Chaque
semaine, gros plan sur la loi et l'Internet
Les
casinos virtuels
aux frontières de la légalité
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Mardi 23 avril 2002
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(2ème
partie)
Pour
apprécier l'étendue des réformes qui s'avèrent nécessaires
à l'ouverture de casinos en ligne, il est indispensable
d'analyser l'état du droit en la matière.
par
Alexandre Menais
Cabinet Lovells Administrateur de Juriscom.net
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De
l'applicabilité du droit français
La
problématique est assez simple, dans quelle mesure une activité
économique qui est illégale en France et qui s'exerce en dehors
de notre territoire se trouve néanmoins soumise au droit français?
L'activité illégale à laquelle nous pensons serait donc celle
des jeux d'argent qui comme nous l'avons vu est sanctionnée
pénalement.
C'est
l'article 113-2 du Code Pénal qui nous apporte une réponse
en disposant que la loi française est applicable non seulement
aux infractions commises sur le territoire de la République
mais aussi à celles qui y sont réputées commises dès lors
qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire.
Pour
s'en convaincre, rappelons que la chambre criminelle de la
Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que la diffusion
en France de billets d'une loterie organisée à l'étranger
est soumise à l'application de la loi française dès lors qu'un
des faits constitutifs a eu lieu sur le territoire national.
De
sorte que l'exercice, en dehors du territoire français, des
activités de certains jeux d'argent sur Internet pour contourner
le droit français, ne dispense pas le site exerçant une activité
illicite des règles du droit français mais ne prive pas non
plus le juge français de sa compétence.
et des conséquences sur les acteurs du Net
Une
fois ce constat établi, de nombreuses conséquences peuvent
en découler et notamment s'agissant de la responsabilité des
différents acteurs de l'Internet.
Tout
d'abord on pensera aux apporteurs de contenu à savoir ceux
qui fournissent l'activité de jeux en ligne. L'exercice d'une
activité de casino en ligne étant illégale une fois constatée
cette infraction sur notre territoire, il est possible de
poursuivre l'auteur de l'infraction. Certes, on nous opposera
que ces activités sont pour la plupart exercées dans des lieux
favorisant l'exercice d'une telle activité et où souvent il
sera difficile de faire appliquer une décision judiciaire.
Cet argument ne prospère plus depuis longtemps même sur Internet.
Il
en est de même s'agissant des intermédiaires sur Internet.
On sait que leur responsabilité a trouvé un fondement légal
avec l'article 43-8 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000
modifiant la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à
la liberté de communication. En appliquant cette loi, les
prestataires tels que notamment les hébergeurs de site de
casino en ligne, pourraient être pénalement responsables du
fait de la mise à disposition illégale du public de jeux d'argent
en ligne si, ayant été saisis par une autorité judiciaire,
ils n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ces
jeux.
Il
en serait de même des annonceurs ou responsables éditoriaux
qui accueillent sur leur portail des sites proposant des jeux
d'argent en ligne.
S'agissant
de la question de la responsabilité des fournisseurs de lien
vis-à-vis du contenu d'une activité illicite, en l'espèce
les jeux d'argent, celle-ci n'est pas mineure. Tout d'abord,
on peut s'autoriser le constat suivant: la promotion des casinos
virtuels est très rentable pour les régies publicitaires.
C'est la raison pour laquelle, en ces temps difficiles pour
les annonceurs, on retrouve de nombreuses campagnes publicitaires
pour les activités de jeux d'argent.
Cependant,
sur le fondement de la complicité telle que définie par les
articles 121-6 et 121-7 du Code Pénal, les personnes physiques
ou morales qui auront sciemment effectuées la promotion de
paris et/ou de jeux de hasards pourront être punies au même
titre que l'auteur de l'infraction au motif qu'ils auront
sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation
ou la consommation de l'infraction La question qu'il conviendra
de se poser est celle de la responsabilité du site ayant un
bandeau publicitaire ou acceptant de référencer un site Internet
de casino virtuel par le biais d'un lien hypertexte (On pourrait
être tenté de rejeter l'hypothèse du bandeau publicitaire
mais, simplement, on sait que le site qui négocie des espaces
publicitaires a bien la possibilité de définir au préalable
quelle activité il souhaite promouvoir).
Si
s'agissant du droit positif français, la responsabilité du
fournisseur de lien semble osciller entre impunité et culpabilité,
la publicité par bandeau ou le référencement ne saurait néanmoins
se distinguer de la promotion et dès lors relever des articles
121-6 et 121-7 du Code Pénal. Plus encore, il va de soit qu'il
y a bien une intention préalable de l'auteur dans les deux
cas, notamment pour le référencement, de promouvoir cette
activité. Autrement dit on ne voit pas comment l'impunité
pourrait s'applique.
Plus
étonnante est l'éventuelle responsabilité des établissements
financiers. En droit bancaire, il paraît difficile de retenir
la responsabilité des banquiers sur le choix de leurs clients
et donc de considérer que l'établissement financier a participé
directement en tant qu'auteur ou complice à la tenue de la
maison de jeu dans la mesure où il ne serait pas tenu de vérifier
l'activité de son client. En revanche, on peut s'interroger
sur son acte complice, notamment vis-à-vis des victimes, dans
l'ouverture du compte qui permet au casino virtuel d'accomplir
des actes délictueux dans la mesure où ce dernier à conscience
de l'activité illégale du casino virtuel. Il en serait de
même de la mise à disposition d'une solution de paiement sécurisé.
Ainsi,
il semble incontestable que l'insécurité juridique qui règne
doit entraîner une réaction de la part du législateur. Pour
se convaincre que le rapport Trucy n'est pas un acte isolé
franco-français, on notera que sur le plan communautaire est
menée une réflexion dans le cadre du contexte actuel d'une
politique sur le marché intérieur des services. Ainsi, la
Commission européenne prépare notamment un rapport sur les
"services" au sens de l'article 49 CE dans lequel les "jeux
en ligne" et les "casinos" seront peut-être mentionnés, les
législations nationales les concernant figurant alors dans
la liste des barrières à libre prestation de services prévue
par l'article 49 CE.
[Alexandre.Menais@lovells.com]
Lire
la 1ère partie de l'article
NB
: Cet article fera l'objet d'une étude approfondie dans les
cahiers Lamy Droit de l'Informatique et des réseaux, du mois
d'avril 2002, à paraître.
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