Avec
Alain Bensoussan Avocats
CONTRAT
Contrat d'hébergement :
ce qu'il faut prévoir
![](/images/it_barbry.gif) |
par
Eric Barbry, avocat à
la Cour, directeur du Département Internet de Alain
Bensoussan - Avocats, président de l'Association
Cyberlex
|
Après le contrat d'accès, le contrat
d'hébergement est aujourd'hui un "classique" de l'Internet.
C'est le contrat par lequel les contenus produits pourront
être accessibles aux internautes (sous réserve et nous le
verrons, d'un référencement efficace). On se trompe certainement
en limitant ce type de prestation à un simple hébergement.
En réalité, il ne s'agit pas seulement d'un hébergement mais
d'une prestation complexe permettant l'hébergement, au sens
strict, d'un site web sur un serveur informatique, mais également
des capacités qui sont offertes au client de modifier le contenu
et les conditions matérielles dans lesquelles ce contenu sera
rendu accessible, dans lesquels l'hébergé pourr obtenir des
informations de type statistique...
C'est certainement d'ailleurs le
caractère complexe de la prestation proposée qui a induit
un débat sur la qualification juridique de ce type de contrat
entre contrat de prestations de services simple, contrat de
location d'espaces, de prêt d'octets... A l'évidence, le contrat
d'hébergement est un contrat nouveau. En cela il est difficile,
surtout avec le faible recul que nous avons, de tenter de
le qualifier avec les critères juridiques et techniques actuels.
On retiendra généralement du contrat d'hébergement qu'il est
un contrat de prestations de services par lequel le professionnel
va s'engager sur un certain nombre de prestations en échange
desquelles il sera rémunéré par son client.
Contenu:
les points à surveiller
Sur le plan du contenu, là encore, il n'y a plus de surprise
dans les contrats d'hébergement. Ils ont suivi en cela la
même logique que les contrats d'accès et la plus-value de
service est devenue une donnée marketing fondamentale des
contrats d'hébergement. Il n'existe presque plus de contrats
dans lesquels la prestation elle-même, tant sur un plan qualitatif
que quantitatif, est masquée par un flot de normes techniques
difficiles à appréhender pour le profane. Les contrats sont
généralement pris en application de standard techniques touchant
tout à la fois à la qualité et à la quantité du service proposé,
sur la base de données chiffrées en termes de capacité de
stockage, de bande passante, et de conditions d'accès.
Accompagnant une offre devenue de plus en plus précise, les
conditions de garantie et de responsabilité sont, elles aussi,
devenues plus précises. Même si, sur le plan de la responsabilité,
la question reste encore posée de l'adéquation des clauses
de non responsabilité, généralement proposées, et de la jurisprudence
actuellement appliquée à l'Internet qui tend à admettre la
responsabilité de l'hébergeur sur les contenus diffusés.
Parmi les clauses sur lesquelles
il convient d'être vigilant, on notera celles relatives au
téléchargement et aux modifications des sites web hébergés.
Il s'agit là de préserver tout aussi bien le client que le
professionnel.
- Le client, en ce qu'il doit bénéficier de techniques fiables
de transfert et de modification de son site.
- Le fournisseur car, une fois qu'il aura mis à la disposition
de son client les outils nécessaires, il ne pourra plus contrôler
les modifications réalisées ou à tout le moins, ne pourra
les contrôler qu'à posteriori. Le client, bénéficiant des
outils, pourra également causer des dommages au système, propriété
du prestataire d'hébergement.
Les problématiques liées à la déclaration des sites web,
sous réserve de l'adoption de l'amendement Bloche qui vise
à annuler l'obligation de déclaration préalable auprès du
procureur de la République, nécessitent également d'être opposées.
Aujourd'hui encore, l'ouverture d'un site web est soumise
à une double déclaration: une déclaration du procureur de
la République en termes de responsabilité éditoriale, et une
déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique
et des libertés (CNIL), dès lors que le site permet une gestion
de données personnelles nominatives ou indirectement nominatives.
Il est important que le contrat indique expressément qu'il
appartient à l'hébergé de procéder aux déclarations obligatoires.
Pour le client, il sera important de s'interroger sur deux
éléments particuliers. Celui des statistiques de fréquentations
d'une part. On voit bien aujourd'hui, avec le développement
du e-business et de la net-économie, que la valeur d'un site
web passe avant tout par l'évaluation de sa fréquentation,
des personnes qui le fréquentent, des profils utilisateurs.
Sur ce point, doivent être mises en place des dispositions
particulières sur l'utilisation des cookies et autres logiciels
d'analyse comportementale de l'internaute, dont on sait que
certains sont d'utilisation contrôlée. Il conviendra également
de déterminer les conditions dans lesquelles le prestataire
d'hébergement devra communiquer quelques statistiques et log
à son client.
L'autre élément important pour le client est la réversibilité
de l'hébergement. Il est évident que le client recherchera,
une fois le contrat expiré ou résilié, à faire porter le contenu
hébergé chez un autre opérateur. Les tribunaux ont déjà condamné
une société d'hébergement qui, à l'expiration du contrat,
avait poursuivi l'hébergement.
Le client, comme le prestataire,
doit être particulièrement attentif sur les conditions
de sécurité et de confidentialité. L'administrateur système
a en effet la capacité d'accéder au contenu hébergé et notamment
à des données à caractère confidentiel. Il est donc important
que, sur ce point, le fournisseur d'hébergement qui veut sécuriser
un client important sur un plan économique, lui assure une
parfaite maîtrise de ses salariés et une parfaite confidentialité
sur les contenus hébergés.
Enfin, l'utilisateur sera souvent soucieux des conditions
dans lesquelles l'hébergement pourra être interrompu ou suspendu,
notamment pour des raisons de maintenance technique. Il conviendra
d'être précis sur ce point et de déterminer dans quelles conditions
l'hébergement sera suspendu, les conditions dans lesquelles,
si la suspension devait durer au-delà d'une certaine date,
le prestataire s'engagerait à procéder à un hébergement au
travers d'un système associé.
Jurisprudence
: les questions en suspens
Même si, au même titre que le contrat d'accès,
le contrat d'hébergement est aujourd'hui un standard de l'Internet,
restent encore quelques questions en suspens. Parmi celles-ci
se pose la question de la responsabilité du professionnel.
Le prestataire d'hébergement est-il responsable des contenus
qu'il héberge ? On ne peut sur ce point qu'être très prudennt
quant à la rédaction des clauses de responsabilité, les tribunaux
comme les sénateurs, appliquent le droit commun de la responsabilité,
nonobstant l'existence de clauses contractuelles contraires.
Enfin, si l'on prend l'exemple du contentieux qui opposait
Estelle Hallyday à Valentin Lacambre pour l'hébergement d'un
site qui proposait des photos d'Estelle Hallyday nue (lien
hypertexte sur article jurisprudence) : Estelle Hallyday était
tierce à la relation contractuelle, s'il en existait une,
entre l'éditeur des pages web incriminées et l'hébergeur.
Ce contrat et les clauses de limitation de responsabilité
qu'il aurait pu comporter ne lui aurait donc pas été opposables.
Ces clauses permettent simplement, le cas échéant, au prestataire
d'hébergement de mener une action récursoire contre l'éditeur
des pages web. Par contre, aucune des clauses de non-responsabilité
ou de responsabilité limitée ne sera opposable au tiers qui
pourra donc, en tout état de cause, toujours recourir contre
le prestataire d'hébergement.
Parmi les points en suspens, on
notera également celui, important, de l'anonymat. On
ne peut pas être "pour" l'anonymat lorsque l'anonymat cache
des actions répréhensibles ; mais on ne peut pas être "contre"
l'anonymat lorsque l'anonymat a pour but de préserver un intérêt
légitime, qu'il s'agisse de l'intérêt de l'intimité de la
vie privée ou plus encore, de celle des idées politiques,
religieuses, philosophiques, syndicales... L'offre de services
anonyme n'est donc pas, en tant que telle, critiquable. Par
contre, dès l'instant où elle permet un détournement des règles
et une atteinte aux droits des tiers, elle devient alors un
instrument auquel il convient de mettre des bornes afin d'éviter
des dérapages. C'est en cela que les décisions actuellement
rendues relatives à l'internet, privilégient la thèse selon
laquelle celui qui offre une prestation d'hébergement anonyme,
endosse la responsabilité de celui qu'il héberge. C'est également
en cela que le Sénat a récemment rappelé que le professionnel
devait être capable d'identifier l'éditeur qu'il héberge.
Le prestataire est généralement le professionnel le plus apte
à remonter les autres maillons de la chaîne de diffusion permettant
alors de mener à son tour une action en responsabilité contre
l'auteur des messages incriminés qu'il aura hébergés.
Toujours sur cette question de la responsabilité, il convient
de rappeler que devra être prise en compte une gradation
entre les différentes formes d'hébergement. On imagine
mal, et en cela les tribunaux l'ont amplement expliqué, que
puisse être traité de la même manière le prestataire technique
qui se limiterait à une "simple prestation d'hébergement",
de celui qui offrirait, par exemple, un service d'hébergement
au sein d'une galerie marchande ou d'une boutique virtuelle.
La prestation n'est plus seulement technique mais elle est
également organisationnelle, graphique, l'hébergé étant intégré
dans un système préexistant auquel il adhère. Il sera d'autant
plus engagé si il offre des services à plus-value à son hébergé
et l'on pense notamment, pour le cas des galeries marchandes
virtuelles, à des offres liées à la facturation et au paiement
sécurisé mais aussi d'une manière plus générale aux portails.
[E.B., mars 2000]
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