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Interviews

Christophe Lahaye
Vice-président Europe du Sud
Ebone

"Les gens qui posent des centaines de fibres ont perdu la raison" (Partie 2)
          

Backbone historique européen face à Arpanet, l'ancêtre américain d'Internet, Ebone est un véritable géant du monde des réseaux IP. Pour arriver à ses 24 000 kilomètres de fibre optique européenne supportant de 2,5 à 10 Gbps de bande passante, la société a beaucoup évolué depuis l'époque où elle s'appelait GTS-Omnicom, fusion entre GTS et l'opérateur de l'ancienne Union Soviétique. Face à des questions récurrentes comme le surplus de bande passante du monde occidental et le dégroupage de la boucle locale, le vice-président d'Ebone apporte plus que des réponses. Et des analyses souvent incisives.

Propos recueillis par François Morel le 27 juin 2001 .

<< Revenir à la première partie de l'interview

Lorsque l'on parle de surplus de bande passante, vous devez être particulièrement concernés. Quelle est votre opinion sur le sujet ?

J'en pense que la concurrence a beaucoup fait chûter les prix, ce qui provoque la faillite pour les entreprises les moins solides du secteur. Il n'y a qu'à regarder la situation de Viatel et de certaines entreprises dont les revenus ne sont plus suffisants. Ils se sont mis à revendre de la fibre après avoir revendu de la bande passante, et ont ensuite revendu les meubles et il ne leur restait plus grand chose à vendre. A partir de là, ne vont subsister que les opérateurs qui ont su fidéliser leurs clients. A ce jeu, Ebone est très bien placé. En 2000, nous avons terminé l'année avec un CA de 410 millions de dollars avec un Ebitda (résultat d'exploitation opérationnel) positif de 170 millions de dollars.

Avec le surplus de capacité, nous observons la rationalisation du marché. Car il y a beaucoup moins de concurrence sur le service, et nos clients sont fidèles car nos services sont adaptés à leur demande. Par exemple, nous avons développé une interface web qui leur permet d'accéder à la performance de notre service en temps réel, aussi bien en phase d'implémentation qu'en production. Nous avons mis en place une grande base de données Vantive qui regroupe l'ensemble des informations sur nos systèmes avec un accès sélectif et très protégé.

Pourquoi certains opérateurs stockent-ils la bande passante ? Est-ce votre cas ?
Nous n'essayons pas de la stocker puisque nous l'avons déjà. Nous avons multiplié notre capacité globale en Europe de 100 Gbps à 1 Terabit par seconde. Notre capacité technique nous permet d'implémenter très vite de la bande passante supplémentaire à travers des équipements Ciena en DWDM. Quant aux autres, je crois que certains opérateurs ont construit une surcapacité et présentent des profils financiers désespérants. C'est le cas de Viatel, mais le marché n'est pas encore au bout de ces histoires.

Que vont devenir ces fibres inutiles ?
Je doute qu'il y ait des gens sur le marché qui aient envie de s'encombrer de tels capitaux. Nous investissons dans les technologies Ciena simplement en rajoutant des équipements. Depuis le début, nous pensons que les gens qui posent des centaines de fibres ont perdu la raison. La technologie actuelle permet des miracles et en promet d'autres encore. Les derniers essais d'Alcatel permettent de faire passer 5 Tbps sur une seule fibre. En gros, tous les opérateurs européens n'ont besoin que de 3 fibres. Et cela va encore augmenter.

Pourquoi ne pas revendre les fibres existantes à de très grandes entreprises ?
Parce qu'elles n'ont pas envie de s'encombrer de technologies de transport de données, au même titre qu'elles n'achètent pas les rails pour le transport ferroviaire. Le problème des fibres est qu'elles ne sont pas chères, mais les équipements pour les piloter sont hors de prix. Pour vous dire, les fibres ne représentent que 10 % de nos coûts, et les équipements entre 25 et 30 %, le reste étant consacré à l'opérationnel et à la maintenance.

Donc elles vont rester dans le sol pour rien... et l'utilisateur final ne profite toujours pas de la large bande à prix réduit ?
En effet, le problème aujourd'hui est plutôt la boucle locale que la longue distance. Au niveau de la boucle locale, il y a une absence de concurrence, voire même une relative pénurie et le prix n'a pas baissé. Car le marché est organisé en monopoles et oligopoles, soit 2 ou 3 opérateurs maximum sur une grande ville. Lorsque les données font le trajet Paris-Stockholm, 35 % de celui-ci est au niveau de la longue distance et 65 % au niveau de la boucle locale. Quant aux prix, ils ont été divisés par 10 d'un côté et par 2 de l'autre.

Qu'est-il prévu pour accélérer la mise à disposition généralisée du haut débit ?
Je peux vous dire ce que nous allons faire avec d'autres opérateurs comme Worldcom et ceux de l'Afopt. Et nous entretenons aussi un dialogue avec l'ART. Les directives de 1997 n'ont pas été mises en place par les états. En intervenant à Bruxelles, nous souhaitons que les états de la Communauté Européenne soient incités à faire appliquer les textes. Ensuite, notre deuxième axe d'action est national, avec les organismes règlementaires du type de l'ART. Nous tentons de leur expliquer les intérêts du dégroupage de la boucle locale avec le même schéma que pour l'Afopt pour qu'ils poussent les gouvernements à agir.

N'y a-t-il pas des raisons purement de lobbying de la part d'opérateurs historiques comme France Télécom ?
Il s'agit de notre troisième axe, car nous ne pouvons pas court-circuiter l'opérateur historique. D'ailleurs, France Télécom a probablement une certaine volonté d'ouverture, et nous allons négocier les tarifs opérateurs pour les liaisons louées, ce qui n'existe pas actuellement. L'objectif, que vous soyez plutôt utilisateurs finaux ou revendeurs, est de bénéficier du même tarif sans aucune différence. Certains pays ont déjà mis en place un tel processus, comme l'Allemagne. Nous avons fait réaliser une étude par le Yankee Group sur les coûts de la boucle locale face à la longue distance, et les 5 derniers kilomètres se paient très cher.

Là dedans, le véritable enjeu n'est pas notre chiffre d'affaires, mais la compétitivité des entreprises en Europe et leur accès aux services large bande. Car aux Etats-Unis, les entreprises y ont accès. Le déblocage est inévitable et les gouvernements ne peuvent pas faire l'impasse sur le sujet. Tout ceci est une question de temps, et nous voulons que le DSL soit offert partout en fin d'année par des opérateurs comme France Télécom à des tarifs abordables. Et ceci de la même façon pour les liaisons louées.

Le fait de creuser des tranchées ne pose-t-il pas d'autres problèmes ?
On ne peut nier le problème de génie civil, et c'est là que le rôle de l'opérateur est important, car le xDSL est l'un des moyens privilégiés vers les zones résidentielles et les PME. Et si l'opérateur historique accepte nos conditions de tarification pour les liaisons louées, les entreprises auxquelles il accède pourront bénéficier de liaisons localisées à un prix tout à fait décent.

Etes-vous utilisateurs des places de marché pour l'échange de bande passante comme Band-X ? Que cela vous apporte-t-il réellement ?
Nous utilisons faiblement Band-X et pas du tout les autres, parce que cela correspond pour nous à une part de marché faible. En raison de la boucle locale et des services, il n'est pas très facile de standardiser le transport de données. Car la demande des clients n'est pas standardisée. Nous apportons plus de services que de transport, ce qui n'est pas forcément quantifiable dans une offre de place de marché.

Justement, à propos des services, quelles sont les spécificités de votre offre de réseaux privés virtuels ?
Notre offre VPN repose sur les technologies IPSec qui permettent d'implémenter plusieurs degrés de sécurisation. Nous proposons du chiffrement de bout en bout à des débits relativement élevés, avec la norme TripleDES qui répond à des exigences hautes en matière de sécurité.

Avez-vous implémenté le MPLS dont nous parlions précédemment ?
Nous ne nous intéressons pas au MPLS car il se destine principalement à gérer la pénurie de bande passante. Comme nos routeurs intègrent de très importantes capacités de traitement, pourquoi pratiquer le prioritisation des flux. Notre philosophie en matière de VPN/IP est "zéro paquets perdus" et "zéro queuing". Nous gérons quatre classes de services pour nos clients à travers le protocole "type of service" par l'intermédiaire d'IP. Avec cela, nous nous contentons de prioriser pour nos clients, mais pas sur nos réseaux. A Paris, nous avons 6 routeurs Cisco en cascade. Si un noeud complet tombe, les temps de recalcul sont suffisamment courts pour qu'aucun problème ne survienne.

Allez-vous déployer des infrastructures réseaux hors Europe et transatlantique ?
Nous ne sommes pas en période de ressources financières très larges et inépuisables. Nous avons un accord avec Broadwing qui nous permet de couvrir le continent Nord-Américain, et nous négocions avec un opérateur asiatique pour le même type d'accord, ce qui nous permet d'étendre le VPN au delà de notre réseau. Notre objectif est d'aboutir à des réseaux qui savent s'interconnecter sans coûture en IP. Et c'est une démarche sur laquelle nous travaillons encore.

Que pensez-vous de la consolidation de votre marché ?
Celle-ci est déjà bien engagée. Mais je pense qu'elle va se poursuivre. Et je démens fermement les rumeurs de notre rachat par Cable & Wireless.

Quels sont vos objectifs stratégiques à partir de maintenant ?
Nous allons continuer à bien servir les opérateurs et les xSP, et à développer très rapidement une part de marché significative dans les grandes entreprises européennes. Pour maintenir ces deux objectifs, nous allons poursuivre nos investissements techniques afin de rendre notre réseau encore plus performant par la mise en place d'équipements de dernière génération plus flexibles, plus rapides et plus faciles à contrôler. En ce moment, nous regardons Sycamore et Ciena, et nous annoncerons probablement quelque chose au troisième trimestre. Et nous sommes aussi en phase d'embauche afin de muscler nos équipes commerciales dans les domaines entreprises.

En tant que vice-président Europe du Sud, Christophe Lahaye est chargé des opérations pour Ebone en France, en Espagne et en Italie. Il est notamment en charge des ventes, du marketing et de la relation clients sur ce secteur. Avant de rejoindre Ebone, il travaillait au sein de L'Agence pour l'implantation des Entreprises en tant que directeur Asie. Il avait pour mission de conseiller et d'accompagner les entrepreneurs asiatiques s'implantant dans la région parisienne. En tout, il compte 15 années d'expérience dans l'industrie des télécommunications. Il est titulaire d'un MBA de l'université de San Francisco et d'un diplôme d'ingénieur chimiste obtenu à l'université de Montpellier.



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