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Interviews |
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Samir Koleilat
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CTO
Europe, Président-directeur général France
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Primus Telecommunications
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Avec
la fusion Primus/Internext, nous avons vécu les 12 travaux d'Hercule |
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Le rachat d'InterNeXt par le TSP (Total service provider) britannique
Primus Telecommunications a créé en mai 2000 un
nouveau géant de l'IP européen. Aujourd'hui finalisée,
la fusion de l'ISP français avec LCR Telecom au sein
du groupe donne naissance à Primus
Telecommunications France. A sa tête, le fondateur
d'InterNeXt en 1995 Samir Koleilat a également dirigé
les travaux européens de fusion des deux backbones
en qualité de CTO (Chief technical officer) de Primus
en Europe. En plus de détailler le projet à l'échelle
du Vieux Continent, il apporte sa vision sur certains des thèmes
chers à l'IP en ce début d'été.
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Propos recueillis par François Morel le 09
juillet 2001
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JDNet
Solutions : Quelles ont été les évolutions
techniques de votre réseau suite à la fusion Primus/InterNeXt
?
Samir Koleilat :
Depuis que nous nous sommes
vendus à Primus Telecommunications, nous avons souhaité
rester indépendants sur le plan technique. Car nous étions
la troisième plus grande filiale Internet qu'ils ont
racheté, et le plus grand ISP européen. Depuis
deux mois, j'ai été nommé CTO Europe, et
j'ai récupéré à ce titre le backbone
et le réseau européen en fibre optique dans plus
de 15 pays. Nous avons également 15 salles
blanches au niveau de l'Europe, en plus des 16 à
20 salles françaises. Il a donc fallu connecter
notre backbone InterNeXt à celui de Primus. Aujourd'hui
c'est fait, et l'ancien numéro d'AS (Autonomous system)
d'InterNeXt est aujourd'hui celui de Primus. Tout est en fibre
contractée chez Global Crossing et KPN. Les noeuds sont
équipés des gros commutateurs ATM
JX-550 de Lucent, et des équipements MPLS de Cisco du
nom de GSR P12000.
Cela
explique-t-il les problèmes techniques que vous paraîssez
avoir rencontrés, étant donné les trois
derniers classements Witbe
?
Pour se connecter, il a fallu débrancher
et rebrancher les matériels et fusionner les numéros
d'AS en Europe. Pour nous, cela s'est apparenté aux 12 travaux
d'Hercule. Et nous avons souffert dans nos plannings de migration,
car les logiciels de routeurs IOS que Cisco nous a fourni avec
les chassis n'étaient pas adaptés et ne reconnaîssaient
pas nos anciennes cartes. D'habitude, cela ne pose pas de problème
car les nouveaux matériels sont en général
compatibles avec les anciens. Dans le cas présent, cela
a généré beaucoup de perturbations, mais
c'est un mal pour un bien.
Nous avons donc connu quelques coupures, dont une de 30 minutes
et une autre de trois heures. Selon notre charte, nous devons
rembourser un mois à nos clients si nous avons 15h de
coupures, et cela n'a heureusement pas été le
cas. Certains clients sont à une heure de GTR (garantie
de temps de rétablissement), et d'autres à deux
heures. En juin, à comparer avec nos 4 millions
de francs de rentrée mensuelle, nous avons payé
275 000 francs de pénalités et en juillet
92 000 francs. Maintenant, il est possible que le
serveur tracé par Witbe ait été aussi en
panne indépendamment de cela, ou qu'un routeur auxilliaire
soit tombé. A la limite, nul n'est à l'abri des
erreurs. Ceci dit, je suis confiant sur le fait que notre réseau
s'améliore. D'ailleurs, nos clients sont contents et
nous le font savoir. OTC Securities, par exemple, nous a recommandé
auprès d'un autre client dans la bourse, du nom de Euro
Offering. Et les sites d'ordres boursiers ne sont pas des applications
qui peuvent tomber en panne.
Certains
parlent d'un surplus de bande passante, et d'autres d'une pénurie.
Qu'en pensez-vous ?
Je suis sur le marché depuis
1989 lorsque j'ai eu mon premier compte au Ripe,
qui est le 89ème enregistré en SK en Europe. De
plus, il y a déjà sept ans que j'ai créé
InterNeXt. Or, depuis 4 ans, Internet n'est plus une niche.
De très importantes entreprises comme Concert, Genuity,
Level3, Global Crossing ou même Telia font des propositions
de transit IP. Mais ce n'est pas parce qu'ils ont de très
grosses capacités que les autres vont leur en acheter.
Ceux qui ne revendent que du transit IP sont en général
ceux qui n'ont pas réussi à vendre de l'IP.
Pour vendre du transit, il faut d'abord du contenu hébergé,
avec des sites très visités comme Yahoo, Compuserve...
Ensuite, il faut avoir une présence sur au minimum 300 points
dans le monde et des échanges avec plus de 1 000 ISP.
Enfin, il faut que celui qui soit sur le noeud ait un réseau
à échanger. Or, certains sont venus pour prendre,
mais s'ils n'avaient rien à donner, ils n'avaient aussi
rien à prendre. Aujourd'hui, Abovenet offre 10 Mbps
gratuits à l'essai pendant 2 mois, mais s'il n'y
a pas de contenu, il est évident que c'est fiable parce
que les liaisons sont vides. Et une machine qui n'est jamais
en route n'est jamais en panne.
Quels
sont les opérateurs qui ont fait les bons choix ? Et
quel est votre positionnement dans tout cela ?
Ceux qui vendent le plus sont des
gens comme Ebone, Teleglobe et France Télécom,
qui ont acheté tout ce qui pouvait générer
du trafic. France Télécom constitue d'ailleurs
une exception, puisqu'ils ont développé Wanadoo
au niveau européen, ils ont aussi acheté un moteur
de recherche, et n'oublions pas Equant/Global One et Orange...
Avant qu'ils ne procèdent à des acquisitions,
ces trois-là ont mené des actions de façon
à devenir incontournable.
Aujourd'hui, les opérateurs sont rangés dans trois
catégories: Tier-1 au niveau international, Tier-2 national
et Tier-3 pour une seule liaison. Or, nous sommes présents
dans 100 pays au niveau mondial, et tout est en ATM sur
IP. De plus, nous avons des salles machines avec du contenu
et nous avons procédé à des échanges
de flux avec plusieurs centaines d'opérateurs. Leur liste
est sur notre site. De fait, nous sommes donc Tier-1 et notre
CA dépend à la fois du transit et de l'hébergement.
Que
pensez-vous de la manière dont se déroule le dégroupage
de la boucle locale ?
Je suis très content que
France Télécom, après intervention de l'ART,
baisse le prix des collectes et ouvre de nouvelles grandes portes.
Actuellement, nous avons 14 portes sur lesquelles nous
sommes connectés à 30 ou 60 Mbps. Maintenant,
nous ne sommes pas pour le dégroupage, mais nous nous
positionnons plutôt comme grossiste. Nos objectifs sont
de revendre de la connexion et des services, tout en basant
nos politiques sur l'hébergement. C'est pourquoi nous
avons ouvert 16 salles et d'ici la fin de l'année,
nous en aurons 20 ou 22. Notre choix s'est porté sur
la décentralisation et la proximité, et c'est
une politique qui paie bien. L'une des filiales de France Télécom,
TDF est cliente chez nous, et si nous n'avions pas autant de
salles ils auraient probablement choisi une autre solution.
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A 46 ans, Samir Koleilat est le président-directeur
général de la filiale française de Primus Telecommunications,
opérateur IP de proximité britannique dont il est également
le directeur technique Europe. Sa nomination est intervenue
suite au rachat d'InterNeXt en mai dernier, dont il était le
président-fondateur depuis 1995. Son parcours commercial a été
marqué chez les constructeurs Olivetti, Canon, Rank-Xerox, Fujitsu
et Hyquest dont il sort directeur commercial. En 1990, il effectue
un bref passage comme directeur des ventes Europe du Sud chez
Western Digital, et fonde sa propre société de distribution
de composants Chip Technologies. Il est également diplômé du
CNAM, de l'IFG, de l'ISG et de l'Ecole Nationale Supérieure
des Télécoms (1996). |
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