Samedi
15 - Lundi 17 avril 2000
La
récente loi sur les enchères en ligne unanimement
saluée par les professionnels du Net
Deux
semaines après le vote en seconde lecture par l'Assemblée
Nationale de la loi réformant la réglementation
des ventes aux enchères en France, il est intéressant
de recueillir les avis des principaux acteurs du secteur sur
Internet.
Rappelons tout d'abord que cette loi supprime le monopole des
commissaires-priseurs pour l'organisation des ventes aux enchères
volontaires mais fixe également une série d'obligations
pour pouvoir effectuer de telles ventes (agrément préalable,
garanties financières...). Tout
d'abord, les députés ont retenu le principe d'étendre
l'application de la nouvelle loi sur les ventes aux enchères
aux ventes en ligne. Mais le texte (article 2bis de la loi)
a aussitôt précisé que cette réglementation
ne s'appliquait pas aux ventes en ligne dans lesquelles le site
n'était qu'un intermédiaire "courtier"
qui ne prenait aucune part au contrat entre acheteurs et vendeurs.
De ce fait, le texte exclue directement les activités
baptisées ventes aux enchères pratiquées
par les sites du type iBazar, QXL ou encore Aucland.
Le texte a pourtant prévu une exception: le cas où
ces intermédiaires "courtiers" permettraient
des ventes portant sur "des biens culturels". Ainsi
pour permettre la vente aux enchères de ces fameux "biens
culturels" sur leurs sites, les sociétés
devraient satisfaire aux obligations de la loi.
Pour Olivier Creusy, directeur
général de QXL, " le gouvernement a manifesté
dans cette loi, sa volonté d'aller de l'avant, loin
de la tentation jacobine de tout réglementer. Le gouvernement
nous a consultés en début d'année avant
ce vote en seconde lecture. Il a très vite compris
que les ventes appelées enchères en ligne, organisées
sur notre site, n'avaient pas grand chose à voir avec
les ventes aux enchères des
commissaires-priseurs. Cela dit, à priori, ce texte
n'a pas vocation à s'appliquer aux ventes aux enchères
intervenues grâce à notre site car notre société
étant basée à Londres pour toutes ses
activités européennes, la loi britannique s'applique
comme le précisent nos conditions générales".
Cette appréciation
emprunte d'optimiste sur la réforme est également
partagée par les grandes sociétés françaises
du secteur, le leader iBazar et Aucland. Ainsi pour Frédéric
Servelle, responsable juridique du site Aucland, "le
texte ne nous pose aucun problème. Notre seule petite
réserve porte sur l'interprétation de l'expression
-biens culturels- qui n'est pas exprimée dans la loi.
Les futurs décrets d'application viendront certainement
clarifier cette notion."
Interrogé sur le caractère
à priori peu explicite de la notion, Maître Champin,
président de la chambre nationale des commissaires-priseurs,
explique que "le texte évoque la notion d'oeuvre
d'art dans l'expression biens culturels, or cette acceptation
est aujourd'hui largement définie par le législateur
et utilisée par l'administration des douanes pour le
contrôle de la circulation de ces biens culturels. Ce
sont, pour faire simple, à la fois les biens qualifiés
de Trésors nationaux mais aussi les biens présentant
un intérêt historique artistique ou archéologique
définies par l'annexe du décret du 29 janvier
1993. Sont retenus des critères d'ancienneté
et de valeur économique du bien."
Frédéric Alten Bourger, responsable juridique
du site iBazar, confirme cette interprétation : "nous
avons été consultés en amont, ce dont
on peut se féliciter, et l'intention de nos interlocuteurs
était clairement de faire référence à
la notion de biens culturels retenue par l'administration
des douanes". Selon Olivier Creusy de QXL France, "le
législateur a volontairement laissé une zone
de flou autour de la notion de biens culturels afin de pouvoir
préciser dans un second temps le champ exact de cette
exception grâce aux futurs décrets d'application.
Le législateur est trop conscient des réalités
et à une trop bonne connaissance de la question pour
imaginer qu'il s'agisse d'un simple négligence."
Olivier Creusy poursuit : "l'idée qui transparaît
est encourageante, le législateur a compris qu'il n'avait
rien à gagner à réglementer les enchères
en ligne portant sur des cocottes-minutes ou des ordinateurs.
En revanche, il est important pour lui de réglementer
le marché de la vente d'objets d'art pour lequel il
faut des garanties afin de protéger l'acheteur. Il
y a certainement derrière cette prise de conscience
le résultat du lobby des commissaires-priseurs et du
groupe Arnault, mais cette distinction se fait dans l'intérêt
du marché."
Plus largement sur la partie
du texte portant sur les enchères en ligne, Maître
Champin commissaire-priseur affirme: "La loi ne fait
que donner un éclairage particulier sur les ventes
aux enchères via Internet. L'exclusion des simples
opérations de courtage du champ d'application de la
loi sur les enchères ne fait que valider l'interprétation
retenue depuis longtemps par la jurisprudence. Le fait que
ces opérations aient lieu sur Internet ne change rien
à la problématique". "Le marché
en ligne ne peut être que bénéfique au
marché de l'art en général si les mêmes
garanties que pour les ventes aux enchères classiques
sont apportées à l'acheteur et au vendeur pour
les biens de qualité", conclue-t-il.
"Globalement, récapitule
Frédéric Alten Bourger d'iBazar, cette loi a
permis de fixer le cadre juridique de notre métier.
D'une part, elle a exclu ce dernier du champ d'application
de la loi sur les enchères, et d'autre part, elle qualifie
le contrat que nous établissons avec les vendeurs de
contrat de courtage. Or il s'agit d'un contrat défini
par la loi, ce qui fixe un cadre juridique clair à
notre activité. Pour ce qui est de la vente de biens
culturels, il s'agit d'un autre métier que le nôtre
et nous n'envisageons pas de permettre la vente de ce type
de biens sur notre site pour l'instant."
On le voit, rarement une loi
aura fait tant d'unanimité autour d'elle pour la saluer,
du moins pour la partie concernant les ventes aux enchères
en ligne. Il reste évidemment à connaître
les contours que retiendront certainement les futurs décrets
d'application. Mais bien loin de compliquer la tâche
des grands sites de ventes aux enchères en ligne, elle
a le mérite de sécuriser le cadre juridique
de leur évolution. [Fabien
Claire, JDNet]
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