Chaque
semaine, le JI détaille les étapes de
la construction et de l'évolution de sites Web remarquables.
Pour participer à cette rubrique, contactez François
Morel.
L'entreprise: créée
en juillet 1998, Aucland.fr
est passée de 2 personnes en février
1999, deux mois avant le lancement du site de ventes aux enchères
entre particuliers, à 150 aujourd'hui. En septembre
1999, l'entreprise a effectué sa première levée
de fonds de 18 millions de dollars auprès d'Europ@Web.
Les trois mois suivants, les versions brittannique, espagnole
et italienne ont successivement vu le jour. En janvier 2000,
une première campagne de publicité télévisée
coïncide avec le lancement d'un magazine papier, Aucland
Mag.
Aujourd'hui, les sites d'Aucland représentent environ
260.000 utilisateurs inscrits, 20 millions de pages
vues par mois, et traitent un volume de 130.000 objets
en vente sur l'Europe pour une valeur de 20 millions
de francs. La deuxième version du site a été
mise en ligne très récemment.
Le
responsable du projet: en
tant que fondateur de l'entreprise et président-directeur
général, Fabrice Grinda
a commencé par toucher à tous les domaines du
projet. Tout en montant l'équipe française,
il s'est chargé de la levée de fonds et des
aspects marketing et partenariats, puis petit à petit
du développement à l'international. En ce moment,
son rôle s'oriente davantage vers la stratégie,
dont la définition de nouvelles fonctionnalités,
et la communication externe.
Quels
ont été les objectifs de départ
du site ?
Fabrice
Grinda : "Ils sont bien inférieurs
à ceux que nous avons atteints aujourd'hui.
Quand nous avons levé 115 millions
de francs (18 millions de dollars), nous pensions
que cela allait nous suffire pour deux ans.
Mais les fonds ont été épuisés
au bout de 9 mois. La croissance d'Internet
a été énorme, et nous
avons accéléré nos dépenses
publicitaires et nos objectifs par un puissant
facteur. Nos objectifs actuels ne sont pas
financiers, mais en terme de parts de marché,
de nombre de membres et d'objets sur le site.
Mais les budgets et les objectifs changent
en permanence. Aujourd'hui, sur Internet,
le monde va tellement vite que nous disposons
d'une bonne visibilité seulement sur
une semaine et non sur l'année ou les
2 ans à venir. "
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Quelles
sont les nouveautés de la version 2 ?
"D'une
part, il s'agit d'un changement cosmétique.
Le site est désormais plus convivial,
plus coloré et plus animé.
Son utilisation également est simplifiée,
et toutes ses grandes fonctionnalités
sont aujourd'hui accessibles en seulement
un ou deux clicks de souris.
D'autre part, nous en avons profité
pour rajouter de nouvelles fonctionnalités
qui ne sont présentes à l'heure
actuelle chez aucun de nos concurrents européens.
Avec le nouveau système d'alerte,
un internaute qui cherche un objet qui n'est
pas en vente sur le site lors de sa visite
pourra être prévenu dès
qu'il sera disponible, par e-mail ou SMS.
Nous avons aussi ouvert une galerie qui
permet de visualiser les objets par leur
photo. L'image est plus explicite et descriptive
que des lignes de texte qui sont relativement
ennuyeuses. Cela va permettre d'augmenter
l'achat intuitif.
Enfin, nous avons aussi lancé un
nouveau service d'assurance. L'une de nos
grandes craintes était que des transactions
se déroulent mal, que le vendeur,
par exemple, envoie l'objet mais ne reçoive
pas l'argent, ou même que l'objet
que reçoit l'acheteur ne réponde
pas à la description initiale ou
soit cassé. Heureusement, c'est plutôt
rare. Mais pour rassurer l'utilisateur encore
plus, nous rembourserons l'acheteur ou le
vendeur lésé par le biais
de notre assureur."
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Quelle
valeur ajoutée apportez-vous à l'internaute ?
"Pour tous
les sites de ventes aux enchères,
la valeur ajoutée est de permettre
aux gens d'acheter et de vendre des objets
d'occasion et de collection. Nous assurons
les transactions, avec un système
de réputation qui nous fait éliminer
les acheteurs de mauvaise qualité.
De plus, nous proposons une garantie de
réponse en 24 heures. Nous étudions
en ce moment l'opportunité d'ouvrir
un centre d'appels en France, et nous en
disposons déjà dans les autres
pays où nous sommes présents.
Nous proposons aussi la numérisation
des photos, ainsi que le service AucVente
par lequel nous attribuons un responsable
de compte si le vendeur propose beaucoup
d'objets, et nous pouvons les mettre en
vente pour son compte. Enfin, nous sommes
présents sur toutes les foires de
chaque catégorie d'objets que nous
proposons, afin de dénicher de nouvelles
offres."
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Comment
vous rémunérez-vous ?
"Depuis
le début, nous percevons une commission
de 3 % avec un plafond de 100 francs
sur les transactions. Pour notre anniversaire
et jusqu'au 1er juin, nous sommes gratuits.
L'objectif de cette opération est
de transformer les acheteurs en vendeurs.
Aussi, tous les jours, nous proposons des
objets en vente au prix de départ
de un franc. Cela joue à la fois
un rôle de promotion et un rôle
pédagogique. Lorsqu'ils voient des
objets en vente à ce prix, les internautes
se disent "pourquoi pas" et apprennent
à se servir des enchères."
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Quand
pensez-vous être rentables ?
"Notre objectif
est d'atteindre l'équilibre à
la fin 2002. Le modèle d'Aucland
est très profitable. Nos coûts
sont fixes, et une fois que nous aurons
atteint la taille critique, nos marges seront
très élevées. La société
américaine dont je me suis inspiré,
e-Bay, vend tous les jours 120 millions
de francs d'objets, ce qui lui rapporte
quotidiennement un CA de 5 à
6 millions de francs avec une marge
brute de 80 %. Dans 3 ans, l'Europe
devrait permettre cela. Même si Aucland
ne dispose que de 20 % du marché,
cela peut devenir hallucinant. Donc notre
potentiel de croissance est énorme."
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Quels
moyens avez-vous investi sur les plans financier
et humain ?
"Nous allons
à nouveau lever entre 100 et
400 millions de francs dans les mois
qui viennent. La première version
d'Aucland.fr a mis environ 500 jours
/ homme à être développée,
mais nous avons tenu à démarrer
avec un site qui pouvait monter en puissance
avec des charges de transactions énormes.
Aujourd'hui, nous voudrions recruter de
10 à 20 développeurs
en plus.
Côté technique, nous avons
investi 3 millions de francs dans la
première version, puis 5 millions
pour la fin de l'année 1999. Depuis
janvier, nous avons dépensé
20 millions de francs et nous allons
probablement remettre la même somme
d'ici la fin de l'année. A ce jour,
les dépenses incombent à 40 %
aux logiciels et 60 % au matériel.
Les logiciels coûtent très
cher, à hauteur de plusieurs millions
de francs rien que pour les serveurs d'applications."
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Sur
quels outils s'appuie Aucland.fr ?
"Sur
le devant, nous disposons de serveurs Web IIS 5
de Microsoft sur Windows 2000. Nos serveurs d'applications
sont en cours de migration sur du middleware Oracle.
Pour les bases de données, nous avions choisi
SQL Server à l'origine, et nous allons rapidement
migrer sur Oracle 8i sur des serveurs IBM Enterprise
S80 avec AIX, l'Unix d'IBM. Dans deux ou trois semaines,
nous allons installer des serveurs de cache Web
comme Network Appliance et CacheFlow afin de multiplier
par dix ou vingt l'affichage des pages les plus
demandées. Pour les pages dynamiques, le site est
en ASP et migrera vers du JSP, et nous créons
les pages à la volée en fonction de
la requête personnalisée dans la base
de données. A terme, les serveurs d'application
prendront le pas sur l'ASP." |
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Avez-vous
recours à des progiciels de gestion spécifiques
?
"Nous
sommes en train de choisir une solution de
CRM (gestion de la relation client). Nous
étudions la plupart des grands progiciels,
sans avoir encore arrêté notre
choix. Mais aujourd'hui, malgré l'absence
de ce genre d'outils, nous avons un service
clientèle qui répond à
toutes les questions en 24 heures."
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Comment
procédez-vous pour l'hébergement ?
"Nous
sommes hébergés chez Colt Imaginet.
Nous sommes propriétaires des machines
et l'hébergeur fournit la bande passante
et la maintenance. Aujourd'hui, notre architecture
pour tous les sites repose sur une trentaine
de serveurs Web et deux gigantesques serveurs
IBM pour faire tourner les bases de données,
avec des dizaines de gigaoctets de Ram et
64 processeurs par machine. Nous utilisons
aussi un serveur NAS de Network Appliances
pour héberger les bases de données
sur plusieurs centaines de gigaoctets, et
4 ou 5 serveurs d'applications."
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Avez-vous
rencontré des difficultés techniques
?
"Pas
vraiment, car l'une des choses qui nous a
beaucoup retardé est que nous voulions
un site sans bugs. Nous rencontrons surtout
actuellement une grande difficulté
de recrutement. Il n'y a pas assez de développeurs
sur le marché, et notre principale
difficulté est d'en trouver."
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Et
des problèmes particuliers concernant la
montée en charge ?
"Au
départ, nous étions partis dans
l'idée d'utiliser Windows NT 4.0 mais
nous nous sommes aperçus qu'il n'arrivait
pas à monter en charge. Puis, nous
avons testé le site avec la bêta
version de Windows 2000 et nous nous sommes
rendus compte qu'elle était largement
supérieure à NT 4. Nous avons
eu des sueurs froides pendant quelques jours
car il aurait fallu considérablement
augmenter le nombre de serveurs et donc les
coûts, mais dès que nous avons
installé Windows 2000, tout a fonctionné
à nouveau." |
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Quels
outils utilisez-vous pour la mesure d'audience,
et à quoi vous sert-elle ?
"Pour les statistiques de connexion comme
le nombre de pages vues, nous utilisons WebTrends
Log Analyzer. Pour les mesures liées
aux transactions, nous avons développé
des outils d'analyse de bases de données
en interne. Nous allons probablement bientôt
implémenter Business Objects, afin
de croiser les différentes bases de
données, de disposer de toutes les
statistiques au même endroit et de voir
ainsi ce qui marche ou non. Nous allons pouvoir
consolider les informations provenant de différentes
sources. Une fois les bases de données
croisées, nous pourrons mieux prévoir
la croissance, analyser le type de campagne
publicitaire qui marche, ou même voir
les catégories les plus populaires.
D'autre part, nous donnons les chiffres à
nos actionnaires pour qu'ils contrôlent
nos performances." |
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Comment
gérez-vous l'ergonomie ?
"Depuis le début, nous n'avons
pas eu de webmaster. Nous étions deux
fondateurs, et nous avons réalisé
tout le design du site avec l'appui d'infographistes.
Aujourd'hui, nous recrutons un webmaster.
Le site est simple à charger et promet
un affichage relativement rapide. Les trois
mots qui priment dans ce métier sont
: simplicité, rapidité et efficacité.
La page d'accueil de Yahoo ne doit pas dépasser
20 kilo-octets. Nous avons aussi opté
pour l'uniformité du design et des
couleurs sur tout le site." |
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Des
tests ont-ils été conduits ?
"Des "focus groups" ont été
organisés par une société
externe. Traditionnellement, nous étions
moins bien organisés que cela, mais
en février-mars, nous avons fait une
petite pause pour nous restructurer et faire
tous ces tests. Il s'agissait de tests qualitatifs
sur un plan généraliste, qui
ont touché au design, mais aussi à
l'opinion des internautes sur les sites d'enchères
et à leurs réactions face à
plusieurs publicités. Cela nous a poussés
à mettre plus de couleurs, et aussi
à développer notre système
d'alertes. Notre prochaine publicité
télévisée est aussi passée
par ces tests qualitatifs. Les participants
nous ont filtré beaucoup d'erreurs." |
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Quelles
sont les évolutions prévues pour le
site ?
"Aucland effectue déjà
ses premiers pas en multi-supports car nous
avons lancé AucMag sur papier. Dans
les semaines qui viennent, nous allons nous
ouvrir au WAP et au SMS, principalement pour
générer des alertes. Côté
WAP, l'utilisateur pourra aussi se connecter
avec son mobile pour voir les objets les plus
convoités et les promotions du moment." |
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Quelles
leçons avez-vous tirées de votre expérience,
et quels conseils donneriez-vous à ceux qui
se lancent ?
"Pour
réussir sur Internet, il faut à
la fois aller très vite et penser très
droit, car le marché est énorme.
Il faut savoir lever des millions de francs,
monter son équipe le plus rapidement
possible et continuer de recruter. Puis, après
un second tour de table, passer à l'introduction
en bourse en un temps record.
Donc, en parallèle, il vaut mieux prendre
de grands bureaux pour commencer. En ce qui
nous concerne, nous en sommes au sixième
déménagement. Au départ,
nous étions deux dans une pizzeria
abandonnée. Puis, nous nous sommes
installés dans des bureaux de 120 mètres
carrés, mais deux mois plus tard nous
étions 25. Sur Paris, nous venons d'emménager
il y a trois mois dans 300 mètres
carrés, et nous recherchons aujourd'hui
1000 mètres carrés. La
clef de la réussite est de penser grand,
d'aller vite et de travailler dur." |
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