Problèmes de structure
juridique, de soutiens financiers, de rentabilité...
Après quinze mois d'existence, la liste des embûches
est longue pour les incubateurs publics. Nés
en 1999, ces trente-et-un établissements, qui
ont notamment pour mission de favoriser les transferts
de technologie, voient quelques nuages s'accumuler au-dessus
de leur tête. Si à ce jour, le bilan en
matière de détection est plutôt
bon - 440 projets ont déjà été
incubés en quinze mois, ce qui a permis la création
de 164 entreprises et 650 emplois- la pérennité
du dispositif est loin d'être assurée pour
une double raison. D'une part, la difficulté
à trouver des financements pour les projets incubés
et d'autre part des budgets de fonctionnement très
serrés pour les structures d'accueil.
Dans
un rapport sur le bilan des incubateurs publics, dressé
par la Caisse des Dépôts et Consignations
(CDC), les auteurs de l'étude notent qu'en amorçage,
"les sociétés
à croissance modérée n'intéressent
pas le capital-risque, qui préfère se
concentrer sur les sociétés à fort
potentiel de croissance". Une donnée problématique
puisque seulement 20% des projets des incubateurs répondront
à terme à ce dernier critère.
Plus ennuyeux, les fonds d'amorçage publics mis
sur pieds par l'Etat, pour théoriquement accompagner
les projets, n'auraient pas vraiment répondu
aux attentes des incubateurs. "Les deux parties
ont du mal à se connaître et à se
comprendre car il y a sans doute eu un malentendu au
départ, constate Isabelle Bébéar,
responsable du dossier à la CDC. Les incubateurs
ont peut être cru que les gérants prendraient
des participations de façon systématique.
Mais comme la priorité d'un fonds est le rendement,
seule une faible portion des entreprises incubées
les intéresse."
Reste à savoir si ces
fonds d'amorçage publics n'ont justement pas
des exigences démesurées en matière
de rendement, ce qui les éloigne de plus de 80%
des sociétés accueillies par les incubateurs.
Selon Isabelle Bébéar,
"il n'est pas possible pour les fonds de se comporter
en organisme de subventions où le rendement n'aurait
aucune importance. D'abord parce que ce ne serait pas
sain économiquement. Ensuite parce que leur but
est d'amorcer la pompe pour attirer des fonds privés.
Il faut donc avoir la même logique des deux côtés."
Ces problèmes de financement
des entreprises risquent également de toucher
dans quelques mois les incubateurs eux-mêmes.
Ils sont constitués pour la plupart en associations
loi 1901 et leurs seules ressources proviennent de subventions
de l'Etat, qui s'est notamment engagé en 1999
à leur apporter près de 25 millions d'euros
sur trois ans. Mais en cas de changement de politique
de la part de l'autorité publique, ils n'auraient
guère les moyens de poursuivre leur activité.
Selon le rapport de
la CDC, les directeurs d'incubateurs auraient proposé
plusieurs pistes pour tenter de parvenir à un
auto-financement des structures.
La première solution
consisterait, selon eux, à exiger un remboursement
des frais de la part des start-up qui réussissent
à poursuivre leur carrière hors de l'incubateur.
Jugée "pertinente", cette méthode
ne serait "pas suffisante pour assurer un équilibre
financier", selon Isabelle Bébéar.
La seconde piste évoquée, serait de permettre
aux incubateurs de prendre des participations dans la
capital des sociétés créées
afin de se financer avec les plus-values de sortie.
Le rapport y oppose un
problème juridique puisque le statut des incubateurs
publics ne leur permet pas de s'aventurer sur ce terrain.
Par ailleurs, la réussite du modèle n'est
pas avérée. De nombreux incubateurs privés
en difficulté peuvent en témoigner.
La solution miracle n'existe
donc pas et l'Etat reste sans doute la meilleure garantie
du système. Isabelle Bébéar souhaite
ainsi que "la politique de financement public se
poursuive et qu'on ne réclame pas systématiquement
aux incubateurs d'être rentables". La valeur
économique de ces établissements ne se
traduisant pas uniquement dans le compte de résultats
annuel. "Avec ce dispositif, l'objectif principal
était de favoriser les transferts de technologies
et de motiver les équipes de recherche. Or sur
ces points, les incubateurs sont clairement une réussite",
assure-t-elle.
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