Fondée en 1987 par Pierre Haren, Ilog est parvenue
depuis à se hisser parmi les 10 premiers éditeurs
français. Cotée au Nasdaq et au nouveau marché,
cette entreprise quasi franco-américaine s'est spécialisée
dans les composants logiciels de visualisation et d'optimisation
en environnements distribués. Avec un chiffre d'affaires
de 64 millions de dollars en juin 1999, Ilog compte
actuellement près de 470 collaborateurs dans
7 pays.
Propos recueillis le 6 mars 2000 par François
Morel
JI:
A qui s'adressent les solutions d'Ilog ?
Pierre Haren : Notre liste de clients est unique
et comprend tous les acteurs du SCM (supply chain management
ou gestion de la chaîne logistique) comme JD Edwards,
SAP et Baan. La somme de leurs parts de marché représente
plus de 90 % du secteur. Nous sommes les moteurs du
SCM au niveau mondial. Ces entreprises s'appuient sur nos
composants d'optimisation et nos moteurs de règles
pour leurs plates-formes e-business. Notre deuxième
marché par ordre d'importance est le secteur des
télécommunications. Les 10 plus grands
équipementiers et les 10 principaux opérateurs
mondiaux utilisent nos composants de visualisation notamment
pour faire de l'affichage de réseaux télécoms.
Les
composants sont répartis dans des environnements
distribués. Ces architectures vont-elles se démocratiser
?
Il
n'y aura bientôt plus d'environnements non distribués,
sauf peut-être les assistants personnels (PDA) qui
peuvent toutefois être connectés. L'avenir,
c'est ça. Et c'est là que Linux a un avantage,
car ses serveurs sont plus performants. Nous sommes très
intéressés par des actions à mener
avec les éditeurs de cet OS qui sont tous américains.
Nous avons par ailleurs des accords avec Iona Technologies
et BEA Systems qui fabriquent des middleware et des serveurs
d'applications. Nous travaillons aussi avec Microsoft, tout
en étant très actifs au sein du W3C (World
Wide Web Consortium).
Qu'est
ce qu'un middleware ?
Quelque
part, un middleware fait des choses incompréhensibles,
mais qui apparaissent de plus en plus clairement grâce
à des services comme ceux de BEA Systems. C'est,
en quelque sorte, la grande revanche du mainframe. L'aspect
transactionnel est la garantie de l'intégrité
de millions d'interactions avec des milliers d'utilisateurs.
Les moniteurs transactionnels sont compliqués à
fabriquer, tout
en étant assez proche du hardware, et sont
en général laissés à des spécialistes.
Cela justifie de recourir à de gros ordinateurs,
plus fiables et plus sécurisés.
Un
middleware universel, pensez-vous que cela puisse exister
?
Le
middleware, c'est la colle. Et la colle, cela dépend
de ce qu'on colle. Il n'y a pas de colle universelle. C'est
un problème plus compliqué car même
l'affichage ne s'appuie pas toujours sur des standards fixes.
Ne
faudrait-il pas plutôt des normes pour communiquer
entre les applications ?
Au
dessus du moniteur transactionnel, on trouve des protocoles
d'échanges de données. Certainement, avec
XML, le W3C va imposer une norme. Le monde aura toujours
besoin de l'aspect transactionnel, et aussi de savoir gérer
des protocoles de communication qui passent par des normes
de représentation neutres. La complexité intrinsèque
dicte une attitude de mécano. Très peu d'entreprises
n'ont pas une stratégie XML même si certaines
choisissent aussi le transactionnel.
La
norme Corba est-elle toujours d'actualité dans les
environnements distribués ?
Il
s'agit peut-être d'un pas en arrière. A un
moment donné, on a fait passer des vessies pour des
lanternes en affirmant que la distribution des objets à
travers Corba éliminerait tous les problèmes
et constituerait la norme ultime pour la communication.
Mais ensuite, XML est arrivé avec la possibilité
de définir le protocole de communication. C'est tout
de même un peu plus flexible que Corba.
Quelle
est votre stratégie vis-à-vis du langage XML
?
Nous
sommes à fond dedans, notamment en tant que membre
des comités de normalisation des règles. Par
certains côtés, XML est un élément
de la stratégie d'organisation de tous nos modules.
Au niveau de la recherche et du développement, Ilog
réalise un gros investissement en développant
sur XML et XSL. Cela permettra de masquer un peu de cette
énorme complexité qui arrive. De plus, avec
les nouveaux développements autour de XSL, nous avons
maintenant un outil de haut vol pour la traduction de formats.
Comment
ces technologies complexes vont-elles s'insérer dans
notre quotidien ?
Nous
vivons dans un monde passionnant qui se vide de sa complexité.
Il y a eu d'énormes progrès dans le fait de
masquer celle-ci aux utilisateurs. Chacun croit avoir son
propre logiciel, et pour cela, il y a un peu de complexité
à résoudre. Lorsque je vois mes enfants, notamment
mon fils qui joue en réseau sur le Web, je me dis
que nous avons vraiment réussi. Dans le jeu en réseau,
tout un ensemble de couches d'informatique sont mises à
disposition du grand public. Et que TCP/IP, qui est un protocole
asynchrone, arrive à faire ça, je trouve cela
formidable. Et ce n'est pas fini. Nous avons une deuxième
vague d'extraordinaires progrès qui se prépare,
ce qui justifie l'enthousiasme boursier des américains.
Quels
sont les indices de cette deuxième vague ?
L'émergence
des "Click & Mortars", les acteurs qui viennent
des industries traditionnelles et qui arrivent sur le net
pour offrir des services étendus. En France, nous
ne sommes pas mauvais de ce côté-là,
avec des sociétés comme Vivendi qui ont une
attitude très agressive vis-à-vis des nouvelles
technologies pour leurs propres clients. Les exchanges (les
plates-formes e-business B-to-B), sont aussi
un pas monstrueux en faveur de la mondialisation. Il s'agit
peut-être de l'indicateur le plus majeur que l'on
aie eu récemment. Pour nous, c'est tout bénéfice,
car cela crée un mouvement vers la gestion de la
chaîne logistique.
A
la fois polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées,
et diplômé du fameux MIT (Massachusetts Institute
of Technology), Pierre Haren a travaillé en tant
que chercheur responsable dans des organisations gouvernementales
avant de fonder Ilog avec Jérôme Chailloux
en mars 1987. Chef de la mission de la recherche au ministère
de la Mer de 1980 à 1983, il assume le rôle
de chef du projet Smeci à l'INRIA de 1983 à
1987. Marié et père de 2 enfants, Pierre
Haren passe aujourd'hui la moitié de son temps aux
Etats-Unis pour les affaires, et l'autre moitié en
France.