Souvent abordée
sous l'angle technologique, la réussite des places
de marché dépend avant tout du nombre
d'acteurs en présence. Dans son ouvrage "Places
de marché, mode d'emploi" (*) , Jean-Jacques
Rechenmann, conférencier et consultant en marketing
sur les produits de haute technologie, met en exergue
cette analyse et l'importance des sites fédérateurs
pour mettre en place cette stratégie. Ce sont
eux qui permettent de rassembler toute une industrie
autour d'un métier de base afin d'atteindre le
seuil critique transactionnel. L'ouvrage, qui propose
un annuaire de près de 300 places de marché,
revient également sur les nouvelles relations
client-fournisseur qu'induisent les places de marché.
JDNet.
Avant même de parler des places de marché,
vous abordez le thème des sites fédérateurs.
De quoi s'agit-il exactement ?
Jean-Jacques Rechenmann. J'ai observé
il y a très longtemps que les sites Web se regroupaient
par activité et créaient un portail fédérateur,
le plus souvent au niveau mondial. Ces sites proposent
un contenu informatif riche sur leur secteur et sont
une excellente solution pour le référencement
des sites spécialisés. Ces sites fédérateurs
qui, au départ, étaient purement informatifs,
ont évolué naturellement pour devenir
des places de marché. Et l'expérience
montre que ce sont ces sites fédérateurs
qui réussissent le mieux par la suite. Par exemple,
le britannique Aboard.co.uk, spécialisé
dans nautisme, connaît un certain succès.
La clé de la réussite est de savoir fédérer
les entreprises d'une même branche autour d'un
site qui aborde leur métier de base pour pouvoir
atteindre une taille critique avant de lancer une activité
de place de marché. Ensuite, seulement, vient
la question de la technologie à utiliser. Mais
ce n'est qu'un point secondaire.
Dans
la conclusion de votre ouvrage, vous mettez en garde
les fournisseurs sur l'impact que peut avoir les places
de marché sur leurs activités...
Il est indéniable que les places de marché
ont été créées à
l'avantage de l'acheteur, pas du vendeur. Il faut comprendre
que pour les fournisseurs, les places de marché
électroniques sont une nouvelle procédure
d'achat. La révolution est identique à
ce qu'a pu être l'imposition du code barre par
la grande distribution à ses fournisseurs dans
les années 80. Les vendeurs ne sont pas plus
préparés aux places de marché qu'au
système du code barre. Et pourtant les acheteurs
leur demandent de se référencer auprès
d'une place de marché sous peine de ne plus pouvoir
continuer la collaboration. L'avantage cependant pour
le fournisseur, c'est que ce référencement
est susceptible de renforcer les liens acheteurs-fournisseurs
puisque. Une fois que le référencement
d'une short-list de vendeurs est fait, l'acheteur aura
moins tendance à aller voir d'autres acteurs
du marché. L'autre atout pour le fournisseur,
c'est que ces nouvelles méthodes vont l'encourager
à mettre en place un nouveau mode de gestion
dans son entreprise. En conclusion, il ne faut pas perdre
de vue qu'aucune solution n'a d'avenir si une des deux
parties est écrasée. Il faut que chacun
y trouve son compte.
Quelles
sont les plus belles réussites parmi les places
de marché que vous avez identifiées ?
Le développement des places de marché
est très hétérogène selon
les secteurs. Indéniablement, les secteurs verticalisés
sont en pointe car la place de marché électronique
se prête parfaitement à leur système
d'organisation. En revanche certains secteurs restent
complètement en dehors de ce phénomène comme
l'agriculture ou le bâtiment. Il y a eu des tentatives
dans ces domaines, mais aucune expérience n'a
fait ses preuves pour l'instant. Je ne sais pas si l'on
peut parler de réussite en ce qui concerne n'importe
quelle place de marché, car la question de la
rentabilité reste encore en suspend. On peut
voir cependant quelques réussites transactionnelles,
comme Covisint par exemple, dont le business model est
intéressant. Mais il ne faut pas perdre de vue
que la plupart des places de marché vont mal
et qu'il y aura certainement des fermetures jusqu'à
ce que ce nouveau système de négociation
se banalise.
(*) "Places de Marché,
mode d'emploi",
Par Jean-Jacques Rechenmann,
Editions
d'Organisation, Paris,
Juin 2002, 25 euros.
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