JDNet.
Quel bilan dressez-vous de l'offre AOL France d'accès Internet
illimité ?
Stéphane Treppoz.
Cette offre a suscité un engouement
sans précédent. 50% des personnes qui se sont abonnées
à cette offre sont des nouveaux internautes. Et les abonnés
ont multiplié par trois leur temps de connexion à Internet.
Par conséquent, il n' y a pas de fatalité de sous-consommation
d'Internet par les Français. Il suffisait de leur donner une quiétude
d'esprit sur les tarifs. Aujourd'hui, majoritairement, nos abonnés
sont contents. Je n'aurais pas dit ça il y a six mois.
Combien
de nouveaux abonnés avez-vous gagnés au cours de cette période
?
Plusieurs
centaines de milliers. Nous n'apportons pas plus de précisions.
L'image
d'AOL n'a-t-elle pas été écornée avec la succession
d'actions devant la justice concernant la mise en place de "timers"
?
Il est clair que les "timers" ont été très
controversés. C'était une mesure temporaire, que l'on a
mise en place à la mi-octobre 2000 et que nous avions prises dans
l'intérêt du plus grand nombre. Certains ont considéré
que ce n'était pas le cas, cela a suscité des injonctions
devant les tribunaux. L'utilisation des "timers" a été
stoppée en février dernier et les internautes n'ont plus
de problèmes d'utilisation.
Il n'y a plus d'échéance juridique. Ce qui compte maintenant,
c'est que le service AOL France marche.
L'action
initiée par l'UFC-Que Choisir, puis votre condamnation, a été
un coup dur...
Nous nous sommes rencontrés depuis. Mais, globalement, j'estime
que c'est injuste. Car si on fait le bilan, j'estime qu'AOL a fait avancer
l'Internet en France. Notre offre a permis aux consommateurs d'économiser
sur leur accès Internet et de disposer d'un service de qualité.
L'offre d'accès Internet illimité n'est pas rentable. On
peut savoir à combien vos pertes s'élèvent ?
On ne précise pas ces éléments pays par pays. Il
faut savoir que, outre l'abonnement, nous avons des revenus variés
que nous tirons de la publicité en ligne et du
e-Commerce.Et ils sont beaucoup plus élevés que les autres
FAI. Aujourd'hui, AOL dans le monde génère des recettes
publicitaires qui s'élèvent à 20 milliards de francs.
Le
fait que les abonnés AOL restent plus longtemps connectés
a des retombées publicitaires directes ?
C'est indubitable. Aujourd'hui, le point faible de la plupart des portails
est qu'ils ne parviennent pas à fidéliser leurs viisteurs.
Quand
comptez-vous atteindre le point d'équilibre en France ?
Tout dépend quels critères vous prenez. Si on retient celui
de l'exploitation, AOL est rentable en France. Foncièrement, notre
entreprise est saine. Seulement, nous sommes actuellement dans une logique
d'investissement marketing très forte.
Nous sommes toujours à la recherche
de nouveaux abonnés.
Comment
expliquez-vous la différence actuelle entre le nombre d'abonnés
d'AOL France (1 million) et celui de Wanadoo (2 millions) ?
AOL France a deux fois moins d'abonnés que Wanadoo mais représente
20% du temps de connexion Internet passé en France, tandis que
Wanadoo en représente 5%, selon Jupiter-MMXI. C'est donc quatre
fois plus que Wanadoo. C'est aussi un indicateur important pour nous.
Sur le nombre d'abonnés, on peut avancer plusieurs raisons. AOL
est pour une concurrence loyale et ce n'est pas le cas avec France Télécom.
Statistiquement, il faut savoir qu'un quart du marché de l'Internet
français se fait dans les agences de l'opérateur historique.
Si vous demandez à 100 personnes "comment êtes-vous
venu sur Internet", il y en a 25 qui sont passés par le biais
de points de ventes France Télécom. Et ces derniers proposent
uniquement l'accès Wanadoo. AOL France a proposé de mettre
à disposition des agences son offre d'accès Internet. Nous
avons proposé de les rémunérer, avec un taux de reversement
supérieur à celui de Wanadoo, et on nous l'a refusé.
Fin
1999, vous avez déposé un dossier auprès du Conseil
de la concurrence pour dénoncer un "concurrence déloyale".
Vous ne trouvez pas l'enquête trop longue ?
Si. Mais France Télécom est
une institution éminemment protégée. Nous n'y pouvons
rien.
Dans
le débat autour de l'interconnexion forfaitaire illimitée
(IFI), vous estimez que France Télécom est le principal
responsable du blocage actuel ?
Clairement. France Télécom, fournisseur de réseau,
n'a toujours pas communiqué les tarifs de son offre pour que les
FAI accèdent aux commutateurs régionaux. Aujourd'hui, nous
collaborons avec différents opérateurs, Cegetel, Siris,
Transpac et d'autres. Ils ne nous ont toujours pas fait d'offres. Le gouvernement
et l'Autorité de régulation des télécommunications
(ART) ont promis une offre d'accès Internet illimité à
180 francs grand public pour la rentrée. En l'état actuel,
AOL France n'a pas les éléments nécessaires. Au mieux,
les offres n'apparaîtront pas avant 2002. Chez AOL, nous sommes
un grand partisan de l'IFI mais France Télécom fait tout
pour retarder ce passage. Au Royaume-Uni, où l'IFI est déjà
appliquée, France Télécom est fournisseur d'accès
Internet (avec Freeserve). Il y a lancé une offre d'accès
Internet illimité et trouve que les prix qu'on lui impose pour
accéder au réseau sont trop élevés, alors
qu'ils le sont deux fois moins que les prix fixés en France. Il
y a une sorte de schizophrénie chez France Télécom
que l'on a du mal à comprendre.
Quels
aspects posent des problèmes ?
Il y a deux zones d'interconnexion : l'offre concernant l'interconnexion
pour les communateur d'abonnés, qui a été fixée
il y a trois mois par l'ART et qui a donné lieu à un communiqué
de presse conjoint avec France Télécom. Le prix est 13%
supérieur au Friaco, le dispositif d'interconnexion forfaitaire
illimitée équivalent au
Royaume-Uni. On pouvait survivre avec ça. Parallèlement,
on attend désespéremment l'autre prix concernant l'interconnexion
Pro. Il y a quatre mois, France Télécom a proposé
à l'ART un prix 76% supérieur à celle du Friaco,
alors qu'il n'y a aucune raison pour justifier un prix si élevé.
C'est à l'ART de donner un signe maintenant. [NDLR
: Lire également à ce sujet l'interview
de Jean-Christophe Le Toquin, délégué permanent de
l'AFA, et la tribune
de Michel Bré, directeur général de Nouvelles Frontières
Online]
Beaucoup
d'experts s'interrogent sur votre architecture réseau, qui pourrait
affecter la performance du service....
Il existe plusieurs cas de figure. Lorsqu'un abonné se connecte
à AOL, il peut être être dirigé vers des serveurs
aux Etats-Unis et dans d'autres cas, en Allemagne. De plus, des systèmes
de cache en local ont été mis en place avec des mécanisme
de compression AOL pour les images. Il n'y a pas de délai induit
par notre architecture. Nous n'enregistrons pas de différence notable
avec les autres FAI.
Pourquoi
Witbe, spécialisé dans la mesure de performance des sites,
ne peut-il pas vous screener ?
D'autres prestataires et laboratoires d'études anglais le font.
Witbe peut nous screener mais avec un dispositif différent. Le
logiciel AOL permet de transmettre les données Internet en faisant
appel à une petite surcouche mais c'est la seule façon d'assurer
le système de contrôle parental, qui est très important
pour nous.
Le
retrait de Vivendi-Universal dans le capital d'AOL France a-t-il entraîné
d'autres changements ?
En terme de contenu, Vivendi-Universal nous fournit par exemple du contenu
avec les Guignols, dans la chaîne "divertissement", ou
le sport. Nous achetons des prestations réseaux à Cegetel.
Mais, dans tous les cas, cela fait l'objet d'accords commerciaux. Ce sont
des partenaires importants mais pas les seuls.
Quels
types de nouveaux services voulez-vous mettre en avant sur le service
abonnés AOL ?
On développe beaucoup tout ce qui est "live" et des animations
avec AOL-Time Warner. On pousse actuellement la chaîne "adolescents",
qui est une cible importante. [NDLR
: AOL France et Procter & Gamble ont annoncé un partenariat marketing
et éditorial qui donne naissance à une nouvelle rubrique
pour les adolescentes accessible sur le service abonnés d'AOL France.
Celle-ci intègre les marques de la division hygiène féminine
de Procter & Gamble (Tampax, Always et Alldays) dans un "environnement
éditorial" dédié.]
Quelle
est la répartition des services en fonction de l'audience ?
Comme dans les autres pays, ce sont les services mails et de messagerie
instantanée qui marchent le mieux. On remarque d'ailleurs qur les
Français chatent beaucoup. Après, ce sont les contenus,
avec le trio de tête info-sport-divertissement. L'audience liée
à la partie "AOL Shopping" s'améliore. On
remarque d'ailleurs que plus le temps de connexion à Internet est
important, plus les internautes consomment en ligne. [NDLR
: Le
nouveau voyagiste en ligne Karavel.com vient de signer un accord avec
AOL France, qui intègre les principaux modules du site Karavel
dans son espace "Voyage", sur le site propriétaire et
sur le portail AOL.fr.]
Etes-vous
satisfait de votre portail ouvert AOL.fr ?
Il a recensé en mai 1,2 million de visiteurs uniques (source MMXI).
C'est un site qui permet aux abonnés AOL de consulter leurs mails
à distance. C'est un succès auprès de nos abonnés
actuels pour se connecter en dehors de chez eux. Il a un rôle marginal
pour recruter de nouveaux abonnés, ce qui n'a jamais été
sa première vocation.
Où
en est le projet AOL Mobile ?
Nous avons lancé un portail mobile en janvier dernier autour des
services les plus consultés sur AOL. Il y a quelques milliers de
personnes qui se connectent tous les jours. Mais l'Internet mobile reste
pour le moment un marché de niche.
Quels sont les résultats de l'offre wap MViva avec PhoneHouse ?
Quand vous achetez un téléphone wap portable chez PhoneHouse,
AOL Mobile est accessible dès la page d'accueil. Ca marche bien
mais à la hauteur du marché actuel. Le projet, à
l'échelle européenne, continue.
Quand
comptez-vous lancer une offre ADSL ?
Du temps où notre actionnaire était Cegetel, nous avions
lancé une offre avec Monaco Telecom et disposions de 500 abonnés.
Nous ne l'avons pas lancée en France car l'offre de revente ADSL
de France Télécom ne nous permet pas aujourd'hui de gagner
de l'argent. Techniquement, nous sommes prêts mais nous n'avons
pas vocation à perdre de l'argent. Nous devrions lancer une offre
d'ici la fin de l'année.
Comment
percevez-vous le secteur des FAI en France ?
Le
marché sur lequel on évolue est assez étonnant. C'est
un marathon, mais qui est couru à la vitesse d'un sprint. Mais
on fait tous des paris industriels à l'horizon cinq-dix ans. Nous
en sommes à un tiers de la course avec un taux de pénétration
de l'Internet dans les foyers français autour de 20%. La fin de
la course sera sans doute un foyer sur deux, comme en Amérique
du Nord.
Que
vous inspire le retrait d'Excite@Home en Europe ?
Ca ne m'étonne pas. "Small is not beautiful". Ils ont
démarré leur activité trop tard en Europe. Ils n'avaient
pas de marque en Europe et peu de différenciations.
Quel
est votre site d'informations favori ?
J'aime beaucoup CNet
aux Etats-Unis.
Quel
est votre service favori sur AOL France ?
J'aime bien aller voir hebdomadairement les Guignols en slide show.
Qu'aimez-vous sur Internet ?
Communiquer. Par mail ou par messagerie instantanée, un outil que
j'adore. J'y passe plus de temps que le téléphone.
Qu'est-ce qui vous irrite ?
La lâcheté des gens qui se cachent trop facilement derrière
un pseudo sur Internet.