De Google à OpenAI : l'IA agentique va-t-elle renverser les empires du web ?

L'avènement de l'IA agentique ouvre une ère inédite où les usages, les modèles économiques et la souveraineté numérique sont complètement repensés.

Cet été OpenAI a franchi une nouvelle frontière avec le lancement de ChatGPT Agent : un système unifié capable non seulement de raisonner, mais aussi d’agir. Avec lui, l’intelligence artificielle passe d’un rôle d’assistant à celui d’opérateur autonome, capable de mener à bien des missions complexes de bout en bout. Ce que les DSI et directions métiers percevaient encore hier comme de la science-fiction est désormais en phase de déploiement.

Si cette innovation est passée relativement inaperçue, elle marque pourtant une bascule qui redéfinit l’ensemble du paysage technologique. L’IA agentique ne se contente plus de répondre : elle exécute. Elle bouleverse ainsi les modèles économiques du web fondés sur le trafic et la publicité, en apportant directement aux utilisateurs les réponses qu’ils venaient autrefois chercher ailleurs. Une transformation profonde, déjà en marche, et qui promet d’impacter à la fois les usages, les modèles d’affaires et les équilibres de pouvoir entre géants de la tech.

Une fusion technologique inédite

ChatGPT Agent résulte de la combinaison de trois briques technologiques majeures développées par OpenAI : 

Deep Research, lancé en février 2025, qui planifie et synthétise des données issues de centaines de sources web pour créer des rapports complets. 

Operator, présenté en janvier, qui permet à l’IA d’agir directement à la place de l’utilisateur pour réserver, naviguer ou même écrire du code.

ChatGPT, le puissant agent conversationnel d’OpenAI.

Cette convergence crée une expérience radicalement nouvelle où l'utilisateur peut formuler des demandes complexes en langage naturel et voir l'IA les exécuter de bout en bout sans intervention humaine. Ce changement de paradigme annonce la fin des chatbots passifs et l’arrivée d’assistants réellement autonomes et opérationnels.

Un affrontement stratégique entre géants de la tech

Avec ChatGPT Agent, OpenAI ne se contente pas de proposer une innovation technologique, elle défie frontalement Google. Selon Reuters, OpenAI prépare le lancement dans les prochaines semaines de son propre navigateur web alimenté par l'IA. Fondé sur Chromium, ce navigateur entend transformer l’accès à l’information. Il pourrait capter une part significative du temps passé en ligne, au détriment du modèle économique de Google basé sur la publicité et le trafic généré par Chrome. Avec plus de 500 millions d'utilisateurs actifs hebdomadaires de ChatGPT, le potentiel d'adoption est colossal.

Mais la bataille se joue également sur un autre front. Dans cette course à l'IA agentique, X (anciennement Twitter) d'Elon Musk pourrait détenir un avantage considérable avec Grok Heavy qui explore une approche alternative : celle du multi-agents. Plusieurs IA travaillent en parallèle sur un même problème, comparent leurs réponses, et retiennent la meilleure. 

Cette architecture innovante pourrait constituer une alternative plus robuste au système unifié d’OpenAI. Grok Heavy établit un nouveau standard de performance, atteignant 50 % au test Humanity’s Last Exam. Mais cette avance technologique se heurte à deux obstacles majeurs : un coût d’abonnement dix fois supérieur à celui de ChatGPT Plus, et une image ternie par plusieurs polémiques, allant de propos conspirationnistes à des remarques antisémites.

Vers un nouvel ordre numérique

Au-delà des performances technologiques, les impacts économiques sont considérables. Selon McKinsey, l’intégration de l’IA dans la recherche en ligne pourrait augmenter la productivité des utilisateurs de 20 à 30 %. OpenAI affirme de son côté que son agent peut aujourd’hui réaliser le travail d’un analyste débutant pour une entreprise du Fortune 500.

Mais cette transition ne se limite pas à l’entreprise : elle impacte l’ensemble de l’écosystème numérique. Si la navigation traditionnelle s’efface, c’est l’ensemble des médias, plateformes de e-commerce, et services en ligne qui devront repenser leur modèle.

La question centrale devient alors : qui contrôlera l’accès à l’information demain ? La réponse à cette question conditionne notre souveraineté numérique. Et sur ce terrain, l’Europe accuse un retard préoccupant. Entre réglementation prudente (AI Act) et absence de champions technologiques, elle risque de devenir dépendante de solutions qu’elle n’aura ni conçues, ni encadrées.