Mercredi 29 décembre 1999
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Sur
les 600 intranets de France Télécom, 100
concernent
la branche Entreprises
Il
y a 3 ans et demi débutait la grande aventure
des intranets de France Télécom, avec de l'information
sur les modifications tarifaires. Pendant longtemps, l'opérateur
a vécu avec des documents au format papier qui étaient
valables il y a une dizaine d'années, quand les tarifs
n'évoluaient pas rapidement. Aujourd'hui, ceux-ci changent
quasiment chaque jour, le nombre de produits proposés
par France Télécom étant désormais
considérable ainsi que les options associées,
du fait notamment de l'ouverture du marché français
des télécommunications, de l'explosion d'Internet
et de la téléphonie mobile.
Depuis le départ, le nombre des intranets de France
Télécom n'a cessé de croître, pour
atteindre à présent près de 600 sites
internes ou ouverts à certains types de clients et
de fournisseurs. La branche Entreprises, qui regroupe des
sociétés telles que Transpac, Cofratel et GlobeCast,
a lancé son premier intranet il y a 2 ans et en
compte aujourd'hui une centaine. Cet essor considérable
a nécessité une réflexion globale sur
l'ensemble des intranets du groupe, avec un partitionnement
en fonction des types d'applications et la définition
d'une cohérence d'ensemble.
Plusieurs classifications peuvent être opérées
pour les intranets de la branche Entreprises de France Télécom.
La première concerne la logique très décentralisée,
qui fait ressortir trois types d'applications. Quelques sites
nationaux, à vocation plutôt institutionnelle,
sont consacrés à la communication interne, aux
ressources humaines, à la direction financière
ou par exemple aux aspects juridiques pour apporter du soutien
sur les montages commerciaux. Parmi eux, on retrouve aussi
des thèmes un peu plus ciblés, comme l'intranet
de veille concurrentielle sur les marchés des télécommunications.
Autour de ces applications, qui regroupent la quasi-totalité
des personnes connectées chez France Télécom,
de nombreux sites couvrent une audience locale. Enfin, la
troisième catégorie est celle des applications
métiers. Il s'agit la plupart du temps d'outils de
gestion spécifiques à certains services, et
qui sont accessibles en ligne dans le navigateur. On peut
citer, par exemple, le projet Web Client Entreprises qui est
un extranet de CRM.
Un autre classement peut
être effectué en fonction des 4 usages principaux,
que l'on retrouve à tous les niveaux de la classification
précédente : l'information, la coopération
par la mise en place de groupware, l'automatisation des processus
par le workflow, et les applications légères.
Qu'elle soit référentielle sur des processus
qualité, des notes officielles ou des méthodologies,
événementielle avec des annonces diverses, ou
même sur les produits et services de l'opérateur,
l'information constitue la majeure partie du contenu des intranets
sur le plan national.
D'un autre côté, les activités de France
Télécom étant très nombreuses
et dispersées, les aspects groupware et workflow se
retrouvent davantage sur des intranets liés à
un métier ou à une entité géographique.
"Pour nous, le groupware
signifie le fait de travailler en commun sur des documents"
affirme Gilles Antoine, chargé du développement
des nouvelles technologies à la branche Entreprises.
"Nous l'utilisons par exemple pour animer des réseaux
de communicants".
191 000 connexions
par mois chez FT Entreprises
Actuellement,
l'ensemble des intranets de France Télécom
qui emploie près de 140 000 personnes
au total, relie près de la moitié des
effectifs, soit environ 70 000 collaborateurs.
Une récente directive interne stipule qu'en l'an
2000, tout le personnel de l'opérateur devrait
être connecté. L'idée de départ
est de tout ramener sur les intranets, notamment pour
améliorer le travail collaboratif et l'accès
aux informations. Ainsi, des bornes interactives devaient
normalement être déployées à
l'attention des ouvriers et du personnel non équipé
de micro-ordinateurs.
Du côté des 100 intranets de la branche
Entreprise, qui regroupe 19 000 collaborateurs environ,
les statistiques de connexion sont éloquentes en ce
qui concerne l'ampleur du phénomène. Chaque
mois, ce sont près de 191 000 connexions
qui sont enregistrées, soit 20 000 personnes
différentes. Ce nombre, qui dépasse les effectifs
de la branche, pourrait démontrer l'existence d'un
intérêt porté par les autres salariés
de France Télécom envers les activités
professionnelles du groupe. Mais en réalité,
les motivations sont parfois d'un tout autre ordre.
En effet, parmi tous les intranets de la branche Entreprises,
le plus consulté est celui des ressources humaines.
Actuellement, la seule rubrique Emplois BE où se trouvent
les offres internes concentre plus de 23 % de l'ensemble
des connexions de tous les intranets de la branche, soit 44 000 utilisations
du service chaque mois. Les autres rubrique du site de la
DRH sont plutôt informatives, et portent sur le guide
des métiers, les 35 heures, les stages, des conseils
et des aides pour l'évolution professionnelle... Une
petite partie du site est consacrée à des documents
à l'attention des collaborateurs qui travaillent aux
ressources humaines. Dans cette rubrique Réseaux RH,
le texte des accords sociaux est accessible à tous,
et un profil utilisateur avec login et mot de passe est demandé
pour le reste des informations disponibles. Dans un deuxième
temps, l'intranet RH devrait bientôt accueillir un véritable
forum de l'emploi interne ouvert à tous.
Parmi tous les connectés, France Télécom
a mis à la disposition des personnels mobiles un Service
PC Nomade. Packagé, celui-ci comprend la fourniture
d'un ordinateur portable et des applications nécessaires
à l'utilisation des outils en ligne, dont l'indispensable
navigateur installé. Les accès sont sécurisés
avec le système Activ'Card. D'après Gilles Antoine,
"le fait que certaines personnes soient mobiles a nécéssité
des adaptations aux ressources humaines. Nous avons globalisé
l'ensemble des problématiques afin que chacun puisse
travailler avec ces outils. Sur l'axe communication, nous
avons fourni dans le package un CD-Rom de formation avec un
petit personnage qui guide le personnel mobile dans l'utilisation
de l'intranet".
Le plan de communication à l'égard des
salariés, une fois de plus, a fait l'objet d'une
méthodologie globale pour toute la branche Entreprises.
Celle-ci a donc opté pour une logique d'écoute
des utilisateurs, ce qui permet aux personnes qui consomment
l'information de voir qu'on s'occupe d'elles. Des tableaux
de bord rapportant l'activité intranet sont régulièrement
envoyés au management, afin de mesurer la satisfaction
interne. "L'intranet n'intéresse les gens
que si le contenu évolue tout le temps. Cela
n'est possible qu'en faisant appel à des outils
de management comme des tableaux de bord, des enquêtes
et des animations" explique Gilles Antoine. D'autre
part, la formation des salariés a contribué
à renforcer le nombre d'utilisateurs réels.
L'une des méthodes employées par la branche
Entreprises a consisté dans le fait d'organiser
des conférences téléphoniques avec
une vingtaine d'utilisateurs à chaque fois, qui
ont effectué les manipulations dans le cadre
du cours sur leurs propres machines.
L'observation de l'impact sur l'organisation révèle
quelques grandes tendances. Tout d'abord, le premier bénéfice
constaté est l'accélération des processus,
qui procure plus grande productivité et réactivité.
Mais l'intranet est aussi un révélateur des
organisations. Par exemple, l'ensemble du personnel peut y
apprendre que la DGAI est la direction des affaires internationales.
D'autre part, ce phénomène permet également
de détecter plus rapidement d'éventuels problèmes.
Un autre changement notoire provient du formalisme installé
par le travail collaboratif, qui revêt des aspects positifs
mais aussi négatifs. En effet, en face de l'amélioration
des processus qualité, la langue de bois s'installe
dès lors que tout un chacun peut visualiser les documents
mis en commun. Dans les faits, cela se traduit par exemple
par des situations où le collaborateur voudrait refuser
de participer à des travaux qui à son sens n'apportent
rien, mais ne peut dénier toute participation sans
faire preuve d'indélicatesse.
Parfois, les gains peuvent être chiffrés en terme
de retour sur investissement. Dans l'ensemble, le budget consacré
sur tous les intranets de la branche Entreprises se monte
à plusieurs dizaines de millions de francs. A titre
d'exemple, le site consacré à l'information
commerciale, relié à une base de données
importante, a coûté 10 millions de francs
à lui tout seul, qui ont été amortis
au bout de 6 mois seulement. Dans ce cas précis,
le ROI a pu être calculé car l'application consistait
au départ dans le remplacement de processus papier
par des processus intranet automatisés.
La DSI, maille à partir du développement des
intranets, s'est de son côté chargé des
aspects techniques ainsi que des applications transverses
comme les moteurs de recherche et les annuaires. Son rôle
a notamment été d'émettre un certain
nombre de recommandations, comme l'usage de pages dynamiques
en ASP en raison du parc bureautique de France Télécom
basé sur les outils de Microsoft. Pour les applications
plus importantes de type gestion commerciale, la DSI a préconisé
l'emploi de Java et de l'architecture trois tiers (serveur
central - serveur d'applications - poste client). La majorité
des intranets tourne sous NT avec IIS pour le Web. Les plus
exigents en qualité de service fonctionnent toutefois
sous Unix avec Netscape Server qui s'adapte mieux à
ce système d'exploitation.
Dans le cas plus précis des applications de groupware
et de workflow, le choix de l'architecture s'est porté
sur Domino/Notes, avec des progiciels comme VDoc Process d'AGS
Soft. Cette option reste transparente pour les utilisateurs,
qui continuent de travailler uniquement avec l'interface du
navigateur, et non un client Notes spécifique. "Nous
avons choisi AGS Soft pour le workflow suite à un appel
d'offres lancé en hiver dernier. Nous nous sommes rendus
compte que cet outil était beaucoup plus facile à
prendre en main que les autres" dévoile Gilles
Antoine à la DSI. "Cela prend à peu près
10 jours pour déployer un workflow". Les
responsables de processus consacrent ainsi 9 jours en
moyenne à imaginer et dessiner le workflow sur papier,
et une seule journée pour la saisie informatique.
D'une manière générale, la principale
difficulté rencontrée dans le déploiement
des intranets n'a pas été technique, mais plutôt
ergonomique. Parmi les remarques des utilisateurs aux débuts,
certains demandaient une véritable cohérence
des intranets pour naviguer de façon uniforme. En conséquence,
il a fallu développer une charte ergonomique laissant
une certaine liberté au graphisme. Des éléments
inamovibles ont donc été définis sur
toutes les pages, comme les boutons de navigation, un lien
"écrivez-nous" pour les retours, et les sources
des documents et illustrations en terme d'auteurs. Chacun
doit en effet pouvoir vérifier que l'information diffusée
est valable.
Au vu des retours sur le foisonnement d'informations et la
difficulté qu'ont certains collaborateurs à
trouver ce qu'ils cherchent exactement au sein des intranets,
la branche Entreprises compte faire évoluer le principe
même de l'accès aux informations. Sa direction
informatique travaille depuis l'été dernier
sur un projet de portail personnalisé en fonction de
l'utilisateur, qui devrait contenir pour chacun les ressources
auxquelles il souhaite avoir accès dans le cadre de
sa (ses) mission(s). Il pourrait également s'agir d'une
formule plus mixte afin de satisfaire davantage les habituels
réfractaires. En tout état de cause, ce projet
devrait voir le jour durant l'été 2000. [François
Morel, JI]
Responsable de rubrique : Alain Steinmann
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