|
Interviews |
|
Jean-Marc Deshays
|
Directeur
Europe de l'Ouest |
IBM PLM
Solutions |
"Sur
un même écran, deux ingénieurs peuvent collaborer à distance
en temps réel" |
|
Moins connue que les trois autres grandes composantes verticales
du système d'information de l'entreprise industrielle,
la gestion du cycle de vie des produits, ou PLM, en constitue
pourtant le quatrième grand pilier. Dans ce domaine,
IBM fait
référence avec ses infrastructures de collaboration
et ses services tournés vers l'intégration et
la mise en oeuvre des meilleures méthodologies et pratiques.
A la tête d'IBM
PLM Solutions en Europe de l'Ouest, Jean-Marc Deshays
apporte une série d'éclairages pour mieux comprendre
ce marché et son évolution vers les technologies
Internet. |
Propos recueillis par François Morel le 13
juillet 2001
. |
JDNet
Solutions: Comment bien différencier le PLM (gestion
du cycle de vie des produits) d'autres grandes catégories
de progiciels, types ERP, SCM et GPAO ?
Jean-Marc Deshays:
Si nous définissons quatre
piliers, nous nous identifions comme l'un d'eux. Si la différence
est peut-être plus claire avec le CRM (gestion de la relation
client), le PLM n'est pas une partie de l'ERP (progiciel de
gestion intégré) ni du SCM (gestion de la chaîne
logistique), car ces cycles de processus sont disjoints. Ensuite,
il faut bien différencier le cycle de développement
d'un produit de ceux liés à sa production et à
sa livraison. La gestion des sorties d'usines n'est pas du ressort
du PLM.
Lorsque nous prenons l'industrie automobile, la gestion du cycle
de vie des produits commence lorsque les premiers stylistes
élaborent des esquisses de véhicules. Puis les
ingénieurs, à partir de ces esquisses, conçoivent
l'ensemble des composantes et des pièces du produit,
et définissent les moyens de fabrication comme les chaînes
d'emboutissage, les procédés de soudure... Après,
si nous continuons, nous retrouvons la mise en oeuvre de ces
moyens, jusqu'au démantèlement du produit le jour
où le véhicule arrive à la casse. Là,
par exemple, il faut prendre des précautions dès
la conception en cas notamment de la présence de produits
dangereux. Ceci est tout à fait imaginable aussi pour
une centrale nucléaire, tout en gardant à l'esprit
qu'il faut gérer l'ensemble de ces données en
fédérant le produit avec le processus. L'ERP,
quant à lui, regarde la production sous un autre angle
comme la capacité de produire un nombre donné
de pièces par heure.
Pouvez-vous
citer un exemple concrêt de ce qu'est le cycle de vie
d'un produit dans le temps ?
En reprenant l'exemple du temps de conception d'un véhicule,
il faut à peu près un an avant la conception pour
arriver à un gel du style. Puis, deux ans sont nécessaires
pour la conception avant la sortie de la première voiture.
A partir de là, la durée de vie en production
sera peut-être de 10 ans. Et ensuite, il faudra rajouter
encore un certain nombre d'années pendant lesquelles
les véhicules usagés seront rapatriés et
démantelés. L'ERP, de son côté, intervient
seulement entre le moment de la prise de commande et la livraison
effective du véhicule.
N'existe-t-il
pas des chevauchements entre le SCM et le PLM par exemple. Les
différents domaines ne sont-ils pas en continuité
les uns des autres ?
Tous ces grands domaines sont en fait très interconnectés
et les liens ne sont pas formalisés. Nous travaillons
avec un certain nombre de grandes entreprises pour optimiser
les échanges entre ces grands processus. Notre ambition
est de couvrir l'ensemble du cycle de vie des produits, ce qui
veut dire que nous intégrons les composants orientés
conception, avec d'autres sur les processus opérationnels,
ainsi que la gestion mais aussi le partage des données
produits à travers des outils web pour que tous les acteurs
puissent disposer d'un accès.
Dans la continuité de notre partenariat avec Dassault
Systèmes qui a été engagé en 1981,
nous travaillons sur leurs trois grandes familles : Catia pour
l'optimisation du produit, Delmia pour la définition
du processus et ensuite Enovia pour la gestion de l'ensemble
des données du cycle de vie, qu'elles soient orientées
produit ou processus. Enovia s'occupe également de la
collaboration, avec des moyens de partage des données
entre tous les acteurs de l'entreprise étendue qui contribuent
au produit.
Justement,
quelle est la place du design collaboratif dans la gestion du
cycle de vie des produits ?
Nous pouvons parler de design collaboratif, mais aussi de processus
de collaboration dans le sens d'un cycle de vie des produits
qui en sont issus. Le design est restrictif à une seule
partie et il s'agit plutôt du PLM collaboratif. L'offre
Dassault s'intègre sans trop de problèmes avec
un ensemble d'outils qui évoluent vers la version 5.
Nous avons fait le choix d'une architecture commune entre les
trois catégories de progiciels, le tout s'appuyant sur
notre infrastructure, ce qui constitue un élément
essentiel.
Pour en revenir aux quatre grands domaines, la stratégie
d'IBM est de faire communiquer tout ensemble grâce à
sa maîtrise d'ensemble de l'infrastructure et des middleware
e-business. Pour chacun de ces quatre grands processus nous
avons donc choisi de tisser des alliances avec les quatre grands
leaders de ces marchés, c'est-à-dire Dassault
Systèmes sur la partie PLM, Siebel pour le CRM, I2 vis-à-vis
du SCM et SAP du côté ERP. Pour ce dernier, certains
parlent de monopole mais en ce qui nous concerne c'est plutôt
un choix. Maintenant, notre idée a été
de choisir les leaders dans chaque domaine, mais cela ne nous
empêche pas de travailler avec les autres.
I2
n'a-t-il pas commencé aussi à s'intéresser
au PLM, ce qui pourrait empiéter sur d'autres partenariats
?
D'une manière générique, tous les grands
acteurs tentent de déborder leur offre au delà
de leur périmètre initial. Nous pouvons même
imaginer dans le futur avoir des offres concurrentes à
celles que je vous ai citées. Le discours b-to-b aura
certainement une certaine difficulté à se faire
comprendre. Notre stratégie est de proposer une offre
très complète. Et le PLM est ciblé par
I2 dans un produit, mais aussi par SAP, ainsi qu'EDS par le
rachat de Hyugi, et DRC. Mais dans ce domaine, nous sommes identifiés
comme le leader et comme l'entreprise qui a défini le
PLM. L'annonce d'EDC nous conforte dans le fait que notre stratégie
est reconnue par l'industrie et que d'autres sociétés
s'y intéressent. N'oublions pas que le marché
des progiciels de gestion du cycle de vie des produits est aussi
important que celui des ERP. En 2001, il pèse de l'ordre
de 18 milliards de dollars et nous détenons autour
de 22 % de parts de marché. En France, cela doit
être de l'ordre de 33 %.
Avec
Dassault Systèmes, pouvez-vous préciser les
domaines d'intervention d'IBM ?
Notre partenariat avec Dassault n'est pas neutre. Ce qu'apporte
IBM est d'abord l'intégration des briques applicatives
de Dassault. Or, nous parlons d'appuyer ces développements
sur des technologies de type Websphere et DB2, qui sont un signe
fort d'intégration applicative en terme d'infrastructure
reconnue dans le monde de l'e-business. De son côté,
SAP vient aussi d'annoncer qu'il s'appuyait sur IBM Global Services
en tant qu'intégrateur. En toute cohérence, nous
souhaitons non seulement avoir une maîtrise parfaite du
PLM en terme d'infrastructure et d'intégration, mais
aussi pour les quatre autres grands domaines.
Le
PLM s'intéresse-t-il également à la gestion
du cycle de vie des services ?
Oui. En ce qui concerne les services après-vente, nous
développons des offres spécifiques. Pour l'instant,
nous en avons deux, l'une pour le secteur de l'aéronautique
et l'autre dans l'automobile. Dans le premier cas, certaines
compagnies aériennes possèdent 1 500 avions
en état de voler plus tous ceux qui doivent être
complètement démontés et remontés.
Elles ont besoin d'affrêter ces avions et de les aménager.
Pour cela, elles ont leurs propres prestataires techniques spécialisés
dans le domaine. Nous donnons à ces entreprises les moyens
qui leur permettent de rénover les différents
avions en tenant compte de tous les paramètres techniques
sur l'objet d'aménagement. Il peut s'agir d'essayer de
caser le plus grand nombre de sièges dans un avion et
de bien disposer des passagers, ou même de garantir le
confort de travail nécessaire dans le cadre de réunions
en vol. Nous élaborons l'offre à destination des
compagnies aériennes qui utilisent des bibliothèques
de matériaux, le tout en tenant compte des problèmes
techniques spécifiques aux avions.
Oui,
mais cela ne rentre pas vraiment dans le cadre du secteur tertiaire
?
Aujourd'hui, nous ne proposons pas de PLM aux entreprises du
secteur tertiaire. Mais demain, pourquoi pas. Rappelons que
l'origine de la gestion du cycle de vie des produits vient de
l'industrie, et de la complexité inhérente en
terme de gestion des pièces et du cycle de vie des données.
Parmi les exemples que nous avons dans le contexte du service
après-vente, nous pouvons citer le fait de monter un
centre d'appels dédié à cette fonction.
Maintenant, je ne sais pas si nous pouvons extrapoler sur la
banque-assurance. Mais une banque dit bien qu'elle vend des
produits. Quant aux éditeurs, leur métier comprend
des domaines techniques avec des ateliers logiciels. Du reste,
nous retrouvons des composants logiciels dans les ateliers mécaniques.
Sur le prix d'un avion, la moitié correspond au système
avionique. Et sur le reste, ce sont des logiciels qui gèrent
tout ce qui correspond au central, à l'inertie, aux radars,
etc. Dans le secteur des biens biens de consommation, à
l'inverse, un certain nombre de produits courants comportent
de l'électronique.
Toutes
les applications actuelles de gestion du cycle de vie des produits
font-elles appel aux technologies Internet ?
Nous nous appuyons complètement sur des technologies
Internet. Pour un diagnostic de véhicule, nous donnons
les moyens de réparer celui-ci en affichant les images
qui sont issues de Catia et qui permettent de visualiser localement
le problème. Il s'agit de technologies entièrement
e-business puisque nous nous appuyons sur WebSphere avec Java,
XML, etc. C'est la base de la stratégie IBM, qui intègre
aussi la maîtrise du middleware avec MQSeries, et de l'infrastructure
Lotus Domino côté applications et Lotus SameTime
côté middleware de gestion de contenus. Sans oublier
la base de données DB2. Nous pouvons par exemple partager
l'écran Catia entre deux sites en utilisant SameTime
pour partager l'application. Sur le même écran,
deux ingénieurs peuvent ainsi collaborer à distance,
en temps réel ou de façon synchrone.
|
Depuis son arrivée chez IBM il y a une douzaine d'années,
Jean-Marc Deshays a développé une large expérience au
sein de la division PLM Solutions auprès des clients industriels
français. En particulier, il a dirigé le pôle automobile pendant
trois ans avant d'être nommé à la tête de PLM Solutions. Avant
de rejoindre le géant mondial des logiciels, matériels
et services, il a travaillé chez Dassault Aviation durant 7
ans en tant que responsable de l'informatique CAO, et de la
stratégie de développement des logiciels embarqués sur Mirage
2000 et Rafale. Jean-Marc Deshays est ingénieur, diplômé de
l'ESIEA (Ecole Supérieure d'Informatique Electronique Automatique).
|
|
|
|
|