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Le droit du référencement
- Mardi 6 mars 20001 -

Le principe jusqu'ici généralement admis de la gratuité du référencement commence à être battu en brêche. Face à cette nouvelle donne, quels sont les droits et obligations des outils de recherche, des clients et des prestataires de référencement?

par Eric Barbry, avocat au barreau de Paris, président de Cyberlex

Le monde du référencement est l'objet de nombreuses interrogations. Nombreuses sont les sociétés qui administrent des outils de recherche (moteurs de recherche ou annuaire) et s'interrogent quant à un modèle économique. Jusqu'ici le principe généralement admis était celui de la gratuité du référencement, le modèle économique étant basé sur d'autres sources de rémunération (publicité, partenariat divers, licence, ...). Certains ont déjà franchi le pas et proposent des référencements payants en tout ou partie. Les utilisateurs quant à eux s'interrogent sur les règles du référencement, les garanties qui pourraient leur être offertes (en terme de positionnement) et les risques qui pourraient naître d'abus en matière de droit de la concurrence. Au milieu les intermédiaires, autrement appelés les prestataires de référencement, qui doivent savoir surfer entre les exigences de leurs clients, les règles des outils de recherche et la protection de leur propre know-how.

Face à ces interrogations il n'est pas inutile de rappeler les principes de ce que l'on pourrait appeler "le droit du référencement".

1. Droits et obligations des outils de recherche
La gratuité n'étant pas un modèle imposé, il convient tout d'abord de préciser que les outils de recherche (que l'on appellera par commodité OR) ont le droit de vivre de leur art. Ils sont donc parfaitement fondés à proposer un référencement payant, voir, pour des OR que l'on voudrait particulièrement efficaces, un paiement à la recherche. D'autres enfin envisagent le commissionnement. Pour cela encore faut-il respecter les règles du jeu de l'affichage des prix et de leur transparence. Pour certains la transition s'avère plus délicate dès lors que toutes leurs offres de produits et services ont été basées sur une règle contractuelle clairement établie de gratuité. Il s'agit donc là non seulement de la remise en cause d'un modèle économique mais également des contrats conclus.

La rémunération posera également immanquablement la question de la responsabilité car si l'on peut imaginer aujourd'hui (et ce n'est d'ailleurs pas certain) que les OR ne sauraient voir leur responsabilité engagée du fait d'un défaut de référencement gratuit, il n'en sera certainement pas autrement d'un référencement payant et qu'en cela les OR seront tenus de proposer de véritables contrats à leurs clients permettant de préciser les droits et obligations de chacun. Ces contrats pourraient aisément prendre la forme de conditions générales de service.

Gratuit ou payant le référencement pose également le problème de l'application des règles simples du droit de la concurrence. Pas plus que d'autres secteurs, celui du référencement n'est à l'abri des abus de position dominante ou des ententes illicites. Sur ce point le Conseil Nationale de la Concurrence a d'ores et déjà eu à se prononcer.

En dehors du contrat lui même qui fondera les droits et obligations contractuelles, les OR ont également la faculté sinon le devoir de protéger leurs investissements : protection des logiciels développés, des graphismes utilisés... voire des bases de données constituées et bien entendu des identifiants qui font partie du patrimoine. Plus d'un OR est d'abord connu par son nom avant ses performances. La question de la protection par le brevet ne manquera pas d'être posée. Mais la protection des uns commence là ou la protection des autres commence et nombreuses sont les réclamations qui portent sur la responsabilité des OR. Les OR sont, en effet, accusés de tous les maux et notamment de faciliter l'accès à des contenus illicites et de contrefaire les sites et le contenu des tiers. La question de la responsabilité reste ouverte et fera peut-être l'objet d'une loi spécifique mais en tout état de cause il est important de bien distinguer la responsabilité des OR es qualité de celle qui est la leur dans d'autres fonctions comme celle d'éditeur de contenu.

2. Droit et obligations des clients
Les clients des OR sont en réalité de deux types : les sites, portail et autres market places qui souhaitent être référencées et les internautes qui utilisent les services des OR. Les premiers ont besoin de connaître les modalités du référencement afin d'opérer un choix. Lorsque le référencement est payant ils sont en plus en droit d'attendre des engagements plus forts de la part de l'OR sélectionné. S'agissant des OR pour lesquels le référencement est automatisé la question se pose alors d'un droit d'opposition du site listé.

Un point essentiel est trop souvent oublié celui, pour le maître du site du choix des métatag et autres signes distinctifs dans le cadre de son référencement. Certes la jurisprudence a rappelé que l'usage de la marque d'autrui dans le cadre d'un métatag relevait d'un acte de contrefaçon [TGI Paris 4 août 1997] mais il n'est pas exclu qu'une tolérance soit admise, notamment pour les sites de vente de produits et services, afin qu'ils puissent utiliser les noms et marques des produits vendus sur leur site dans le cadre des campagnes de référencement qui ne sont ni plus ni moins que des formes de publicité. On ne peut toutefois que recommander que cette épineuse question soit abordée dès la signature d'un contrat entre un fabricant ou un fournisseur et le e-commerçant.

On a trop tendance à considérer les internautes, dès lors que la recherche est gratuite, comme des consommateurs dénués de tout droit. Là encore la prudence doit être de rigueur et nombreux OR seraient avisés de prévoir des conditions générales d'utilisation de leurs services ne serait-ce que pour " organiser " leur responsabilité.

3. Les droits et obligations des prestataires de référencement
Le référencement apparaît de plus en plus comme un passage obligé mais également comme une activité part entière et pour le moins spécialisée. Un bon prestataire des référencement doit en effet connaître les techniques de référencement mais aussi savoir les utilisés à bon escient pour un client (chacun ayant ses propres besoins), il doit aussi connaître les " goûts et habitudes " des internautes et savoir modifier son action en fonction des résultats obtenus c'est à dire être réactif sinon proactif.

Les relations entre le prestataire et son client devront impérativement s'inscrire dans le cadre de ce que l'on nomme un contrat de référencement qui parmi les points clés devra traiter : de la connaissance marché du prestataire, de l'étendue de son obligation de conseil et des pratiques de référencement mises en œuvre, du choix des mots clés et textes utilisés, enfin des conditions de garantie et de reporting. Le client a parfois des exigences fortes en matière d'exclusivité imposant à son prestataire de ne pas avoir d'autres clients dans le même secteur. Si l'on peut comprendre ce souhait, il est impératif que cette clause soit parfaitement rédigée et accompagnée d'une contrepartie financière permettant de couvrir les pertes consécutives à cette exclusivité.

Enfin on rappellera que le tiers de référence est un spécialiste et que son activité est construite autour d'un savoir faire qu'il doit savoir protéger de tous et même de son client. Il en sera de même des bases de données et de connaissance qu'il aura su développer.

Il semble, et c'est là une conclusion toute provisoire, que le référencement s'articule autour d'un droit en construction : le droit des contrats d'abord encore limité mais en pleine expansion ; les règles déontologiques (c'est le cas de l'adoption de la Charte du référencement) ; la loi qui viendra sans doute parachever l'édifice.

[ebarbry@club-internet.fr]

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