Les bookmakers britanniques viennent défier la loi française via le Web
Par le Journal du Net (Benchmark Group)
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Vendredi 28 février 2003

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Juridique Les casinos virtuels aux frontières de la légalité ( avril 2002)
1ère partie | 2e partie
Articles MrBookmaker (20/02/03)
La Française des Jeux introduit les paris en ligne en France (27/01/03)

(Article modifié le 03/03/03 à 9h30) URL peu attrayante, hébergement et licence dans des paradis fiscaux, pas d'adresse postale, à la limite un mail... Les clichés sur les sites de paris sportifs ou sur les casinos en ligne illégaux sont légion. Le JDN a d'ailleurs déjà cité quelques exemples du genre : Kipari.com, MrBookmaker, etc. Désormais, tout en restant discrets, un nouveau style de sites de jeux d'argent émerge à destination des internautes français : ceux soutenus par les grands noms du bookmaking britannique.

Proposant à la fois des jeux sportifs et du casino, ces sites affichent généralement un plus grand professionnalisme et un large éventail de paris et de jeux de hasard. Certains osent avancer à visage découvert. C'est le cas de William Hill, deuxième bookmaker britannique, qui a acheté des mots-clés ("parier", par exemple) sur les réseaux français d'Espotting et de Google afin de promouvoir la version française de son site, willhill.com.

Un autre bookmaker présent sur l'Internet français et ayant pignon sur rue au Royaume-Uni est Sportingbet. Lancé en octobre 1998 et coté en Bourse à Londres, il s'agit du tout premier site de paris en ligne créé outre-Manche. La société affiche cinq ans après 750 000 clients à travers le monde (111 pays, 11 langues, 11 devises).

Au 31 décembre 2002, sur les neuf premiers mois de son exercice, Sportingbet avait réalisé un chiffre d'affaires de 39 millions d'euros, soit 7,5% du volume de jeux, et des bénéfices avant impôts de plus de 8,2 millions d'euros. La société a notamment racheté plusieurs gros concurrents aux Etats-Unis (Sportsbook et Wallstreet.com) et en Asie/Océanie (Number One Betting Shop, premier bookmaker privé australien).

L'incursion sur le sol français de Sportingbet s'est faite notamment via deux sites : Parier.net et Pariersurlefoot.com. Ces deux sites, indépendants, proposent tous les deux des paris en ligne et du casino. Pour cette dernière activité, les deux sites utilisent les mêmes solutions logicielles fournies par WorldGaming, firme anglaise cotée au Nasdaq. C'est cette même société qui s'occupe de gérer leurs transactions (la société Starnet évoquée précédemment pour la gestion de l'activité de casino sur pariersurlefoot.com a été rachetée par WorldGaming en 2001).

Sur le plan juridique, les internautes français ont le droit de jouer sur ces sites, bien que ce soit à leur risque et péril (rien ne peut vous assurer que vos gains vous seront reversés et les recours sont bien souvent inexistants). Le site Parier.net tient à rassurer les joueurs français qui douteraient de la légalité de la prise de paris sur des rencontres sportives. Il souligne dans sa FAQ que "A titre informatif, il n'est pas illégal de jouer à partir de la France". Si cela est vrai dans un sens, en revanche, La Française des Jeux et le PMU détiennent un monopole sur l'exploitation des paris sportifs. Les sites, eux, n'ont pas le droit de proposer de tels services aux internautes.

Tandis qu'au Royaume-Uni, l'activité de bookmaking est légale, elle est extrêmement encadrée en France. Les sites sont donc en infraction avec la loi. C'est pour cette raison que ceux d'entre eux qui tentent une incursion sur le marché français le font systématiquement depuis l'étranger. Pariersurlefoot.com héberge ses serveurs à Antigua, là même où il a obtenu sa licence. Pour Parier.net, qui dispose lui aussi d'une licence antiguaise, l'hébergement sont situés eu aussi à Antigua. Le site possède des bureaux dans le monde entier, principalement en Irlande (service client) et a Antigua (banque/serveurs).

Interrogés, un seul des deux sites, Parier.net, a souhaité nous répondre. "Nous avons lancé plusieurs sites entre 1996 et 1998, dont le site en francais parier.net en 1998, explique Erik Axel, responsable du marketing de Parier.net. En 2002, une partie de notre activité a été rachetée par Sportingbet. Depuis, Parier.net utilise les services de Sportingbet sans pour autant appartenir a 100 % a cette société anglaise (pour l'instant). Parier.net est oppéré par Internet Opportunity Entertainment (société antiguaise). Le chiffre d'affaires dépasse les 5 millions de dollars par an."

Bien qu'actif auprès de la population internaute française depuis maintenant cinq années, le site n'a encore jamais fait l'objet de poursuites judiciaires. Il est vrai que Parier.net a choisi d'avancer à pas feutrés. Il utilise plutôt le système des mots-clés sponsorisés que de voyantes bannières : "Nous communiquons en France de façon discrète mais efficace. Nous croyons plus au "bouche-à-oreille" qu'aux campagnes de pop-up. Plus de 40 000 personnes ont déja placé un pari sur Parier.net depuis son lancement", précise Erik Axel.

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Si jusqu'à présent ces sites de paris sportifs n'ont pas encore fait l'objet de plaintes (ni de la part des pouvoirs publics, ni de La Française des Jeux ou du PMU), l'arrivée sur le marché français des bookmakers anglais pourrait faire bouger les choses. Il ne s'agit plus, en effet, de petits sites situés dans des paradis fiscaux et gérés par deux ou trois personnes mais de sociétés adossées à d'importantes firmes britanniques, spécialisées dans le domaine. De plus, ils se trouvent maintenant en confrontation directe avec le nouveau jeu de La Française des Jeux, Cote & Match.

Mais peut-être ces grosses sociétés attendent-elles enfin un procès pour faire valoir leur droit de proposer au public français des services légaux dans leur propre pays. Le droit européen laisse toute liberté aux pays de l'Union de légaliser ou non les jeux d'argent. Un procès dans ce domaine pourrait éventuellement faire jurisprudence et permettre aux britanniques, ou à d'autres sociétés européennes, de pénétrer le marché français du jeu via le Net, donc sans domiciliation physique sur notre territoire.

[Florence Santrot, JDNet]