Le
marché de l'hébergement Internet ressemble
de plus en plus à un champ de ruines : KPNQwest,
WorldCom/UUNet, Genuity/Integra, il ne se passe pas
de semaine sans qu'un hébergeur n'annonce de
graves difficultés financières mettant
en péril la poursuite de son activité.
Parallèlement, les cabinets d'analyse et instituts
de recherche revoient à la baisse leurs prévisions
: ainsi, alors qu'en février 2001 une étude
Markess prévoyait une évolution du marché
français de 200 millions d'euros en 2000 à
850
millions
d'euros en 2003 soit une progression de +325% en 4 ans,
une analyse publiée en janvier 2002 par Pierre
Audoin Conseil n'envisage plus qu'une croissance de
+170% en 5 ans, le marché passant de 253 millions
d'euros en 2000 à 686 millions d'euros en 2004.
Voilà une industrie qui, à un horizon
de seulement deux ans, a fondu de 30%, et voit son taux
de croissance divisé par deux ! Pourquoi et comment
en est-on arrivé à une telle situation,
provoquant l'inquiétude des entreprises qui craignent
de voir disparaître un fournisseur devenu de plus
en plus stratégique pour leur activité
?
Surcapacité
Le premier facteur d'explication, c'est la surcapacité.
Le marché de l'hébergement Internet a
été présenté par des analystes
financiers souvent inexpérimentés, parfois
incompétents, mais en tout cas systématiquement
aveuglés par la bulle financière de la
fin des années 90, comme un eldorado où
il suffisait de construire des salles informatiques
et d'y installer des serveurs et de la connectivité
IP pour faire fortune. Eblouis par ces perspectives
fabuleuses (au sens premier du terme), toutes sortes
d'acteurs se sont lancés dans cette activité
: les acteurs historiques de l'hébergement de
services en ligne, qui ont légitimement vu en
Internet le prolongement naturel du métier qu'ils
exerçaient déjà depuis des années
sur Minitel et téléphone, les opérateurs
télécom, dans une logique d'intégration
verticale et de course à la valeur ajoutée,
des constructeurs informatiques et des SSII, à
la recherche de revenus récurrents. Même
Intel a cru bon de sortir de son cur de métier
de producteur de semi-conducteurs pour se lancer dans
la construction de datacenters ! Au final, dépensant
sans compter de l'argent facilement levé en Bourse,
tous ces acteurs ont construit des centaines de milliers
de mètres carrés de salles blanches aujourd'hui
quasiment vides ...
Chute
de la demande
Le second facteur, qui explique pourquoi les salles
de la plupart des hébergeurs sont sous-occupées,
c'est la faiblesse, tant en volume qu'en valeur, de
la demande des entreprises acheteuses d'hébergement
Internet : en effet, après avoir consenti de
lourdes dépenses pour mettre en ligne leurs sites
web, les acteurs économiques constatent que le
retour sur investissement est faible. Pour les marchands
en ligne, le web est certes un canal de diffusion, mais
son audience est encore limitée. Pour les médias
et éditeurs de contenus se pose la difficulté
de vendre les services à un public à qui
l'on a trop vite affirmé que tout serait gratuit.
Voilà pourquoi l'heure n'est pas aujourd'hui
à un renforcement des investissements pour étoffer
les sites web, mais à une diminution drastique
des coûts pour améliorer le compte de résultats
: une telle attitude des clients met naturellement sous
pression les hébergeurs et pousse certains d'entre
eux à prendre n'importe quel contrat à
n'importe quel prix. Bien entendu, la qualité
du service offert s'en ressent, ce qui à l'extrême,
lorsque la pérennité du fournisseur est
compromise, va à l'encontre de l'intérêt
du client.
La
qualité de service avant tout
Au milieu de cette période de crise, il semble
que les hébergeurs qui arrivent à tirer
leur épingle du jeu soient ceux qui, sans céder
aux fausses promesses d'un marché surestimé,
ont investi graduellement et surtout dans des solutions
qui répondent aux besoins réels de leurs
clients. En effet, lorsqu'on analyse globalement la
demande des entreprises et des administrations en cette
rentrée 2002, on constate que leur stratégie
est multi-canal, et intègre bien entendu Internet
mais aussi le téléphone fixe et mobile
(service vocaux, SMS) voire le Minitel. La réponse
consiste donc à proposer une offre d'hébergement
à la fois transversale en terme de technologies
et verticale en terme de prestations. Pour prendre l'exemple
d'un marchand en ligne (on disait autrefois vépéciste
!), il ne cherche pas 20m2 de salle blanche pour poser
ses serveurs et 2 Mb/s de bande passante IP pour les
raccorder à Internet, il attend que son hébergeur
assure, dans le respect de procédures qualité
toujours plus exigeantes, l'installation, la configuration,
la mise en production puis la maintenance préventive
et évolutive de sa plate-forme, en prenant en
compte le matériel, le logiciel de base, les
progiciels et les applications spécifiques qui
composent une solution de commerce en ligne globale
intégrant Internet et le téléphone.
Ainsi ses clients pourront, à tout moment, consulter
un catalogue et passer commande par Internet, s'informer
de l'état de leur commande en appelant un serveur
vocal qui les amènera sur un centre d'appel,
et recevoir une alerte par SMS si un article commandé
est indisponible.
La
pertinence d'un hébergeur est essentiellement
fondée sur son expérience dans la gestion
de ces systèmes complexes, et sur sa maîtrise
de technologies complémentaires mais fort différentes.
Sa pérennité réside dans sa capacité
à proposer de telles offres dans des conditions
qui sont à la fois attractives pour les clients
et compatibles avec l'équilibre de son compte
de résultats.
Tant
pis pour ceux qui ont cru qu'il suffisait d'ouvrir d'immenses
salles machines et d'y aligner des serveurs dernier
cri, sans savoir comment ils allaient trouver les clients
qui allaient y mettre leurs applications, et sans même
analyser ce que voulaient exactement ces clients et
de quelles applications ils auraient besoin ! Ils auront
appris, à leurs dépens, que l'hébergement
est un métier, et qu'Internet n'en change pas
les fondamentaux.
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