A
lheure où lon se demande «
Pourquoi le capitalisme est malade », comme titrait
Le Monde vendredi 19 juillet, la lecture de «
Connaissance capitale » (1) est salutaire. Voilà
en effet un ouvrage qui nous aide à saisir les
récentes mutations quont subies les entreprises
évolution des notions de travail, de capital,
de valeur avant denvisager de nouvelles
organisations où la gestion des connaissances
tient un rôle très important. Le livre
allie la pratique de terrain et une profonde réflexion
théorique. Il reflète en cela la personnalité
de ses auteurs. Docteur en informatique, Joanna Pomian
est à lorigine de concepts clés
du
management
des connaissances : elle les met en pratique au sein
des entreprises quelle conseille par lintermédiaire
de Nemesia, un cabinet quelle dirige depuis sa
création en 1995. Ingénieur et docteur
en philosophie, Claude Roche sintéresse
depuis plus dune quinzaine dannées
à léconomie de limmatériel.
Il est aujourdhui consultant à la Direction
du management de France Télécom. Parmi
la somme importante de concepts exposés dans
le livre, quelques uns retiennent particulièrement
lattention.
Lentreprise doit gérer son capital connaissance.
Au fur et à mesure que le travail devient plus
complexe, plus intellectuel, il a besoin pour seffectuer
dans des conditions optimales de mobiliser un potentiel
important de connaissances et de savoirs. Il peut sagir
de lintelligence ou de la compétence des
collaborateurs. Mais, il peut sagir également
de leur capacité à mobiliser une connaissance
autre (par le biais dInternet, par exemple). Cette
réalité de fonctionnement constitue le
capital connaissance de lentreprise : il doit
être géré ce qui implique de mettre
en place un management des connaissances global.
Lentreprise
crée de la connaissance en affrontant des épreuves.
Bien entendu, louvrage évoqué ici
répertorie les formes de connaissance manipulée
dans une organisation : individuelle informelle (savoirs
relationnels des commerciaux par exemple) ; collective
informelle (pratiques maison de relation avec les clients)
; connaissance formalisée, cest-à-dire
les outils documentaires construits à partir
de lactivité quotidienne (bases de données,
bases documentaires, systèmes experts, etc.).
Mais on va jusquà se demander dans ce livre
comment apparaissent de nouveaux savoirs. Les auteurs
affirment que la connaissance dans lorganisation
se crée au cours des « épreuves
», situation au cours desquelles on ne peut pas
reconduire à lidentique une solution existante.
Lorsque lon élaborera un nouveau processus
de travail par exemple ou lorsque lon répondra
à un appel doffres inédit. La notion
est importante (2) : elle permet de fixer des repères
dans le développement des connaissances de lorganisation.
La
gestion des connaissances ne se limite pas aux outils
dinformation. Le thème de la gestion des
connaissances a fait son entrée dans les entreprises
avec linstallation de nouveaux outils dinformation
et de communication. Ce socle technologique est bien
entendu nécessaire : on ne saurait envisager
aujourdhui une communication efficace sans mettre
en place des circuits de transmission de documents (workflows)
ou des applications de travail collaboratif. Mais les
auteurs soulignent quil ne faut pas pour autant
limiter la gestion des connaissances à lutilisation
de ces outils. En effet, lenjeu dépasse
largement ce cadre technique et porte sur le travail
de la connaissance, sa dynamique en entreprise, la manière
de le manager en fonction de la stratégie, larticulation
de ce management avec la gestion quotidienne de lentreprise.
Ces
concepts plutôt théoriques sont confrontés
à la réalité du fonctionnement
des entreprises. Des études de cas (Valeo, Cebal
, Air Liquide) sont tirés de lexpérience
professionnelle des auteurs. Enfin on retiendra du livre
de Joanna Pomian et de Claude Roche de précieux
conseils pour concevoir et conduire des projets de management
de connaissance dans toutes leurs dimensions : organisation,
communication, formation, technologie. Une vision complète
pour appréhender des nouvelles organisations
du travail et de nouvelles valeurs de la production
de lentreprise.
(1)
Connaissance capitale, Management des connaissances
et organisation du travail, par Joanna Pomian et Claude
Roche, 650 pages, 58 euros, Editions Sapientia LHarmattan.
(2)
Joanna Pomian avait déjà évoqué
la notion dépreuve dans un ouvrage précédent
: Management des connaissances, sous la direction de
Manuel Zacklad et de Michel Grundstein, Hermès
Sciences.
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