Nos
entreprises fourmillent de brillants Ingénieurs capables
de mettre au point des systèmes technologiques de qualité.
Hervé Seyriex nous avait pourtant prévenus depuis longtemps
: "la première métamorphose de l'entreprise pour le
passage à la qualité, c'est de s'intéresser davantage
à son marché qu'à son nombril, à ses clients qu'à ses
machines".
Que
la vie serait plus simple si on n'avait pas à se prendre
la tête avec les caprices de nos clients ! Hélas, mondialisation
et déreglementation des marchés contribuent à accroître
la concurrence. Les produits se banalisent, le client
devient plus volatil (nous sommes à l'heure de la "zap
generation"). Désormais, la croissance des profits passe
par la fidélisation tout en cherchant à optimiser les
coûts des ventes.
Le
canal traditionnel que constitue depuis des décennies
l'organisation commerciale classique (réseaux d'agences,
ingénieurs commerciaux) coûte cher. On la réserve donc
aux prestations à forte valeur ajoutée, à la pénétration
des nouveaux marchés, au lancement de nouveaux produits,
à la conquête des grands comptes, aux relations avec
les entreprises. Le sort du client individuel, pour
sa vie privée ou dans un contexte professionnel, est
tout autre : on le confie aux bons soins du fameux "service
client" chargé de gérer les relations courantes et surtout
de développer, au moindre coût, le chiffre d'affaires.
Les
nouvelles technologies de l'information (intégration
téléphonie/données, Internet, mobiles...) ont contribué
à la mise en place de solutions qui ne laissent plus
aucune part à la relation humaine. Michael Dell fut
un précurseur en la matière. Il affirmait en 2000 que
"l'intégration du phénomène Internet constituerait le
principal facteur de succès pour tous les secteurs d'activité".
Objectif
et réalité
Même
si la bulle s'est dégonflée, les entreprises se sont
ruées sur ce nouveau levier de compétitivité en engageant
des projets de CRM : fournisseurs de biens d'équipement
ou de consommation, transporteurs, opérateurs de services
d'infrastructure (télécoms, TV, eau, électricité), distributeurs,
banques, assurances... Incontournables il y a quelques
années, ces projets sont aujourd'hui remis en cause
! Pourquoi ?
L'objectif
affiché au départ était d'augmenter les ventes auprès
de clients qui rapportent, c'est-à-dire les clients
les plus fidèles. Objectif louable mais ambitieux qui
s'est avéré difficile à tenir. Hélas pour les éditeurs
de progiciels et prestataires de services informatiques,
le développement d'une entreprise ne repose pas uniquement
sur les technologies de l'information.
Dans
un second temps, on s'est replié sur des objectifs plus
faciles à atteindre : ouvrir de nouveaux canaux de vente
, avec les sites web marchands, faciliter l'initialisation
de nouveaux contacts, grâce à l'e-mail marketing ou
au SMS, commercialiser de nouveaux services, avec le
web payant ou la taxation des appels aux centres de
support clients. Et qu'a-t-on constaté ? Que la logistique
ne suivait pas la prise de commande en ligne. Que la
sécurité des transactions n'était pas toujours garantie.
Que les prospects refusaient de lire des mails inopportuns.
Que les "services clients" étaient difficiles à joindre
et n'apportaient, dans la plupart des cas, aucune valeur
ajoutée. Que les différents canaux d'échange n'étaient
pas synchronisés pour répondre aux attentes du client.
On cherchait à satisfaire le client, on l'a mécontenté
!
L'intelligence,
ingrédient essentiel
Faut-il
pour autant tout abandonner ? Ne devrait-on pas s'inspirer
de quelques "success stories" bien réelles (services
d'assistance, ventes par correspondance, quelques rares
services de support). La relation client ne se banalise
pas, elle se personnalise et se traite dans la continuité,
en intégrant désormais sur différents canaux de communication.
La
personnalisation suppose un ingrédient essentiel : l'intelligence
(au sens anglo-saxon du terme qui signifie "renseignement")
! On analysera les informations dont on dispose avant
d'agir. On évitera ainsi de proposer un service à un
prospect qui en bénéficie déjà. On initiera un contact
en connaissant l'existence d'un litige récent. On évitera
au client de répéter plusieurs fois sa situation à différents
opérateurs. On proposera une offre appropriée à la situation
et au profil du client. On lui expliquera clairement
son intérêt personnel à répondre favorablement à une
sollicitation. Bref, on mettra de la valeur dans l'échange.
La
continuité consiste à éviter les ruptures dans le traitement
d'un évènement, qu'il s'agisse d'une réclamation ou
d'une commande. On évitera de cloisonner les systèmes
(marketing, ventes, support clients). On offira au client
la possibilité de s'informer sur la progression du processus.
On l'alertera si l'engagement initial ne peut être tenu.
On clôturera toute opération par une enquête de satisfaction.
Telles sont les conditions qui permettront de fidéliser
le client sur le long terme. Dans une conjoncture difficile,
face à une concurrence mondiale, ce n'est pas un luxe,
c'est une nécessité. Au delà des technologies, qui existent,
faisons preuve d'imagination sur les solutions d'organissation
et l'adaptation des comportements.
Disponibilité
(?) et réactivité (?)
En
dépit des recommandations de tous les gourous du management
depuis une bonne quinzaine d'années, certaines entreprises
ignorent encore le profil de leurs clients. Illustrons
ce propos par une expérience vécue. Abonné d'un service
de télécommunication mobile depuis 1994, pour un usage
essentiellement professionnel, j'exerce un métier qui
exige notamment mobilité et accessibilité. Mon téléphone
portable et ma liaison Internet haut débit constituent
désormais les seules infrastructures indispensables
au développement de mes activités. Ceux qui n'ont jamais
connu le statut de travailleur indépendant imaginent
peut-être difficilement combien notre sort est lié à
la qualité de ces deux services.
Peut-on
imaginer un seul instant qu'un professionnel se hasarde
à rompre un cordon ombilical qui le relie à ses clients
en refusant de régler 50 euros TTC par mois ? Les opérateurs
de télécommunications sont soumis depuis quelques années
à une concurrence impitoyable. Il en est de même pour
les consultants, surtout à l'époque actuelle. Nos clients
sont exigeants et ils ont raison de l'être. Pour mériter
leur confiance, nous devons notamment faire preuve de
disponibilité et de réactivité.
Hélas,
disponibilité et réactivité ne semblent pas guider le
fonctionnement de certains. On peut être abonné depuis
neuf ans et rester inconnu des systèmes installés dans
les agences commerciales ! On peut être victime de coupure
injustifiée parce que le service client s'octroie un
mois pour traiter une lettre justifiant des règlements.
Inutile d'adresser une réclamation au directeur du service
client. Inutile d'envoyer des mails via le serveur web
. Tout cela est ignoré. Seuls comptent les appels téléphoniques
à 0,34 euro la minute, à condition que vous ayez patienté
suffisamment longtemps à travers les dédales d'un audiotel.
Si
l'on en croit Lao Tseu, "les grands voyages commencent
par un pas". Ce premier pas pourrait consister à diffuser
à tous responsable d'un service client l'excellent ouvrage
"Service Compris", publié voici déjà plus de quinze
ans.
[jpansard@noos.fr]
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