Internet
est avant tout un système "orienté client", à même de
dynamiser l'une des priorités majeures de toute entreprise.
Certains sont tout disposés à croire qu'après la réalisation
du site Internet, ils ont mené à terme leur évolution
e-business. D'autres sont à même d'estimer qu'ayant
acheté un logiciel ou une infrastructure "CRM", ils
ont réussi avec succès une nouvelle étape technologique.
Mais ce serait bien mal situer l'enjeu majeur pour l'entreprise
de ces deux dimensions, au cur de la notion même d'entreprise
et de ses rôles premiers.
Au
début des années 80, T.Peters et R.Waterman nous enseignent
les 8 principes du "prix de l'Excellence", rappelant
notamment l'évidence et l'importance d' "être à l'écoute
du client". Selon eux, ce principe se traduit toujours
dans les entreprises excellentes par un attachement
inconditionnel, obsessionnel, à la qualité, la fiabilité
ou à l'esprit de service. Ainsi en est-il de ce vendeur
talentueux qui maintient un lien très assidu avec ses
clients en leur écrivant presque tous les mois ; ou
de la réactivité incroyable avec laquelle cette équipe
clientèle se déplace pour résoudre les problèmes du
client. Il est intéressant de remarquer que le best-seller
ne développe pas alors, à proprement parler, la notion
d'écoute, mais plutôt les nombreux actes concrets et
visibles du client que des entreprises ont réussi à
pratiquer au quotidien en sa faveur.
Par la suite, dans les années 90, les multiples projets
de "re-engineering des processus" ont eu justement pour
objectif de faire évoluer la logique verticale par fonctions
spécialisées vers une approche transversale centrée
sur le client. Les entreprises prenaient conscience
de la difficulté à mettre en uvre l'approche "Client",
tant leurs systèmes pour opérer, gérer et analyser leur
métier étaient structurés autour de la commande, du
contrat, du compte, etc., mais pas du Client. Où en
sommes-nous, chacun dans nos métiers, des méthodes et
outils pour permettre, faciliter et enrichir l'écoute
du client, que l'on soit en BtoC, BtoB, etc. ? Outre
l'écoute, quelles méthodes élaborons-nous pour entendre,
puis analyser et interpréter toutes ces informations
relatives aux clients ?
Aujourd'hui, nous disposons des moyens pour pratiquer
avec méthode et intelligence cette "écoute du client"
: entrepôts de données, middlewares, datamining, outils
d'analyse de séquences et de corrélations, logiciels
de relation clientèle, centres de contacts Client, etc..
Les supports de relation clientèle se sont démultipliés
et décuplent les contacts entre l'entreprise et ses
clients, fournissant des quantités impressionnantes
d'informations et d' "écoutes" client. La démarche CRM
(Customer Relation Management), c'est-à-dire la gestion
globale et cohérente de la relation clientèle, vise,
dans le droit fil du "retour aux sources" prôné par
Peters et Waterman, à identifier, à synchroniser
et à valoriser tous ces flux de relation entre le client
et l'entreprise. Son objectif est de construire
des référentiels concrets et clairs autour des concepts
"client", "valeur du client", "historique client", "potentiel
du client" et "proposition client personnalisée". L'objectif
premier est bien sûr d'assister les directions dans
la prise de décision, et toutes les équipes opérationnelles
dans leurs défis quotidiens de service.
Et l'e-business dans tout ça ? C'est surtout
l'opportunité de faire évoluer les systèmes de l'entreprise
vers une orientation cliente plus consolidée et plus
dynamique. Transformant les canaux de relation (ordinateur,
téléphone, assistant personnel, etc.) en points interactifs
de vente, d'avant-vente et d'après-vente, l'e-business
impose en effet de savoir synchroniser des données clientes
de sources très diverses pour proposer à distance un
système "client", homogène et à valeur ajoutée. Il lui
permet aussi de communiquer, de déclencher des processus
et d'envoyer des informations "entrantes" dans ces mêmes
systèmes de gestion, pour les actualiser.
Encourageant par nature l'entreprise à réfléchir profondément
sur son approche et sa relation client, Internet
est aussi un outil puissant d'écoute client. Ainsi,
l'analyse des visites sur le site (ou webmining) après
un lancement de produit par exemple, permet-elle de
bénéficier rapidement d'informations majeures sur l'intérêt
porté ou non au produit et le parcours des clients dans
le catalogue de l'entreprise. Comment d'ailleurs ne
pas constater que la "virtualisation" de l'entreprise
a commencé il y a déjà longtemps, et que les repères
classiques qui caractérisaient son identité - un territoire,
des modes de distribution stabilisés, des relations
stables dans un environnement identifié, une maîtrise
de techniques propriétaires - ont tous été remis en
question. Comment ne pas constater qu'aujourd'hui, le
salarié, pour être vraiment dans son entreprise, est
en permanence en support du client, que ce soit à côté,
ou par téléphone, email, courrier, fax, pager, mais
aussi sur son ordinateur, son téléphone wap ou son assistant
personnel, etc..
Tout se passe comme si l'entreprise n'existait en
quelque sorte que dans l'esprit de ses clients,
et c'est là que se livre d'abord la compétition entre
les entreprises. La capacité à déployer une démarche
CRM globale, mise au service de l'écoute, puis la discussion
avec le client, la personnalisation, l'argumentation
et la proposition sera un élément clé de l'excellence,
avec Internet comme catalyseur actif. Ré-interprétant
cette priorité au client, l'ouvrage collectif "The New
Marketing Paradigm" en référence aux "4P" nous propose
d' "oublier le Produit" pour plus se préoccuper des
attentes des clients, d' "oublier le Prix" et de plus
travailler sur le coût pour le client à satisfaire tels
besoins, d' "oublier la distribution" et de se concentrer
sur la convivialité à l'achat, et d' "oublier la Promotion"
pour investir la communication globale. Identifier ces
évolutions et réussir à traduire son savoir-faire métier
dans ce nouveau cadre est une étape nécessaire avant
d'aborder l'ampleur des impacts et des synergies opérationnelles
que les entreprises doivent maintenant déployer.
Jack Welch avait donné 100 jours à General Electric
pour "passer à Internet" ; mais reconnaissons que l'équation
à gérer - nouveaux repères, nouvelles activités, nouvelles
compétences, nouveaux outils, nouvelles synergies -
est complexe à conduire. Les entreprises qui, le plus
souvent, étaient plongées dans les chantiers "obligés"
de l'an 2000, puis de l'Euro, peuvent maintenant reprendre
le fil de leurs priorités. Et l'e-business de repartir
sur des bases plus cohérentes, assainies des cris de
naissances et de ses folies d'enfant. "Rien de ce qui
est humain ne peut m'être étranger", écrivait Térence,
au IIème siècle avant JC ; tout ce qui concerne la relation
avec les clients (existants et potentiels), et la qualité
de cette relation, son intensité, son interactivité
et son efficacité touche l'entreprise dans ses priorités
essentielles. L'e-business et le CRM nous apportent
aujourd'hui des outils indispensables pour revenir à
ces fondamentaux du management et de l'excellence d'entreprise.
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