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Interviews |
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Eric Brégand
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Vice-président
du groupe Produit |
Business
Objects |
A
partir de prototypes avancés, nous avons créé un portail vocal |
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Chez un éditeur de logiciels positionné sur des
technologies avancées comme Business
Objects, la recherche et le développement jouent
un rôle particulièrement clef dans les orientations
stratégiques du groupe et la définition des nouvelles
gammes. En interviewant Eric Brégand, le patron de la
R&D, nous partons donc à la découverte des
grandes orientations que l'éditeur a adopté pour
les deux prochaines années. Des choix qui vont modeler
le paysage des technologies décisionnelles. Point de
vue futuriste "inside" Business Objects...
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Propos recueillis par François Morel le 06
juillet 2001
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Comment
définir la différence entre vos applications analytiques
et les tableaux de bord pour les directeurs généraux
? Ces derniers font-ils partie de votre offre et représentent-ils
un axe de recherche ?
Les applications analytiques ne
sont pas conçus pour les directeurs généraux
mais ont pour cibles des fonctions verticales dans l'entreprise,
comme les décideurs de services marketing, ventes ou
les responsables des achats. Les départements marketing
vont choisir des applications analytiques pour segmenter et
comprendre pourquoi un client passe d'un segment A à
B. Et celles-ci ont donc pour vocation d'aider les entreprises
à prendre les bonnes décisions.
Un "dashboard" (tableau de bord, ndlr) se situe, lui,
à plus haut niveau. Sa vocation est de produire auprès
des directeurs généraux des indicateurs rafraichis
de manière quotidienne. Pour le conducteur d'un véhicule,
cela revient à regarder la jauge à essence et
celle de la batterie. Au dessus des outils de business intelligence,
nous trouvons les applications analytiques, et encore au dessus
les dashboards avec les indicateurs de performance clefs (KPI)
qui sont plus figés car le directeur général
n'a pas besoins d'effectuer une analyse aussi poussée.
Mais fondamentalement, une application analytique est un tableau
de bord. La limite est donc très fine, et il est possible
de la déplacer à loisir entre le KPI et l'application
analytique. Nous proposons en fait les deux types d'offres,
pour les consommateurs et les producteurs de l'information.
Ces derniers prédéfinissent le modèle de
données, les rapports et les modèles d'analyse,
et nous les transformons en tableaux de bord pour produire une
vision dynamique mais aggrégée du business concerné.
Avez-vous
testé en interne les implications entre un moteur multi-dimensionnel
et un moteur de règles type système expert ? Si
oui, quels en sont les résultats ?
Nous ne l'avons pas testé
car nous n'avons pas de système expert. Mais nous travaillons
dessus, entre autres. En intelligence artificielle, les deux
principaux domaines visés au départ étaient
les systèmes experts, et le langage naturel sur lequel
nous sommes beaucoup plus présents. Si quelqu'un a envie
de formuler sa question en une phrase du langage courant, nous
disposons d'interfaces qui peuvent la traduire en une requête
simple.
Ceci m'amène d'ailleurs à vous parler de la synthèse
vocale. Les utilisateurs mobiles sont passés de l'ordinateur
portable au téléphone sans-fil et à l'assistant
personnel (PDA). A présent, ils vont pouvoir téléphoner
à l'application en posant des questions comme : "donne
moi le nombre de produits vendus hier ?". Nous combinons
donc l'utilisation de la voix, la synthèse vocale et
le langage naturel pour répondre aux requêtes.
Pour cela, nous travaillons avec TellMe en Californie sur des
prototypes avancés à l'aide de VoiceXML, à
partir desquels nous avons créé un portail vocal.
Il s'agit d'un ensemble de workflows prédéfinis,
avec des phrases types comme "bonjour", "bienvenue"
et la capacité de guider l'utilisateur. Face à
une demande d'analyse et de reporting, nous envoyons des fichiers
VoiceXML et TellMe s'occupe de l'interprétation au niveau
téléphonique.
Vous
êtes donc fins prêts pour la synthèse vocale...
mais le marché de la téléphonie mobile
est-il prêt ?
Aujourd'hui, non puisque nous en
sommes au stade de prototypes et que la bande passante des réseaux
sans fils pose encore problème. Mais le mobile est un
domaine qui démarre et nous nous devons d'être
futuristes et d'être des pionniers, même si aujourd'hui
la demande n'est pas à son plus haut niveau.
Maintenant, je peux vous donner des exemples d'utilisation concrète.
Nous avons un gros client américain qui dispose d'une
flotte de 50 000 camions, la plus importante aux Etats-Unis.
Des capteurs relèvent la pression des pneus ainsi qu'un
grand nombre de données sur la batterie et le moteurs
qui sont envoyées par des technologies sans fil et centralisées.
Derrière, il est possible de faire une analyse sur la
probabilité de pannes et de savoir si le moteur consomme
plus qu'il ne devrait. Le routier peut lui-même utiliser
son téléphone pour appeler le système et
connaître sa pression des pneus. Nous pouvons aussi parler
des distributeurs de Coca-Cola aux Etats-Unis qui génèrent
des requêtes quand ils sont vides. De plus en plus d'informations
circulent en temps réel, et je suis persuadé que
le téléphone est un moyen de communication extrêmement
performant.
Quelle
sera votre implication dans des technologies d'avenir comme
les web services ?
Aujourd'hui, deux grandes tendances
se dessinent avec d'un côté les architectures J2EE
avec des environnements Java, des serveurs de composants distribués
et des techniques de répartition de charges (load balancing/failover).
En face, nous retrouvons tout ce qui a trait à la stratégie
Microsoft autour de .Net et des technologies de l'éditeur.
Ces deux architectures sont en cours d'élaboration et
de définition. Par exemple, J2EE ne supporte pas tout
XML et je pense que de ce côté-ci, Microsoft a
pris un peu d'avance. Et aujourd'hui, il faut travailler sur
les web services. Car les Microsoft, les Oracle et les Sun sont
en train de tisser une toile mondiale de services web. En cela,
ils fournissent la plomberie logicielle et nous pouvons nous
plugger dans un mur. Quant à la valeur ajoutée
elle sera de la responsabilité d'éditeurs comme
nous. Car la question est de savoir quels seront ces services
web. C'est pourquoi nous travaillons sur tout un ensemble de
web services, d'un côté sur Windows et de l'autre
sur Unix au sens large. Sur cette toile mondiale, ceux qui gagneront
seront ceux qui proposeront les services les plus adaptés.
En
terme d'architecture, vous sentez-vous également impliqués
par des modèles comme l'ECM
?
Nous avons des collaborateurs qui
suivent activement le sujet, et j'ai une équipe d'architectes
qui décideront ou non si nous devons collaborer sur l'ECM.
Mais dans ce domaine, les cycles de décision sont très
longs, et nos cycles produits sont beaucoup plus rapides, de
l'ordre de 3, 6 ou 9 mois. En revanche, J2EE est une
architecture sur laquelle nous travaillons depuis trois ou quatre
ans.
Préparez-vous
des produits de text mining ?
Nous ne travaillons pas là-dessus,
mais nous avons des partenariats avec des sociétés
spécialisées comme celle créée il
y a 6 mois par Temis
Group avec laquelle nous avons des contacts. A partir de
là, nous réfléchissons à plusieurs
types de relations possibles, soit des contacts en terme d'ingénierie
pure pour disposer d'une intégration bas niveau, soit
des partenariats au niveau des opérations pour développer
des passerelles. Avec Temis, nous travaillons sur les deux.
Car nos produits sont structurés pour tirer parti facilement
d'autres technologies. Nous nous intégrons aussi à
des outils de recherche comme Autonomy
et Verity.
Derrière une API transparente, l'utilisateur ne voit
rien et clique juste sur un bouton "search".
Ceci dit, nos contacts avec Temis ne portent pas sur du text
mining au sens strict mais sur quelque chose de plus élaboré.
Il ne s'agit pas que de recherche mais aussi de synthèse
de textes, en aggrégeant la recherche de mots et en effectuant
des synthèses qui transforment un document de une pages
en trois lignes. Le tout est de trouver les phrases pertinentes
qui renferment le plus de fois les mots clefs et de concaténer
ceux-ci. La connaissance n'est pas que dans les chiffres, mais
aussi dans les e-mails. Aujourd'hui, nous sommes essentiellement
focalisés sur les chiffres. Nous fournissons aussi des
passerelles, mais si le client a des besoins spécifiques,
nous lui laissons l'opportunité de créer ses propres
passerelles.
Faites-vous
de même avec les outils de veille ?
Nous n'en avons pas au catalogue.
Au sein de nos équipes, nous avons quelques personnes
qui pratiquent de la recherche, et nous travaillons aussi avec
l'Ecole Centrale et l'université de Compiègne.
Mais nos principaux angles de recherche et développement
sont focalisés sur les données, l'analyse des
données, et l'ergonomie des produits.
Justement,
comment avez-vous défini l'ergonomie de votre portail
d'entreprise ?
Nous avons travaillé avec
la société américaine EDWise qui est spécialisée
dans l'ergonomie de produits. Et la façon dont ils travaillent
est simple. Ils définissent certains prototypes, puis
sur l'interface graphique quelques variables. Le tout pour aboutir
à un ensemble de composants graphiques et ergonomiques
afin d'être capables de les utiliser au mieux. Ensuite,
nous travaillons par enquêtes utilisateurs et nous pouvons
choisir plusieurs modèles d'interfaces. Nous effectuons
une analyse et nous voyons quels sont les points de blocage.
Mais en fait, l'ergonomie est un domaine très complexe,
car il faut faire les choses simplement pour que l'utilisateur
puisse accomplir des tâches compliquées tout en
allant vite. C'est pourquoi en dessous d'une boîte de
recherche simple, il faut un bouton "advanced". Nous
devons être capables de nous adapter à l'utilisateur,
et il faut que cela soit standardisé. Et malheureusement,
nous n'avons plus beaucoup de liberté quand la qualité
du workflow est d'être standard.
Pour
revenir à vos différentes orientations en matière
de synthèse vocale et de web service, quand verra-t-on
les premiers produits commercialisés ?
Pour la synthèse vocale,
j'ai suivi récemment une démonstration. Je dirais
que nous aurons des produits disponibles dans 6 à
9 mois. Concernant les web services, je pense que cela
sera plus long, de l'ordre de 12 ou 24 mois.
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Diplômé de Supelec, Eric Brégand,
35 ans, a démarré sa carrière en 1989
chez l'éditeur de logiciels GSI chez qui il évolue
pendant 5 ans. Il a d'abord oeuvré chez GSI-Tecsi
à la réalisation d'un système expert d'aide
à l'analyse financière d'environnements industriels.
Puis, il devient responsable de projets chez TXT-Group en Italie,
avant de reprendre le même poste chez GSI-Erli en France.
Il devient enfin ingénieur consultant chez GSI-Software
Platform et se trouve détaché au sein d'une équipe
spéciale chargée de la mise en place d'une méthodologie
de développement. Il entre chez Business Objects en avril
1994, où il passe de la fonction de directeur du design
produit à celle de vice-président des produits
d'entreprise en avril 1996. Pendant cette période qui
correspond à une réorganisation, il est en charge
de l'activité R&D liée au reporting. Il devient
vice-président du groupe Produits en avril 1999 à
l'occasion d'une autre réorganisation, et conduit la
dernière en date en septembre 2000.
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