La publication papier a son tryptique: Quark Xpress, Photoshop
et Illustrator. Adobe y est déjà bien positionné
avec ses deux outils de conception graphique et vise à
conquérir la totalité du marché avec
son nouvel outil de Pao InDesign. Pourtant la firme américaine
ne compte pas s'arrêter là et se verrait bien
leader de l'édition Web. Stratégie "e-paper",
site communautaire, la conquête du marché électronique
se fera-t-elle d'un coup de baguette magique ?
Propos recueillis le 16 octobre 1999 par
Gaëlle Hassid
et Alain Steinmann
JI: Votre venue en France s'explique
par la refonte de vos sites, quoi de neuf ?
Le site adobe.com
a été pensé pour les utilisateurs de nos outils. A partir
de la page "support" du site, ils bénéficient d'un accès
immédiat et illimité aux solutions trouvées pour les problèmes
connus, aux procédures de dépannage et à des techniques
de travail particulières. Nous mettons à la disposition
des utilisateurs des mises à jour, des filtres, des gestionnaires,
des rectificatifs, etc. Les internautes peuvent également
enregistrer en ligne beaucoup de produits Adobe au moment
de l'installation.
JI:
Vous êtes tenté de devenir le site de communauté
des professionnels de la publication ?
Oui,
l'originalité de la refonte est basée sur le concept de
portail : nous voulons créer une communauté d'utilisateurs
avec des rubriques telles que training et partners. Nous
avons articulé notre site autour de quatre sections : Print
pour les graphistes et professionnels de l'impression, Web
pour les spécialistes de la publication en ligne, Motion
pour les créateurs multimédia et de vidéos numériques, et
ePaper pour tous ceux qui utilisent Acrobat Reader et le
format PDF dans leur activité de e-commerce.
Chaque section permet d'accéder aux dernières nouvelles,
à des informations sur les événements et à divers articles
d'opinion. L'autre grande nouveauté est le site activeshare.com
destiné aux amateurs de gestion d'images grand public (stockage,
échange, etc.). On peut également acheter en ligne
tous les logiciels et les mises à jour.
JI:
Le site français suivra-t'il la même voie ?
Le site Adobe.com sera décliné en plus 19 langues d'ici
Noël 99. Actuellement, l'ensemble des sites Adobe enregistrent
plus de 9 millions de visites par mois, c'est plus que Etrade
US par exemple.
Nous ne voulons pas traduire le site américain en plusieurs
langues mais le décliner en lui donnant une couleur locale,
plus d'un quart de nos revenus proviennnt des ventes hors
Etats-Unis. La France fera partie du peloton de tête
des sites localisés.
Quelles
sont les solutions e-business apportées par Adobe ?
Notre société crée des solutions destinées aux créateurs
Web et graphistes, professionnels de l'édition, utilisateurs
en entreprises et grand public. Les logiciels Adobe permettent
de créer, publier et diffuser des images et documents de
haute qualité sous forme imprimée et électronique. Les entreprises
doivent absolument différencier leur offre. C'est pourquoi
Adobe Indesign, Adobe Golive, Adobe Photoshop et Adobe Illustrator,
associés à d'autres logiciels Adobe, forment un environnement
de création complet pour le professionnel du web. La version
française de Adobe Indesign est disponible depuis septembre,
à un tarif préférentiel jusqu'au 31 décembre.
Votre
nouveau cheval de bataille s'appelle e-paper. Qu'est-ce
donc ?
Il
s'agit de solutions de conversion du papier vers le numérique
et du numérique vers le papier qui simplifient les activités
des utilisateurs. Les solutions ePaper d'Adobe permettent
d'intégrer des hyperliens et du texte acceptant les recherches
pour faciliter l'ajout de références croisées et l'archivage.
Acrobat Reader [qui permet de lire les fichiers produits
par Adobe Acrobat au format pdf, ndlr] a été
distribué gratuitement à 110 millions de
personnes. Et la version payante, qui permet de concevoir
ces documents, a généré 130 millions
de dollars de chiffre d'affaires.
C'est
la fin du papier ?
Nous
pensons au contraire que ce n'est pas la fin: il y a une
évolution du papier mais ce n'est pas une révolution.
Nous avons mis au point deux nouvelles technologies Adobe
destinées au marché émergent de l'e-book. Car, tout le
monde parle du marché de la musique avec le format MP3
mais celui de l'e-book est 5 fois plus important. Le week-end
dernier, nous avons annoncé la disponibilité des versions
préliminaires de Adobe PDF Merchant et Web Buy (une fonction
d'Acrobat Reader). Ces technologies permettent aux éditeurs,
distributeurs, revendeurs de diffuser et mettre en vente
des contenus électroniques sur Internet. Cela vise à accélérer
l'adoption des livres électroniques et l'utilisation de
documents électroniques au sein de l'entreprise et chez
le consommateur.
Côté
consommateur justement, vous avez tenté une incursion
dans le marché grand public familial. Pour quels
résultats ?
Les outils Adobe sont plus particulièrement
destinés aux professionnels. Cela étant, tous nos outils
sont aussi bien adaptés aux professionnels qu'au grand
public. Le site Adobe activeshare.com
et le logiciel ActiveShare sont des solutions pour le
grand public. Ils seront accessibles à tous dès le début
de mois d'octobre 99. Adobe ActiveShare sera également
livré avec divers appareils photo numériques. Mais nous
préférons ne pas nous disperser. Le marché
grand public est difficile à conquérir:
il demande beaucoup de marketing et est très volatile.
Nous resterons centrés sur les professionnels.
Quelle
est votre stratégie marketing, la publicité en
ligne vous tente ?
Nous avons demandé au studio de création Method, Inc.
de San Francisco de réaliser deux sites pour une nouvelle
campagne de publicité. Il s'agit en fait de deux publicités,
l'une mettant en scène une grand-mère à vélo au sommet
d'un pont suspendu, et l'autre un groupe de personnages
portant des cravates en flammes. Aucun texte à lire sauf
les adresses URL respectives des deux mini-sites créés
par Method : smashstatusquo.com
et defytherules.com.
Ces deux mini-sites servent à leur tour de vitrines pour
les logiciels de création Web d'Adobe. Nous dépensons
entre 30 à 60 millions de francs en publicité en ligne.
Comment
l'Europe et la France en particulier accueillent les outils
Adobe ?
Très
bien. Par exemple, Adobe Golive enregistre plus de ventes
en Europe qu'aux Etats Unis. Ce logiciel représente tout
même 10% de nos ventes. La France accueille très bien
les solutions Adobe; pour preuve: 800 copies d'InDesign
ont été distribuées à Apple
Expo.
Le
bilan financier d'Adobe n'était pas terrible l'année
dernière. Et aujourd'hui ?
En effet, l'année dernière a été une mauvaise
année pour Adobe. Les causes sont liées, d'une part, à
la crise asiatique (les revenus provenant des ventes asiatiques
ont baissé de 28%) et d'autre part, à la baisse des revenus
de licence.
Nous avons donc dû procéder à une restructuration interne.
Nous avons fait le pari à nos investisseurs et à nos actionnaires
de ramener la société à un bon niveau. Aujourd'hui, le
chiffre d'affaires du troisième trimestre de 99 est en
augmentation de 20,6% par rapport à celui de l'année 98.
Le résultat net est passé de 152 000
dollars au troisième trimestre de l'année dernière à
57,2 millions de dollars cette année.
Comment
se porte votre cours de Bourse ?
Il
y a un an, la valeur de l'action Adobe sur le Nasdaq [marché
des nouvelles technologies américaines, ndlr] était
au prix de 20 dollars. Un an après, le cours de l'action
a grimpé à 120 dollars. Et ce n'est en rien une action
surévaluée comme certaines du Nasdaq. Nous affichons vraiment
un résultat net positif en croissance.
A
quoi est due cette forte reprise, voire cette forte
croissance ?
C'est sans aucun doute dû à l'étendue
des l'offre de solutions de publications Web ainsi qu'au
lancement ce trimestre d'Adobe Photoshop 5.5. De plus,
Adobe a lancé son nouveau programme de mise en page
professionnel Adobe InDesign.
Quelles
sont les prévisions pour l'année prochaine ?
Notre
plan d'activité préliminaire pour l'an 2000 prévoit
une hausse de 20 % du chiffre d'affaires par rapport
à celui de 99, et une hausse de 30% de la marge d'exploitation.
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