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Solutions : à quel type de besoin répondez-vous ?
Gérard Delor :
Nous avons créé Symetrx à partir
d'un constat: les chaînes logistiques sont de
plus en plus morcelées. D'un point de vue économique,
ce morcellement est bénéfique car les
entreprises qui oeuvrent dans ce contexte sont fortement
spécialisées. Elles bénéficient
donc d'économies d'échelle et d'une performance
accrue en terme de contenu. Mais si le client final
achète un produit abouti avec une prestation
complète, l'entreprise qui est la plus proche
de ce client se doit d'intégrer plusieurs modules.
Elle doit donc de plus en plus faire appel à
ses partenaires pour construire une solution globale
afin d'avoir une bonne visibilité de sa chaîne
logistique. Et plus elle se rapproche du consommateur,
plus ce besoin est important. En peu de mots, Symetrx
a été fondé tout simplement du
fait que, dans la situation actuelle, la plupart des
entreprises ont des outils qui ne sont pas conçus
pour collaborer à l'extérieur de leurs
murs.
Ne pensez-vous pas que ce ne sont pas forcément
les outils qui font défaut ?
Au niveau du discours, l'on constate
effectivement qu'un certain nombre d'acteurs disent
pouvoir faciliter la collaboration avec l'extérieur.
Mais
proposent-ils dans leur produit des capacités
de structurer le langage commun par segments verticaux
? Au delà de la technologie, je parle bien du
langage commun au sens du simple véhicule. Je
ne pense pas que ces acteurs relient aussi bien que
nous le sell side et le buy side (les applications côté
vendeurs et côté acheteurs, ndlr) en intégrant
les contraintes de la production. Généralement,
les solutions proposées par les éditeurs
s'adressent soit aux vendeurs, soit aux acheteurs mais
pas les deux sauf de rares cas comme I2 qui est plus
au milieu. Au bout du compte, il faut procéder
à l'adjonction de plusieurs produits et de plusieurs
technologies pour parvenir au résultat complet.
Or, c'est la proposition de notre solution eTango qui
offre une structure de données unique au dessus
d'un modèle unique.
Il s'agit donc d'une question
d'intégration. Mais laquelle ? Pourriez-vous
être plus précis pour nos lecteurs ?
Je pense qu'il est fondamental d'intégrer
les éléments de production. Ce qui gêne
l'entreprise en réseau n'est pas tant d'intégrer
le sell side et le buy side, ce qu'elle parvient assez
bien à accomplir. C'est plutôt l'intégration
avec le back-office qui pose le plus de difficultés.
Car en général, les entreprises ont un
progiciel de gestion intégré qui n'a pas
été conçu pour cela.
Prenons une application typique de notre solution :
le co-branding et le co-marketing dans la grande distribution.
A ma connaissance, il n'existe pas d'autre logiciel
qui puisse aider l'entreprise à construire des
produits co-packagés avec des fournisseurs disjoints,
en assurer la distribution sur le réseau, et
permettre un suivi logistique coordonné du produit
en co-branding ou co-packing. Dans le secteur de l'industrie,
cela demande une certaine coordination entre les différents
sous-traitants.
Le produit est constitué d'un ensemble de services
qui sont soit tournés vers le client, soit vers
le fournisseur, soit vers la modélisation du
savoir interne à l'entreprise. Il faut pour cela
faire intervenir des règles qui peuvent être
des règles de production, des règles de
vente et des règles d'achat. Les services sont
configurables dans des processus grâce à
un outil BPM (Business process management). L'ensemble
est complété par un moteur d'optimisation
comme ceux que l'on retrouve dans le cadre du sourcing.
Mettons qu'une demande soit configurée par un
fournisseur. La requête sera diffusée sur
le réseau de partenaires. Notre système
est capable d'analyser la qualité des réponses,
de les comparer entre elles et de les classer pour les
présenter à celui qui a initié
la requête, soit globalement, soit selon l'une
des trois composantes que sont les délais, les
coûts et le contenu qualitatif du produit.
Entendu. Au delà de
ces arguments qui sont tout de même assez répandus,
quel est l'élément différenciateur
de votre offre ?
Il est très clair que lorsque
l'on écoute le discours de certains acteurs,
il est assez similaire au nôtre. Mais derrière,
l'intégration n'est pas la même. En ce
qui concerne I2, il est indéniable que leur positionnement
sur le marché de la gestion de la chaîne
logistique ne peut pas être remis en question.
Ils ont ensuite évolué vers les technologies
Internet et intégré différents
éléments de leur offre. Mais nous présentons
une grosse différence par rapport à eux,
puisque notre solution fonctionne en peer-to-peer. L'intitulé
de notre produit correspondant dans la suite eTango
est Peer-to-Peer Business Exchange.
Justement, quels bénéfices
l'entreprise peut-elle retirer du peer-to-peer en matière
de collaboration avec ses partenaires ?
L'apport est très important. En
pratique aujourd'hui dans les systèmes d'information
de ce type, les plates-formes s'appuient sur des hubs
(concentrateurs) centralisés sur lesquels il
faut procéder à un travail de réplication
de l'information de l'entreprise. Avec eTango, chaque
entreprise appartient à un réseau. Pour
en revenir au langage commun du sens, nous donnons la
possibilité à l'utilisateur d'établir
des liens non rigides et des liens d'opportunité
quand il formule ses requêtes. En fait, nous avons
voulu reproduire le fonctionnement cellulaire de la
nature, qui n'a rien trouvé de mieux que des
cellules communiquant entre elles pour tenir compte
de la complexité. Le grand avantage est de faire
progresser tout doucement le réseau de partenaires.
Prenons l'exemple d'un constructeur automobile comme
Renault. Dans un premier temps, celui-ci modélise
les cellules de ses fournisseurs ou de ses sous-traitants
les plus importants. Si l'un de ces fournisseurs le
désire, il prend possession de la brique eTango
tout en restant partenaire de Renault. De la sorte,
le système permet à chaque entreprise
de construire son réseau d'affaires et de le
rendre accessible par les autres. C'est pour cela que
nous avons développé une architecture
peer-to-peer. Il est difficile d'imaginer que tout le
monde puisse se raccrocher à un système
central. Et pour que l'entreprise puisse profiter d'un
processus de communication avec tous ses partenaires,
nous avons développé notre propre couche
de communication, car les standards sont en train d'émerger.
Comment résolvez-vous
la question du déploiement de la solution ?
Au départ, il y a un grand compte
comme Auchan qui dit "je veux développer
ma plate-forme de relation avec mes fournisseurs, et
je vais donc commencer par un ou deux qui sont les plus
significatifs". Ceux-ci peuvent prendre la cellule
eTango et continuer à développer le réseau
vers leurs propres partenaires. Et de proche en proche,
nous couvrons ainsi toute la chaîne logistique.
Le grand compte en question
ne va-t-il pas craindre de perdre le contrôle
de sa chaîne logistique ? Et comment percevez-vous
les revenus des licences de la part des fournisseurs
qui rejoignent le réseau ?
L'acceptation de la part du grand compte
ne pose aucun problème car il a tout intérêt
à le faire. Le premier paie une licence et le
surcoût est minimal par partenaire connecté.
Mais quand un partenaire décide de développer
son propre réseau, il doit racheter les droits
à Symetrx. Et il règle avec Auchan ou
Renault les plans en rapport avec leur business. A priori,
le donneur d'ordres ne peut pas empêcher ses partenaires
d'avoir le système qui leur permet de se développer
au mieux. Du reste, il a tout intérêt à
ce que le fournisseur de premier rang soit intégré
avec le fournisseur de deuxième rang et que ce
dernier le soit avec le troisième rang.
Ce que je crois aussi, c'est qu'aujourd'hui ce sont
précisément les systèmes centralisés
qui effraient les partenaires. Ceux-ci sont obligés
de se connecter dessus et ont une appréhension,
justifiée ou non, concernant la perte de leurs
données. Et s'ils participent aux transactions
sur plusieurs places de marché privées
et publiques, il sont obligés à chaque
fois de fournir un effort d'intégration.
Quel modèle de réseau
peer-to-peer mettez-vous en place ? Un modèle
pur entre postes pairs, ou un modèle mixte avec
un serveur de synchronisation ?
Nous avons une approche assez similaire
à celle de Groove. Ce sont des serveurs qui discutent
en peer-to-peer, et c'est donc de serveur à serveur
que se passent les requêtes. A l'intérieur
du serveur se trouve des cellules, chacune modélisant
un partenaire. Il est effectivement important de préciser
ce point car plusieurs possibilités existent
derrière le peer-to-peer.
Pour en revenir au déploiement, un grand donneur
d'ordres peut décider de déployer lui-même
la solution en mode ASP, en décidant de positionner
toutes les cellules chez un fournisseur ASP indépendant.
Mais la structure du peer-to-peer donne aussi la possibilité
au partenaire de construire sont réseau quand
il le décide. Une fois cette décision
prise de s'approprier la brique, le partenaire en question
détache la cellule et l'implante sur une autre
machine. Et comme cela, il peut étendre le processus
de collaboration de proche en proche à l'intérieur
de la chaîne logistique, sans contraintes fortes
sauf le langage commun à la branche auquel il
appartient.
Des "langages communs",
ou spécifications XML verticales, combien en
supportez-vous ?
De ce point de vue, nous développons
graduellement car dans bien des cas les normes ne sont
pas stabilisées en profondeur. Par exemple, RosettaNet
est descendu à un niveau très bas, mais
aujourd'hui tout le monde dit que la norme de base est
ebXML, avec au dessus les spécifications verticales.
Notre approche est de développer des passerelles.
eTango s'appuie sur un vecteur de catalogue intelligent,
et sur un processus de propagation et de concaténation
des réponses aux requêtes. Cette mécanique
de double flux permet de développer des processus
qui vont au delà des RosettaNet et ebXML avec
les standards verticaux. C'est pourquoi nous développons
des passerelles, et c'est ce que font beaucoup d'autres
éditeurs comme nous.
Quel niveau de sécurité
proposez-vous ?
Bien évidemment, nous nous devons
de prendre en compte les problématiques de sécurité,
telles l'authentification forte. Chaque cellule modélise
un partenaire, et chaque partenaire est maître
de son environnement. De fait, il installe ce qu'il
doit installer pour sa sécurité, et c'est
une ouverture que chacun contrôle à son
niveau. Il dispose d'applications configurées
à la demande et propage des requêtes chez
son fournisseur, puis chez le fournisseur de son fournisseur.
Pour mieux comprendre de quoi il s'agit, nous fournissons
l'accès vers un exemple en ligne de configuration
d'un PC (espace démonstration sur le site de
l'éditeur, ndlr).
A présent, quelles
évolutions techniques préconisez-vous
pour eTango ?
Notre première ambition est de
simplifier la problématique d'intégration.
Vis-à-vis des ERP, nous savons qu'il faut encore
rajouter des éléments pour rendre l'entreprise
agile. Et nous savons aussi que la demande réelle
envers le type de produits que nous proposons va surtout
commencer à se faire jour en 2003 ou 2004. C'est
pourquoi nous voulons d'abord travailler sur des projets
pilotes, et ensuite profiter de l'engouement réel
du marché. L'accroîssement de la richesse
fonctionnelle et des capacités d'intégration
sera notre plus forte orientation d'ici là. Nous
voulons évoluer dans ce sens, progressivement
et continuellement.
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