La fin de Google n'est clairement pas pour demain !

Depuis plusieurs mois, un récit captivant circule dans le milieu tech/marketing : l'idée selon laquelle l'IA générative, incarnée par des outils comme ChatGPT, annoncerait la fin imminente de Google.

Google face à l'IA générative : un récit séduisant mais simpliste

Séduisant par son évocation d'une rupture technologique, ce récit fait miroiter une confrontation moderne de David contre Goliath, nourrissant ainsi notre désir profond d'innovation et de bouleversement. Pourtant, si ce scénario paraît crédible à première vue, la réalité observée est nettement plus complexe et nuancée. Certes, l’IA générative transforme nos façons de travailler. ChatGPT s’est imposé comme un outil incontournable pour des millions de professionnels. Mais selon une étude récente de SparkToro et Datos, loin de s’affaiblir, Google affiche au contraire une croissance exceptionnelle.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2023 et 2024, Google a enregistré une hausse de 21,64% du volume total de recherches, passant à 15 milliards de requêtes par jour, soit une augmentation quotidienne équivalente à huit fois le trafic total actuel de ChatGPT. Une performance d’autant plus remarquable que cette expansion arrive précisément au moment où beaucoup annonçaient la chute du géant américain.

Comment expliquer ce paradoxe apparent ? D’abord, Google n’est pas resté passif face à la montée de l’IA générative. Loin d’être une victime, il a intégré l’intelligence artificielle au cœur même de ses résultats de recherche, avec notamment les « AI Overviews ». Comme l’explique Sundar Pichai, PDG d’Alphabet, ces réponses intelligentes n’ont pas réduit les recherches, elles les ont multipliées. Google a ainsi transformé une menace potentielle en opportunité concrète.

De plus, Google continue sa pénétration massive à l’échelle mondiale. Alors qu’en Occident on débat de la pertinence de ChatGPT, des centaines de millions de nouveaux internautes découvrent le web via Google en Inde, en Afrique ou en Asie du Sud-Est. L’omniprésence du moteur américain dans les systèmes d’exploitation Android, le navigateur Chrome et les assistants vocaux lui confère une avance difficilement rattrapable par ses concurrents directs.

ChatGPT, complément plutôt que concurrent

Qu’en est-il donc de ChatGPT ? Avec 125 millions de prompts quotidiens, son adoption rapide est indéniablement impressionnante. Pourtant, en matière de recherche pure, ChatGPT traite environ 37,5 millions de requêtes par jour, soit à peine 0,24% du marché total dominé par Google (88,6%). ChatGPT excelle surtout sur des tâches intellectuelles complexes, telles que la création de contenu, la structuration d’idées ou la programmation informatique. Google, lui, reste incontournable pour les requêtes transactionnelles, immédiates et locales (« restaurant à proximité », « météo demain »…). Les deux outils sont ainsi complémentaires plutôt que concurrents directs.

Certes, le paysage évolue rapidement : Perplexity multiplie son usage par dix en un an, et chaque mois voit émerger de nouveaux acteurs. Mais la disruption prend du temps. L’exemple des smartphones face aux téléphones mobiles classiques nous rappelle qu’un basculement technologique ne s’effectue pas du jour au lendemain. Google bénéficie ainsi d’une marge considérable pour s’adapter, et il le fait déjà.

Un nouveau paradigme économique et philosophique s’installe peu à peu

Toutefois, une transformation plus subtile s’opère actuellement : le modèle économique même de Google est en pleine évolution. Les « AI Overviews » marquent un changement majeur dans l’expérience utilisateur, puisque Google ne renvoie plus uniquement vers des sites tiers, mais propose directement des réponses. Si cette évolution améliore le confort des utilisateurs, elle bouleverse en profondeur l’écosystème du web. Certains sites observent une baisse drastique de leur trafic organique, et même la performance des annonces payantes décline légèrement.

Face à ce nouveau paradigme, les acteurs du web doivent impérativement repenser leur stratégie. Il ne s’agit plus seulement de nourrir Google en espérant recevoir du trafic en retour, mais de construire des audiences directes, diversifiées, et de créer une valeur ajoutée indépendante du seul référencement naturel.

En somme, la fin de Google n’est pas pour demain. La réalité actuelle, riche et complexe, montre plutôt une coexistence fructueuse entre l’IA générative et les moteurs traditionnels, chacun occupant un espace bien défini du marché. L’erreur serait de croire que tout change brutalement ou que rien ne changera jamais.

Nous assistons simplement au début d’une mutation profonde, lente mais inexorable. Dans ce contexte, les gagnants ne seront pas nécessairement les plus innovants technologiquement, mais ceux capables de s’adapter rapidement à ces nouvelles règles du jeu.