Pourquoi les directeurs financiers préfèrent une IA "ennuyeuse" mais fiable

Les directeurs financiers préfèrent une IA fiable et prévisible à une IA autonome mais imprévisible.

L’essor des agents IA est rapide. Aujourd’hui, seulement 6 % des responsables financiers les utilisent, mais 38 % comptent le faire d’ici un an, selon Wolters Kluwer (mai 2025). Or plus l’autonomie progresse, plus la question du contrôle devient cruciale, surtout dans un domaine où chaque décision engage responsabilité, conformité et précision. 

L’exemple du Project Vend avec Claude, l’agent IA d’Anthropic l’a d’ailleurs démontré : autonome, brillante… et désastreuse.

Une IA autonome… et incontrôlable

Fin juin 2025, Anthropic a lancé une expérimentation audacieuse. Son modèle d’intelligence artificielle, Claude Sonnet 3.7, a été placé à la tête d’une micro-boutique en ligne, avec une mission : gérer seul l’ensemble des opérations commerciales. Fixation des prix, remises, traitement des commandes, relation client… Claude avait carte blanche.

Le résultat fut aussi fascinant qu’inquiétant : remises à tout-va, prix fixés en dessous du coût de revient, méthodes de paiement inventées, et au final, un magasin mené à la faillite par excès de créativité.

Cette démonstration souligne une question essentielle pour les entreprises : que se passe-t-il lorsque l’autonomie de l’IA n’est pas encadrée ? Dans un univers commercial, cela peut se traduire par des pertes. Mais dans une direction financière, l’impact peut être bien plus grave : erreurs comptables, manquements réglementaires, et perte de traçabilité.

Pas d’improvisation dans la Finance

L’IA s’invite désormais au cœur des processus métier, y compris les plus sensibles. Mais la question n’est plus de savoir si elle peut être utile, c’est de savoir si elle peut être fiable, notamment quand elle touche à des domaines aussi critiques que la finance.

L’expérience a montré à quel point une IA peut être inventive, mais aussi inapte à intégrer les logiques économiques fondamentales. Claude n’a pas mal agi : il a simplement agi sans conscience du résultat. Il a automatisé… sans comprendre ce qu’il faisait. 

Ce que recherchent aujourd’hui les directeurs financiers, ce n’est pas une IA qui prend des initiatives. Ils n’ont pas besoin d’un agent “génial” qui promet de tout révolutionner. Ils ont besoin d’un assistant fiable, répétable, silencieux et surtout irréprochable. L’IA doit être capable d’accomplir des tâches bien définies, avec une précision constante, et avoir un comportement parfaitement prévisible. Autrement dit, l’IA devient « ennuyeuse », mais sa fiabilité est inattaquable.

Le déterminisme comme garantie de confiance

Selon l’expert Jiquan Ngiams, cofondateur et CEO de Lutra AI, « des systèmes fiables et déterministes seront bien plus désirables que des agents tape-à-l’œil qui visent à tout faire ». Ainsi, l’enjeu n’est pas d’imiter l’intuition humaine, mais de reproduire une logique métier sans erreur.

C’est dans cette perspective que l’IA trouve sa vraie valeur : lorsqu’elle automatise les tâches fastidieuses qui mobilisent du temps humain inutilement, tout en respectant les règles. 

Le traitement des factures fournisseurs, par exemple, peut être accéléré par des agents capables de générer automatiquement les factures et de prédire les bons codes comptables avec une précision supérieure à 90 %. Ce genre de solution n’est pas spectaculaire certes, mais elle fonctionne. Et c’est précisément ce qui la rend précieuse.

Innover, oui. Mais sous contrôle.

Il ne s’agit donc pas de refuser l’innovation, mais de l’encadrer. L’agent financier du futur ne sera pas un génie créatif mais un opérateur discipliné, respectant les processus et laissant une trace claire de ses décisions.

Le Project Vend nous rappelle à quel point l’IA peut divaguer lorsqu’elle est livrée à elle-même. Et à quel point il est urgent, pour les entreprises, et encore plus dans la Fonction Finance, de privilégier une intelligence artificielle encadrée, construite non pas pour impressionner, mais en laquelle on peut avoir confiance.