Rubrique Juridique

Avec Alain Bensoussan Avocats

LE CONTRAT DE REPRODUCTION D'UNE OEUVRE DE L'ESPRIT SUR INTERNET


par Eric Barbry, avocat à la Cour, directeur du Département Internet de Alain Bensoussan - Avocats, président de l'Association Cyberlex

Objet du contrat
Les sites Internet sont très souvent agrémentés d'un certain nombre d'œuvres de l'esprit protégées par le code de la propriété intellectuelle.
La nature de ces œuvres est tout à fait disparate ; il peut s'agir d'écrits (article, commentaire, rapport...) de musique avec ou sans parole, de dessin, graphisme, infographie, croquis, d'images animées ou non, ou de toute autre œuvre de l'esprit en général.

Est élevé au rang d'œuvre de l'esprit le logiciel qui pourra, lui également, être reproduit au sein d'un site Internet.
Une œuvre de l'esprit, dès lors qu'elle est originale, est protégée par le Code de la propriété intellectuelle français mais également par un ensemble de conventions internationales.
La reproduction d'une œuvre protégée au sein d'un site Internet nécessite d'obtenir une cession de droits de la part de l'auteur.
La violation des dispositions du Code de la propriété intellectuelle et plus généralement des dispositions des conventions internationales applicables, expose son auteur à une procédure en contrefaçon, laquelle est un délit pénal.

Il ne s'agit pas là de cas d'école et la jurisprudence est particulièrement abondante pour ce qui concerne les contrefaçons sur Internet.
Pour se prémunir contre les actes de contrefaçon sur le réseau, il n'existe qu'une seule solution : obtenir de l'auteur (ses ayants droit ou ayants cause) le droit d'exploiter son œuvre en ligne.
Cette cession s'obtient par la conclusion d'un contrat spécifique passé entre l'éditeur du site web et l'auteur.
Ces contrats de cession de droits d'œuvres protégées sur Internet tendent à se multiplier. Il s'agit là du résultat immédiat des différentes décisions rendues par les tribunaux et relatives aux contrefaçons sur l'Internet.

Contenu

Le contrat de cession de droits d'une œuvre de l'esprit, en vue de sa diffusion sur Internet, n'est pas un contrat de cession de droits comme les autres.

Le considérer comme tel serait méconnaître l'Internet et ses caractéristiques.
Le contrat doit bien entendu comporter les éléments imposés par le Code de la propriété intellectuelle et notamment :

- un objet précis qui définit quelle est l'œuvre visée par la cession ;
- les conditions de la cession (exclusive ou non exclusive) ;
- les droits cédés (droit de reproduction, de représentation, d'adaptation, d'arrangement, de transformation, de traduction) ;
- les modalités d'exploitation (site web et toute autre exploitation envisagée. (publicité, " merchandising " ...)
- d'une localisation géographique de la cession (on peut difficilement imaginer autre chose qu'une cession "pour le monde entier " quoi que l'on puisse imaginer des accès restreints) ;
- une limitation en termes de durée (qui peut varier entre quelques heures, voire quelques jours, pour une reproduction événementielle à la durée légale de la protection des droits d'auteur) ;

Mais à ce contenu classique, il conviendra de prendre en compte des éléments spécifiques à l'Internet:

- le contrat comportera un préambule élaboré et particulièrement détaillé, notamment sur les conditions dans lesquelles les parties décident de contracter.

Plus le préambule sera détaillé, plus, en cas de différent, le tribunal pourra déterminer ce qui, au-delà du contrat, constitue les obligations, droits et devoirs de chacune des parties et l'esprit dans lequel elles ont été élaborées.
Il pourra ainsi beaucoup mieux apprécier la bonne foi dans l'exécution du contrat, c'est-à-dire l'obligation de "loyauté " et de "coopération ".

Le préambule sera complété d'une série de définitions qui permettront, là encore, au juge mais également à l'auteur, souvent peu informé des "techniques Internet " de mieux appréhender le contrat et de démontrer l'existence d'un consentement éclairé.

- un article particulier pourra porter sur la numérisation. Pour que l'œuvre soit portée sur Internet, il faut qu'elle soit numérisée. Bien entendu, le contrat lui-même doit prévoir cet acte de numérisation mais il doit également prévoir que la numérisation peut, à la marge, engendrer des altérations imperceptibles mais néanmoins réelles sur l'œuvre d'origine, et qu'en tout état de cause, ces modifications, imposées par la nécessité technique, ne sauraient constituer des dénaturations de l'œuvre au sens du droit moral.

- sur la mention du nom de l'auteur, rappelons qu'il s'agit d'une obligation imprescriptible, inaliénable et perpétuelle, un droit attaché à la personne de l'auteur auquel même lui ne peut renoncer.
L'éditeur du site en cause devra donc mentionner, d'une manière ou d'une autre, le nom de cet auteur.
La technique vient là au secours de l'éditeur car si, en matière d'écrit, il n'existe qu'une solution (celle de mentionner le nom sur l'œuvre) en matière audiovisuelle, qu'une solution (celle de réaliser un générique) et en matière musicale, qu'une solution (celle de porter le nom de l'auteur sur la jaquette CD) s'agissant de l'Internet, plusieurs solutions peuvent être utilisées.
Au titre des différentes techniques envisagées, on peut rappeler l'existence d'une page d'accueil avec la mention des différents noms ; il s'agit là d'une technique peu utilisée, dans la mesure où elle surcharge la page d'accueil que l'on sait être la page première des visiteurs, celle sur laquelle il ne va passer que 3 à 4 secondes, desquelles il décidera s'il poursuit ou non la visite du site.

Le mécanisme le plus courant repose sur la création d'une page spéciale dite de "crédit", dans lequel sont portées l'intégralité des éléments liés à la propriété intellectuelle du site.
Sur certains sites, la mention du droit au nom était portée sur l'œuvre elle-même, souvent sous la forme d'un lien hypertexte.
Cette technique a le mérite de pouvoir, outre la présentation du nom de l'auteur, de porter un ensemble d'informations relatives aux conditions d'utilisation de l'œuvre, aux modalités financières de réutilisation, et plus généralement un ensemble de données liées à l'œuvre.

- On peut également, sur ce point, prévoir dans le contrat de cession de droits d'une œuvre pour une utilisation sur Internet, un dispositif spécifique quant au marquage ou au tatouage de l'œuvre.

Dans tous les cas, il est important de préciser, avec l'auteur, les conditions dans lesquelles sera identifiée l'œuvre au sein du site web.

Ce type de clause a l'avantage de "rassurer " l'auteur en lui précisant quels sont les moyens dont dispose l'éditeur pour atténuer, autant que faire ce peut, les réutilisations non autorisées de l'œuvre reproduite.

- On peut en outre envisager une clause spécifique concernant de la gestion du site dans laquelle il sera rappelé que l'éditeur est seul responsable du contenu du site et qu'il est également seul responsable de l'opportunité ou non de procéder à un référencement du site et à l'établissement de lien hypertexte.
Il en sera également de même d'un mécanisme spécifique permettant à l'éditeur de mettre à jour et de faire évoluer le site, ceci pouvant aller jusqu'à la suppression, à terme, de l'œuvre du site.

Enjeux et perspectives
Le problème lié à la rémunération est l'un des plus difficile à résoudre, s'agissant de la cession.
On peut envisager plusieurs mécanisme de rémunération. Bien entendu, la cession pourra être consentie à titre gratuit, mais dès lors qu'elle induira des flux financiers au bénéfice de l'éditeur, celui-ci sera tenu de rémunérer l'auteur.

On sait que la rémunération, en matière de propriété intellectuelle, est, par principe, proportionnelle, sauf lorsque l'exploitation porte sur un logiciel ou dans les cas où la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée, que les moyens de contrôler l'application de la participation font défaut, que les frais de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec un résultat à atteindre ou encore que la nature ou les conditions de l'exploitation rendent impossible l'application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l'auteur ne constitue pas l'un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l'œuvre, soit que l'utilisation de l'œuvre ne présente qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet exploité.

On peut imaginer que pourraient être avancées, dans certains cas, les exceptions d'une rémunération forfaitaire de l'auteur, tout simplement parce que l'assiette de rémunération, s'agissant des sites web, est encore difficile à calculer.

Toutefois, il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit là que d'exceptions et que le recours à ces exceptions et sa validité est appréciée par les juges de manière souveraine.
Aussi, lorsqu'une assiette sera déterminable (chiffre d'affaire, recette publicitaire, recette générée par l'œuvre elle-même...), il pourra s'avérer délicat de déterminer une autre forme de rémunération qu'une rémunération proportionnelle.

Rappelons enfin que cette rémunération proportionnelle ne devra pas être considérée comme un coup de chapeau à la loi et qu'elle ne saurait donc être limitée à des 0,000 %. . [E.B., mars 2000]

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