Les
courtiers en ligne se retrouvent dans une situation
paradoxale en ce milieu d'année 2001. Malgré
un nombre de clients qui n'a cessé de grossir
en un an (de 281.000 en juin 2000 à 478.000 en
juin 2001 en France, selon Brokers
On Line), tous les acteurs ont publié au
mois d'août des chiffres d'affaires semestriels
systématiquement inférieurs à ceux
publiés un an auparavant (Voir
le tableau). Comme, dans le même temps, les
frais marketing et les coûts liés à
cette nouvelle clientèle n'ont guère baissé,
ils ont quasiment tous publié des pertes nettes
importantes sur le premier semestre 2001, notamment
en Allemagne. Direkt
Anlage Bank (DAB), qui a absorbé le français
Self
Trade l'an dernier, a ainsi annoncé une perte
de 48,8 millions d'euros au premier semestre soit une
multiplication par cinq des pertes par rapport à
l'an dernier. Une situation logique pour DAB dans la
mesure où le nombre d'ordres exécutés
par client et par an s'établit désormais
seulement à 15 sur le premier semestre, contre
le triple l'an dernier. Pour l'ensemble des courtiers
en France, le schéma est le même puisque,
toujours selon Brokers On Line, le nombre d'ordres exécutés
mensuellement a baissé de près de 25%
entre juin 2000 (856.000) et juin 2001 (599.500).
Le
comparatif des résultats semestriels au 30 juin
|
2001
|
2000
|
CA
semestriel
ou Produit d'exploitation)
(en millions d'euros)
|
Nombre
de comptes
|
Nombre
d'ordres exécutés
(en millions en juin)
|
CA
Semestriel
(en millions d'euros)
|
Nombre
de comptes
(en juin)
|
Nombre
d'ordres exécutés
(en millions)
|
Consors |
11,281
|
31.362
|
1,039
|
13,8
|
25.000
|
0,522
|
Bourse
Direct |
5
|
8.394
|
0,156
|
7,4
|
6.219
|
0,216
|
Fimatex
|
34,8
|
104.400
|
1,7
|
40,2
|
76.659
|
2
|
SelfTrade |
23,45
|
92.740
|
0,830
|
22,91
|
29.329
|
1,793
|
Source
éditeurs/Benchmark Group
La
situation est donc périlleuse pour le secteur
et tous les courtiers ont dû prestement sortir
une panoplie de réductions drastiques des dépenses,
qui va de l'abaissement des frais marketing aux plans
sociaux. Le but étant d'atteindre ou de retrouver
l'équilibre d'ici 2002. Et pour les courtiers
disposant d'une assise européenne, l'assainissement
passera éventuellement par la fermeture de
filiales. Ainsi, le président de Comdirect.de
a indiqué mercredi dernier que la cessation
des opérations dans certains pays était
envisageable "si les résultats ne s'amélioraient
pas". Le ralentissement de l'activité
sur les marchés financiers et surtout le lancement
des trois filiales au Royaume-Uni, en Italie et en
France ont en effet largement pesé dans les
comptes de la société, estime la direction
de Comdirect Allemagne. Au premier semestre 2001,
la perte est ressortie à plus de 36 millions
d'euros contre un bénéfice de plus de
25 millions d'euros l'an dernier à la même
époque.
Jean-Paul Tricot, le directeur marketing de Comdirect.fr,
estime pourtant qu'il n'y a pas "péril
en la demeure pour la filiale française"
et que "les budgets français feraient
simplement l'objet de réajustement. Il n'est
donc pas question de fermeture", ajoute-t-il.
Le groupe Comdirect a en effet prévu de réduire
ses dépenses cette année de 90 à
65 millions d'euros. En France, c'est la direction
marketing qui devrait en subir le contrecoup puisque
la société tablait sur des dépenses
de près de 15 millions d'euros cette année.
Mais il ne devrait pas y avoir de suppressions de
postes. En revanche, il y aura des licenciements chez
Fimatex
et Consors
France. Le premier, ffiliale de la Société
Générale, a d'ores et déjà
annoncé un plan de réduction de près
de 18% des effectifs en France et en Allemagne. Des
mesures qui n'auront toutefois peut-être pas
de répercussions immédiates sur les
comptes de l'année en cours.
Cité par l'agence Reuters, Karl-Mathaeus Schmidt,
le président du directoire du groupe Consors,
affirmait récemment que "les coûts
liés à ces réductions d'effectif
(primes de départ, etc.) ne permettraient pas
de faire rapidement des économie".
Les stratégies pourraient également
évoluer en France. Les courtiers chassent en
effet de plus en plus sur les terres des banques.
Ils ne se cantonnent plus aux seuls marchés
d'actions et cherchent à devenir de véritables
portails de l'épargne. "Le nombre d'ordres
exécutés par client l'an dernier était
exceptionnel et il y a peu de chances de revoir de
tels chiffres. Il faut donc apprendre à faire
des bénéfices avec un nombre de transactions
inférieur à 20 par an", estime
l'un d'entre eux. Pour combler ce manque, les courtiers
se démultiplient et étoffent leur offre.
Fimatex a ainsi lancé récemment son
propre Fonds commun de placement, sur lequel la société
prélèvera des droits d'entrée
et de gestion. Bourse
Direct va également emprunter cette
voie après le rachat de 66% de la société
de gestion Delta Asset Management. Outre une offre
de gestion sous mandat, la société veut
également, grâce à cette acquisitionv
"élaborer une gamme d'OPCVM autonome et innovante".
Mais
le pari est loin d'être gagné. D'une
part parce que les banques traditionnelles restent
des rivaux de taille sur ce créneau et d'autre
part parce qu'une étude Euronext publiée
en juillet est venue contredire la belle unanimité
ambiante sur le sujet. Selon l'étude, les détenteurs
d'OPCVM ont baissé en un an alors que le nombre
de détenteurs d'actions a progressé
de 10% dans le même temps. Les courtiers retiendront
certainement plus volontiers de l'étude que
sur les 10 millions de détenteurs de produits
financiers autres que des comptes ou livrets d'épargne
(assurance-vie, actions, obligations, SICAV/FCP),
seuls 5,2% d'entre eux, soit 800.000 personnes, utilisent
Internet pour la gestion de leur compte. Une belle
marge de progression en perspective pour le secteur,
malgré le creux que l'on observe actuellement.
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