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L'éviction
des actionnaires minoritaires
par un "coup d'accordéon"
- Mardi 1er octobre 2002 -
Le double
mécanisme (réduction de capital suivie
d'une augementation de capital) entraine parfois une
transmission de l'entreprise un tiers.
Un risque que semble renforcer la jurisprudence, qui
fait preuve de pragmatisme économique.
Le
"coup d'accordéon" consiste en une réduction de capital
suivie d'une augmentation de capital. Cette opération
peut avoir pour conséquence l'expropriation pure et
simple des actionnaires lorsque leur droit préférentiel
de souscription à l'augmentation de capital est supprimé.
La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt légitimant,
sous certaines conditions, de telles opérations permettant
à la fois de recapitaliser une société et d'en transmettre
le contrôle (Cass. com. 18 juin2002 n° 1211 FS-P, Association
Adam c/SA Lamy).
1.
En quoi consiste un coup d'accordéon?
Pour
résorber les pertes accumulées et recapitaliser une
société, il est fréquent de recourir au double mécanisme
de la réduction du capital à zéro par annulation des
actions existantes suivie d'une augmentation de capital,
opération expressément autorisée par la loi (art. L
224-2 du code de commerce). A ce stade, ce n'est qu'un
mode de reconstitution des capitaux propres.
Le
problème qui se pose parfois à certains actionnaires
vient du fait que, comme c'était le cas dans l'espèce
qu'avait à trancher la Cour de Cassation, une telle
opération peut s'accompagner de la transmission de l'entreprise
à un tiers. Pour atteindre ce résultat, il y a lieu
de supprimer le droit préférentiel de souscription et
de réserver l'augmentation de capital au dit-tiers.
Les actionnaires minoritaires, ne disposant pas par
définition de la minorité de blocage, ne peuvent pas
s'opposer à la suppression du droit préférentiel de
souscription au bénéfice du repreneur. A l'issue de
cette double opération (le coup d'accordéon), les actionnaires
minoritaires se trouvent évincés de la société, désormais
contrôlée par le seul repreneur.
2.
Les conditions de validité requises par la jurisprudence
de la Cour de Cassation
Trois
arguments ont été mis en avant par les actionnaires
minoritaires de la société pour tenter d'obtenir de
la Cour la reconnaissance du principe que leur exclusion
du capital de la société leur causait un préjudice.
Mais la Cour, en écartant chacun de ces arguments, a
pris soin de baliser ce qui doit désormais tenir lieu
de conditions de validité de toute opération de coup
d'accordéon entraînant l'éviction des actionnaires originels.
L'atteinte
au droit de propriété. Les minoritaires soutenaient
d'abord que la suppression du droit préférentiel de
souscription avait eu pour effet de porter atteinte
à leur droit de propriété, droit constitutionnellement
protégé. La Cour a d'abord relevé que le droit préférentiel
de souscription avait été supprimé pour tous les actionnaires
et que majoritaires et minoritaires avaient été traités
sur un pied d'égalité dans une situation où la survie
de l'entreprise était en jeu. Elle a ensuite considéré
qu'il n'y avait pas atteinte au droit de propriété des
actionnaires car la réduction du capital à zéro sanctionnait
leur obligation de contribuer aux pertes sociales dans
la limite de leurs apports, tout procédé par lequel
ils tenteraient d'échapper à cette obligation étant
frappé de nullité.
La
violation de l'intérêt commun des actionnaires au bénéfice
de l'intérêt de la société. L'augmentation
des engagements des actionnaires Enfin les minoritaires
soutenaient que leur éviction s'analysait en une augmentation
de leurs engagements. Si tel était le cas, l'opération
litigieuse ne pouvait être adoptée qu'à l'unanimité
et non pas seulement à la majorité requise pour toute
modification statutaire. Bien que la Cour n'ait pas
eu à se prononcer sur cette question, la question n'ayant
pas été soumise aux juges du fond, elle aurait conclu
selon une jurisprudence ancienne, que les engagements
des actionnaires ne peuvent être considérés comme ayant
été augmentés que s'il y a aggravation de leurs dettes.
Or, une diminution de leurs droits d'actionnaires ne
constitue pas une augmentation de leurs engagements.
Conclusion
Ainsi commence à se dégager un certain pragmatisme économique
de la jurisprudence tendant à considérer que lorsque
la survie de l'entreprise est en jeu, l'atteinte au
droit préférentiel de souscription de l'actionnaire
est admissible. Il n'en demeure pas moins que le coup
d'accordéon qui aurait pour unique dessein de servir
les intérêts d'un groupe d'actionnaires majoritaires
au détriment d'actionnaires minoritaires reste critiquable.
Il en va ainsi si les actionnaires majoritaires décident
de supprimer le droit préférentiel de souscription au
bénéfice de tel d'entre eux. De tels agissements relèvent
en effet de l'abus de majorité que les tribunaux ont
déjà eu l'occasion de sanctionner (CA Versailles 20
mai 1999 n° 97-4547).
[legal@paulhan-avocat.com]
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