L'impossible tour de table.
Tel est aujourd'hui le quotidien de bon nombre de start-up
qui voient fondre leur trésorerie et vivent parfois
au rythme de quelques rallonges financières injectées
par des investisseurs. Une perfusion en attendant des jours
meilleurs... "Il faut arrêter de se voiler la face,
lance Antoine Bloch, le PDG d'Oraos,
site dédié à l'art. Le marché
de l'Internet, que chacun attendait il y a un an pour le début
2001, n'est pas au rendez-vous. Aujourd'hui, comme beaucoup
d'autres start-up, nous avons juste quelques mois de visibilité
devant nous. Si rien ne bouge, nous allons tous dans le mur."
Lancé en juin dernier avec un fonds d'amorçage
de 4,25 millions de francs, Oraos a pourtant réussi
à boucler en septembre un tour de table de 10 millions
de francs supplémentaires. "En novembre, nous
avons lancé un catalogue de VPC papier. En un seul
mois, cette opération nous a rapporté deux fois
plus de chiffres d'affaires que notre boutique en ligne. Les
réalités de l'e-commerce sont donc très
floues..."
Pour sortir de cette spirale
start-down, Antoine Bloch a décidé d'entreprendre
une démarche plutôt novatrice : contacter
ses concurrents afin de se fédérer. "Pris
individuellement, nous sommes tous des poids plumes. Mais
en se regroupant et en jouant la complémentarité,
nous pouvons peser suffisamment sur notre secteur pour devenir
solvables." Antoine Bloch a ainsi approché une
dizaine d'autres sites ancrés dans les domaines de
l'art et de la culture. Certains n'ont pas répondu,
d'autres "n'ont pas voulu jouer cartes sur table"
et quelques-uns ont mordu. A l'image de Bookstorming,
site sur l'édition du monde de l'art, et de Chronic'art.
"La démarche m'a un peu surpris, explique Cyril
De Graeve, directeur de la rédaction de
Chronic'art. C'est une voie qui nous semble intéressante.
Mais rien n'est fait et les choses ne sont pas simples..."
Derrière
cette idée de fédération, "dans
laquelle chacun apporte ses forces et non pas ses faiblesses",
note Antoine Bloch, se profile évidemment le concept
d'économie d'échelle. Même local, même
infrastructure technique et... une seule équipe. Une
véritable chasse aux coûts fixes tout en additionnant
les audiences et bases de données respectives. Bref,
un modèle proche des méga-fusions actuelles,
mais à l'inverse. "D'abord, nous nous fédérons
pour assainir les paramètres puis nous créons
une véritable entité... J'espère y arriver
d'ici février ou mars." Avec pour idée,
ensuite, de peser suffisamment lourd pour intéresser
un gros acteur de l'Internet en phase de croissance externe.
Une
démarche qui séduit les financiers
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Cette
démarche intéresse aujourd'hui au plus haut
point les investisseurs et capitaux-risqueurs, qui se retrouvent
généralement avec des lignes mortes dans leur
portefeuille. "La chute des valorisations laisse présager
une arrivée en force de l'économie traditionnelle
dans l'Internet, explique ainsi Damien Sauer, chargé
d'affaires en fusions et acquisitions chez MGT,
société spécialisée dans les levées
de fonds. Pour survivre, il faut donc faire partie des leaders."
Mais attention, la fédération de start-up n'est
pas pour autant une recette miraculeuse, "deux boiteux
ne donnant pas quelqu'un qui marche bien, poursuit Damien
Sauer. Il faut une vraie complémentarité dans
les activités et une véritable entente entre
les deux managements."
Mais gardant
le souvenir des sommes investies en 1999 et 2000 pour créer
de nouvelles marques, les financiers préfèrent
opter pour une formule 'A+B=A', A étant le leader,
que 'A+B=C'. "Les
besoins en trésorerie étant alors moins forts
et les différents investisseurs se retrouvant de fait
fédérés, le re-financement devient dès
lors plus facile."
Ces opérations
de consolidation, qui risquent de placer des troupes supplémentaires
sur
le carreau,
dessinent donc une nouvelle porte de sortie sur un marché,
l'Internet, qui a souvent vu arriver une brochette de concurrents
directs dans un laps de temps très resserré.
"Le mécanisme devrait séduire certains
secteurs d'activité comme l'e-commerce, souligne Damien
Sauer. Car, tout comme dans la distribution où les
marges sont faibles, dans l'e-commerce, seuls les volumes
permettent de s'en sortir. Mieux vaut donc se fédérer.
Les opérations devraient s'enchaîner en 2001."
La e-coopérative serait-elle née?
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