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Solutions : comment définir l'ordonnancement
qui se situe au centre des problématiques d'entreprise
auxquelles vous répondez ?
Jacques Moulinec :
L'ordonnancement consiste à structurer et industrialiser
toutes les parties "batch" d'une exploitation.
Dans une DSI, il faut bien distinguer le département
des "études" qui crée et développe
les applications demandées par la maîtrise
d'ouvrage, de la production informatique qui a plusieurs
buts. Ses principaux objectifs se définissent
par le fait d'insérer des applications sur les
systèmes d'information existants sans perte de
qualité, et de faire fonctionner ces systèmes
au quotidien avec la qualité attendue. Donc l'ordonnancement,
c'est la bonne synchronisation au quotidien de tous
les programmes "batch"
(les tâches répétitives automatisées,
ndlr) de votre informatique.
Prenons par exemple un système d'information
d'une entreprise de la grande distribution. Au quotidien,
des personnes vendent des articles en magasin, et le
soir il faut procéder à la clôture
des caisses, ce qui représente un premier traitement
"batch". Ensuite, une fois que les données
sont envoyées au siège, elles subissent
un certain nombre de traitements liés par exemple
à la consolidation des stocks, la mise à
jour des prix, etc. Et notre produit DollarUniverse
est là pour assumer l'ensemble de la synchronisation
de ces tâches fonctionnelles.
Au global, un ordonnanceur - ou scheduler - est nécessaire
dans toute informatique de taille importante. Que ce
soit au niveau des traitements de nuit, ou de la synchronisation
avec des sauvegardes, il faut pouvoir gérer les
"batch". Le scheduler est responsable du bon
déclenchement de la réplication avec toutes
les fonctions. Voilà pour notre activité
d'éditeur de logiciels. A côté,
notre deuxième ligne de produits est le conseil
auprès de la production informatique, dans le
cadre duquel nous menons des missions d'expertise.
Justement,
quel est le rôle du conseil auprès de la
production informatique ?
Jean-Jacques Parinet vient du conseil
et a démarré cette activité en
même temps que la société. Par la
suite, cette ligne de produits a continué à
vivre. Nous l'avons développée il y a
trois ans car l'organisation dans les productions informatiques
s'est accrue de manière très conséquente.
La production informatique ressemble un peu à
une production industrielle, mais suivant un principe
adapté au traitement de l'information. Il existe
cependant une différence importante entre les
deux, qui représente aussi une forte contrainte
liée à la nature même de l'information.
Dans notre domaine, les outils de production - c'est-à-dire
les serveurs - ont une durée de vie très
courte. Au niveau des équipements de production
dans l'industrie, la durée de vie est généralement
de 10 ou 15 ans, alors qu'elle est de 2 ou 3 ans dans
le monde informatique avec des contraintes internes
très fortes. Pour reprendre l'exemple du monde
industriel, il existe des entités et des méthodes
qui garantissent que le design d'une automobile est
bien compatible avec une production sur les chaînes
de montage, à coût acceptable. De la même
façon en production informatique, l'une des phases
stratégiques est l'industrialisation des applications,
et la garantie qu'elles seront bien exploitables in
fine.
Par conséquent, l'entité de conseil d'Orsyp
a vocation d'organiser la production informatique en
fonction des besoins clients, pour une bonne exploitabilité
du système d'informations.
Pourquoi dites-vous que l'organisation
dans les productions informatiques s'est accrue ces
dernières années ?
Historiquement, les systèmes d'informations
étaient plutôt en back-office des métiers
de l'entreprise, et la qualité de la production
informatique était ressentie par les utilisateurs
internes. Aujourd'hui, avec les mutations d'Internet
et le développement des applications bancaires
et du commerce électronique, le client est en
frontal avec le système d'informations de l'entreprise.
C'est l'une des évolutions majeures depuis deux
ou trois ans. L'enjeu est aujourd'hui d'être stable
et robuste vis-à-vis du client de l'entreprise,
et c'est un enjeu de pur business. La production informatique
est passée d'un poste de charge à un avantage
compétitif, à condition qu'elle soit performante.
Si le site Web s'arrête, les internautes vont
sur un autre site. Donc la situation actuelle reflète
à la fois une stabilité et une forte évolution.
D'autre part, il y a aussi eu une course à l'innovation
sur les premiers sites et notamment les applications
bancaires. Les enjeux des productions informatiques
ont alors été de faire savoir évoluer
un site à un rythme hebdomadaire, d'y insérer
régulièrement de nouveaux applicatifs
et de nouvelles fonctions, sans pour autant perturber
la qualité perçue par l'internaute. Tout
cela est possible, mais seulement avec une bonne gestion
du processus de versioning (gestion des versions) et
de la configuration du système d'informations.
Un autre exemple intéressant est celui de l'évolution
des productions informatiques chez les telcos (opérateurs
de télécommunications). Les opérateurs
mobiles exploitent une application de gestion de la
facturation qui se déclenche dès que l'usager
commence à téléphoner. Il faut
pour cela maintenir une connexion avec le système
d'informations qui trace le temps. Cette application
a droit à zéro défauts, sinon c'est
le réseau mobile de l'opérateur qui s'arrête,
avec des pertes énormes. Or, quand vous regardez
la courbe des ventes de mobiles en France, il fallait
être capable, quand on était opérateur,
de multiplier par deux en quelques mois la capacité
de volume de son système d'informations. Les
DSI devaient donc faire "fois 2" sans aucune
perte de qualité. La production informatique
a aujourd'hui des contraintes énormes que sont
la stabilité et la robustesse de son système
d'informations, une forte qualité de service,
et une réactivité intense.
Quelles sont les principales
idées reçues auxquelles vous devez faire
face à propos du domaine dans lequel vous intervenez
?
Pour des raisons historiques, je dirais
que c'est d'abord le discours selon lequel la robustesse
serait le socle majeur de la culture d'une production
informatique. Aujourd'hui, la flexibilité de
l'organisation et l'adaptabilité deviennent des
enjeux aussi majeurs du fait de l'agilité demandée
aux entreprises. Ensuite, les productions informatiques
ont longtemps été vues comme des postes
de charges et de coûts. Mais aujourd'hui, cette
idée reçue est en train de voler en éclat.
Selon vous, la qualité
de service parfaite est-elle une utopie ?
Effectivement aujourd'hui, en plus des
aspects que je viens de vous mentionner, l'on commence
à constater en terme d'idées reçues
une tolérance nulle aux pannes et un zéro
arrêt de la production informatique. En même
temps, cette considération est de plus en plus
permise, et ce pour deux raisons. D'une part, les constructeurs
et les éditeurs ont fortement progressé
dans ce sens. Mais le zéro défaut à
l'obtention de service n'est possible que si les départements
de production informatique ont une organisation adaptée.
Par rapport à cela, la réponse ne vient
pas uniquement de la technique, ni des méthodes
et des process, ni uniquement des hommes. Ce sont les
trois qui doivent fonctionner ensemble. Les outils ne
suffisent pas pour assumer tout le travail afin de fournir
le meilleur service. Ils sont indispensables, mais l'organisation
interne et la normalisation applicative le sont également.
Quels dysfonctionnements rencontrez-vous
le plus souvent au cours de vos missions de conseil
?
La première source d'erreur touche
à la communication entre les départements
d'études et la DSI. La compréhension peut
parfois être difficile, car un département
d'études doit répondre à des demandes
de réalisations fonctionnelles exprimées
par la maîtrise d'ouvrage. Vis-à-vis de
la production informatique, l'enjeu est de garantir
que l'ensemble sera stable une fois en production. C'est
un peu une image d'Epinal illustrant l'organisation
informatique. L'un des points cruciaux pour améliorer
cette communication est d'avoir au sein des productions
informatiques des chefs de projet qui sachent partager
les préoccupations des groupes d'études.
Et qui sachent aussi remonter en amont sur les préoccupations
des utilisateurs en matière de niveau de service,
afin d'être capable de les transmettre aux productions
informatiques. Nous mettons de plus en plus en place
ce schéma dans les entreprises.
Arrive-t-il que les deux entités
s'ignorent mutuellement ?
Sans aller jusque-là, il existe
dans certaines directions informatiques un balancier
très fort orienté vers les études,
avec parfois des chefs de projets et des développeurs
qui vont jusqu'à exploiter un applicatif au quotidien.
Le matin en arrivant, ils regardent si les "batch"
se sont bien passés, si les traitements ont été
effectués, si tout va bien au niveau de la base
de données, etc. Ce n'est pas du métier
de développeur, et pendant ce temps-là
ils ne développent pas. Cela a donc tendance
à diminuer la productivité des groupes
d'études. Il nous est arrivé de trouver
des organisations de ce type. Le remède mis en
oeuvre a été la création de cellules
d'industrialisation et la mise en place de groupes d'études
focalisés sur les développements.
Maintenant, j'ai aussi vu des situations concrètes
où le fait de ne pas avoir pris en compte les
conditions d'exploitation avait pour conséquence
le fait que le constat d'échec n'était
pas réalisé sur le pilote. Parfois au
niveau du pilote, l'on pouvait voir que la montée
en charge ne serait pas possible au final, mais rien
n'a été fait. Des éléments
peuvent être négligés, et le risque
que l'architecture ne soit pas la bonne apparaît
généralement dès le pilote. J'ai
eu l'occasion de constater ce problème dans le
domaine bancaire. Il a fallu tout un travail très
coûteux de réingénierie de la solution,
et d'autant plus coûteux qu'il a fallu l'accomplir
en aval et en urgence pour sauver un investissement
déjà réalisé. Certains pourront
répondre à cela qu'il existe une autre
solution : augmenter l'investissement sur la taille
des serveurs. Mais ce n'est qu'un pis-aller. Tout comme
les volumétries doivent être anticipées,
le fait que l'ensemble puisse être supervisé
à moindre coût fait partie de ce qui doit
être prévu d'avance.
Lire
la seconde partie de l'interview
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