous aider dans notre développement, ouvrir de nombreuses portes en quittant notre statut de filiale à 100% de IDG. Nous avons levé cet argent pour faire des choses, pas parce que nous en avions besoin. Nous agrandissons notre équipe éditoriale de manière très agressive, en passant de 30 a 80 personnes pour la partie rédaction/réalisation. Nous pensons a une introduction en Bourse, mais ce n'est pas notre principale motivation.

Où en est la diffusion de l'Industry Standard ?
Nous avons 175.000 abonnes et 200.000 lecteurs pour le magazine, plus 280.000 abonnes a nos newsletters distribuées par email. Au total, on peut donc dire que nous sommes lus par au moins 700.000 à 800.000 personnes. Enfin, le site web attire 600.000 visiteurs uniques par mois.

Quel est le rôle joué par le site web et comment s'articule-t-il avec la version papier ?
L'intérêt du web est la rapidité et la fréquence, la possibilité de fournir des infos au quotidien, et l'ajout de services comme l' "Intelligence store" (études disponibles à la vente, ndlr). Le magazine permet de fournir un cadre clair pour toute l'actualité de la semaine précédente, c'est une source exhaustive. La plus grande partie de notre revenu est liée à l'imprimé mais le web a tout de même une part significative. Notre activité d'organisation de conférence est également lucrative, nous en avons une la semaine prochaine sur le B to B qui est complète depuis un mois !

La publicité s'est accrue de manière considérable dans le magazine. Vous ne craignez pas une saturation ?
Il y a eu un boom des dépenses publicitaires réalisées par les "dotcom", et il y aura probablement un ralentissement. Mais on est tellement en avance sur nos projections ! Il est vrai que certains se plaignent d'un magazine trop épais, tandis que d'autres aiment les pubs car elles permettent de repérer les sociétés qui émergent du lot. Nous avons décidé de limiter le magazine à 260 pages dont 100 pages pour la partie éditoriale.

Les journaux traditionnels doivent-ils craindre le Web ou l'adopter ?
Les deux ! Ils doivent le craindre car Internet représente un changement très important, avec un impact considérable sur la manière dont les gens trouvent et consomment l'information. J'ai travaillé au "LA Times". Si vous êtes le "LA Times", vous avez un monopole sur votre marché local et cela semble une importante barrière à l'entrée, mais un changement profond comme l'Internet peut remettre ce statut en cause. En même temps, les médias établis ont une énorme chance à saisir. Ils devraient changer leur manière de penser par rapport au web. Les organisations de l'écrit regardent encore le web comme leur parent pauvre. Elles affirment en reconnaître l'importance, mais il y a un goufre entre ce qu'elles disent et ce qu'elles font.

Parlons de l'industrie Internet en elle-même. Quel est votre diagnostic ?
Ca pète le feu ! La vitesse avec laquelle les "dotcom" decollent est surprenante. L'impact est beaucoup plus important que ce que les gens attendaient. Le succès de la première vague explique l'afflux actuel d'argent. En même temps, il faut distinguer le bon grain de l'ivraie, et il y a beaucoup d'ivraie. Il y a en ce moment une sorte d'hystérie qui devrait s'apaiser. Je ne pense pas que ce soit simplement une bulle vouée à éclater tout d'un coup, lors d'un krach. Je vois plutot un reflux progressif a long terme.

Quelles sociétés vous semblent les plus prometteuses à l'heure actuelle ?
Celles qui batissent l'infrastructure, comme Akamai ou les sociétés de DSL, celles qui améliorent la performance du Web. On parle beaucoup du B to B en ce moment, et je pense que c'est un secteur intéressant parce qu'on est sur de l'existence d'un marché. Il faut garder un oeil aussi sur les sociétés de nouvelle generation dans le domaine des média et des loisirs.

Quelles sont les principales tendances actuelles dans l'industrie ?
Le B to B, la frénésie autour du business de la création de business, le nouveau phénomène des incubateurs...

L'an 2000, c'est l'année de l'Europe ?
Oui, on pourrait dire ça. En Europe, beaucoup de gens regardent ce qui se passe ici et se disent : "Bon sang, comment allons-nous faire pour que la même chose arrive chez nous". Il y a une pression sur les dirigeants politiques et les chefs d'entreprise pour ne pas louper le coche.

Avez-vous entendu parler de sociétés américaines qui envisagent de s'implanter en Europe cette année ?
Beaucoup s'y trouvent déjà : Yahoo, AltaVista, Amazon, eBay... tous les grands noms vont s'y intéresser. Traditionnellement, l'Europe a représenté une part substantielle du marche high tech, si l'on pense à des sociétés telles que Hewlett Packard ou IBM.

Europ@web (groupe Arnault) fait désormais partie de vos investisseurs. Est-ce un signe d'intérêt pour l'Europe de la part de l'Industry Standard ?
Nous avons fermement l'intention d'être présents en Europe, avec l'aide d'investisseurs tels que Pearson et Europ@web. Nous sommes en train de réfléchir à la manière dont nous allons le faire : distribuer simplement le magazine américain, publier une édition pan-européenne ou mettre en place des joint-ventures avec des média européens... Je pourrai vous en dire plus dans un mois, mais il est certain que nous serons présents en France d'une manière ou d'une autre d'ici la fin de l'année. Le succès aidant, beaucoup de gens sont venus à nous avec des propositions, mais on ne peut pas tout faire en même temps. Aujourd'hui nous occupons sept batiments dans le quartier parce qu'on n'arrive pas à loger tout le monde au même endroit !

Vous avez travaillé en Europe. Qu'est-ce qui vous a marqué dans la pratique des affaires européennes ?
J'y étais dans les années 80. En tant que journaliste, j'ai été frappé par le manque de transparence, les sociétés ne voulaient pas communiquer des choses qui relèvent de la pure routine ici. Si je contactais une société pour demander le chiffre d'affaires, on ne voulait pas me répondre, même dans le cas de sociétés cotées !

Comment avez-vous découvert le web ?
J'étais correspondant pour le "LA Times" à San Francisco au début des années 90, alors j'ai baigné dedans depuis le début.

Quel est votre propre usage du web ?
Je l'utilise principalement d'un point de vue professionnel, je regarde beaucoup les différents médias.

Vous n'achetez pas ?
Je n'ai jamais été un grand adepte du shopping de toutes facons, et cela n'a pas changé sur le web. A l'exception peut-etre du jeans Gap que je porte aujourd'hui, de cadeaux ou de jouets.

Qu'est-ce que vous détestez sur le web ?
Je déteste la publicité déguisée en information, lorsqu'on ne sait plus distinguer ce qui est info et ce qui est payé. Je n'aime pas non plus ces stupides machins de marketing du type "permission marketing", où l'on vous paye pour regarder une pub.

Qu'est-ce que vous y aimez ?
De nombreuses sources d'infos sont maintenant plus facilement accessibles, et c'est un bon moyen aussi pour garder le contact grâce à l'email.

Quelle est la chose la plus importante a retenir a propos du web ?
Le web va provoquer un changement en profondeur dans les institutions, les entreprises, le gouvernement, l'education... Bien plus qu'on ne l'imagine. Et plus encore que dans la vie personnelle.

Jonathan Weber est le rédacteur en chef de "The Industry Standard" depuis sa création. Il dirige à la fois le newsmagazine hebdomadaire et le site web thestandard.com. Avant de rejoindre The Standard, il a lancé la rubrique technologique du Los Angeles Times, "The Cutting Edge". Il a également travaillé à Genève pour World Link, une publication mensuelle du World Economic Forum. Il fut en outre correspondant en Europe pour Fairchild Publications. Il est diplômé de Wesleyan University (Connecticut) en philosophie.





 

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