Chaque
semaine, gros plan sur la loi et l'Internet
Les
casinos virtuels
aux frontières de la légalité
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Mardi 23 avril 2002
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(1ère
partie)
Pour
apprécier l'étendue des réformes qui s'avèrent nécessaires
à l'ouverture de casinos en ligne, il est indispensable
d'analyser l'état du droit en la matière.
par
Alexandre Menais
Cabinet Lovells Administrateur de Juriscom.net
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La
gamme des jeux de hasard et d'argent offerte au public ne
cesse de se diversifier et profite des innovations techniques.
A l'heure où la Française des jeux offre légalement une gamme
de jeux de loterie accessibles par l'Internet, les groupe
de casinos surveillent le phénomène des cybercasinos.
C'est dans ce contexte que le sénateur François Trucy plaide,
dans son rapport auprès de la Commission des Finances du Sénat
consacré aux jeux de hasard et d'argent en France, en faveur
d'une intervention urgente de l'Etat en vue de légaliser et
autoriser la pratique de tels jeux sur l'internet sous réserve
de s'entourer des précautions requises.
Aussi
le temps de la réforme est, semble-t-il, arrivé. Mais, avant
la tenue d'un débat parlementaire législatif et de société,
il est intéressant d'opérer une photographie de l'état du
droit en la matière pour apprécier l'étendue des réformes
qui s'avèrent nécessaires.
Le
cadre juridique des casinos
L'activité
des casinos est réglementée par la loi du 15 juin 1907 qui
dispose en son article 1er que "par dérogation à l'article
1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux
de hasard, il pourra être accordé aux casinos des stations
balnéaires, thermales ou climatiques, sous quelque nom que
ces établissements soient désignés, l'autorisation temporaire
d'ouvrir au public des locaux spéciaux, distincts et séparés
où sont pratiqués certains jeux de hasard". L'article 57 de
la loi 88-13 du 5 janvier 1988 a étendu l'autorisation aux
casinos se situant dans des villes de 500.000 habitants sous
réserve qu'elles soient classées historiques et contribuent
pour plus de 40% au fonctionnement d'un théâtre, d'un orchestre
ou d'un opéra ayant une activité régulière.
Cette
autorisation est accordée par arrêté du ministre de l'intérieur,
après enquête et en considération d'un cahier des charges
établi par le conseil municipal de la commune sur laquelle
s'implante le casino et approuvé par le ministre de l'intérieur.
Il s'agit de savoir dans quelle mesure les différents critères
définis par l'arrêté du 23 décembre 1959 constitueraient un
obstacle à la mise en ligne de casinos virtuels.
L'applicabilité
de ce cadre juridique aux casinos virtuels
Le premier critère réside dans la localisation de l'établissement.
Il pourrait en effet être envisageable que tout casino virtuel
puisse obtenir l'autorisation d'exploitation d'un casino dès
lors que cet établissement dispose d'une adresse physique
située dans une station balnéaire, thermale ou climatique
ou dans toute ville de 500.000 habitants, nonobstant la localisation
du serveur Internet. Puisqu'il est désormais établi que le
critère de la localisation du serveur n'est pas déterminant,
pourquoi dès lors ne pas considérer le site Internet comme
un prolongement de l'activité du casino situé dans une station
balnéaire, ou tout autre endroit autorisé, au sens de la loi
de 1988 précitée?
Le
second critère consiste dans l'activité même du site. En effet,
tout casino doit comporter trois activités distinctes que
sont le spectacle, la restauration et le jeu, ces trois activités
devant être réunies sous une direction unique sans qu'aucune
d'elle ne puisse être affermée. Il nous semble alors plausible
(possible ?) qu'un portail Internet créé et géré par un propriétaire
de casino puisse proposer des jeux en ligne tout en faisant
bénéficier le cyberjoueur des animations culturelles et touristiques
requises par la loi. Pour ce faire, il suffirait d'étendre
l'autorisation d'exploitation délivrée par le ministre de
l'intérieur à l'activité sur le réseau des réseaux, étant
précisé que les textes actuels ne présentent aucun obstacle
majeur à une telle extension. En effet, ne pourrait-on pas
considérer que le fait de pouvoir télécharger la musique d'un
groupe local ne favorise pas une animation culturelle mais
plutôt une musique locale?
Néanmoins,
une réserve doit être formulée quant à la nature des jeux
qui pourraient être proposés au cyberjoueur. Nous estimons
en effet que les jeux d'argent mis en ligne sont assimilables
à la catégorie des "machines à sous" définie par le décret
du 22 décembre 1958 modifié par l'arrêté du 9 mai 1997 comme
tout appareil automatique de jeux de hasard entrant dans les
catégories dites "machines à rouleaux" et "jeux vidéo" qui
permettent après introduction (
) d'une carte de paiement
prévu à l'article 7 du même décret, la mise en uvre d'un
mécanisme entraînant l'affichage d'une combinaison aléatoire
de symboles figuratifs. Il est d'ailleurs précisé que "lorsque
les jeux sont effectués au moyen d'une carte de paiement,
les gains directement payés par la machine ne peuvent l'être
qu'en unités électroniques créditées sur la carte". En conséquence,
il n'existe aucun obstacle majeur relatif aux jeux vidéos
et/ou carte de paiement qui viendrait s'opposer à la mise
en ligne de jeux d'argent. Il est constant que la mise sur
le réseau des réseaux ne présente pas d'obstacle.
La
loi n°87-306 du 5 mai 1987 modifiant certaines dispositions
relatives aux casinos autorisés dispose que l'usage des machines
à sous est exclusivement autorisé dans les casinos, étant
précisé par la Commission Supérieure des jeux que ces machines
ne pourraient être exploitées qu'après un délai d'un an à
compter de l'autorisation d'exploitation délivrée par le ministère
de l'intérieur.
Ainsi,
la mise en ligne de machines à sous est subordonnée à la qualification
juridique de "casino" et en particulier à l'extension de l'autorisation
d'exploitation de casino à l'Internet.
L'applicabilité
à Internet du régime juridique des casinos se heurte également
à l'épineuse question du respect des dispositions légales
relatives aux interdits de jeux que sont notamment les mineurs
ou les interdits volontaires ayant conscience de leur dépendance
à l'égard du jeu. Sur ce point, nous rejoignons le Sénateur
Trucy qui suggère de recourir à des techniques d'identification
d'empreintes digitales, un croisement, autorisé par la CNIL,
des fichiers informatiques entre le ministère de l'intérieur
et les casinos ainsi qu'un "système de limitation automatique
des mises à domicile pour les jeux en ligne tel qu'il en existe
pour les retraits d'argent liquide par carte bancaire dans
les distributeurs automatiques".
Tout
compte fait, l'obstacle majeur à l'extension de l'autorisation
à une activité sur Internet réside dans le cahier des charges
défini par la commune. Or, force est de constater que la commune
jouit d'une certaine liberté dans la rédaction du cahier des
charges. Aussi, rien ne semble s'opposer à ce que la commune
use de cette liberté pour bénéficier des recettes fiscales
et de la promotion du site touristique qu'engendrerait une
telle activité.
En
conséquence, nous estimons que le cadre juridique actuel pourrait
tout à fait être transposable à une activité sur Internet
sous réserve d'admettre la possibilité d'étendre le champ
de l'autorisation d'exploitation à l'Internet. Autrement dit,
l'insécurité juridique pourrait plutôt provenir du fait que
ce droit est applicable mais qu'il n'est pas totalement adapté.
Les sociétés qui ont décidé d'exercer à l'étranger ces activités
pour contourner lesdites règles, devraient aussi s'en convaincre.
>>
A suivre
[Alexandre.Menais@lovells.com]
NB
: Cet article a fait l'objet d'une étude approfondie dans
les cahiers Lamy Droit de l'Informatique et des réseaux, du
mois d'avril 2002, et est consulmtable sur Juriscom.net.
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