JDNet. Pouvez-vous présenter TiarraCorp en quelques
mots ?
Mark Tiarra.
TiarraCorp est une entreprise
de création de sites Web pour adultes. Nous construisons
des sites Web de A à Z, c'est-à-dire que
nous nous occupons aussi bien du graphisme que de la
gestion du contenu. Aux Etats-Unis, nous avons ainsi
créé cinq des dix plus importants sites
pour adultes, comme par exemple Kara's Adult Playground.
Comment
votre entreprise a-t-elle débuté ?
Il y a six ans, je travaillais dans le graphisme mais
dans le monde de l'édition "papier".
Certains clients m'ont alors demandé de leur
construire un site Internet, ce que j'ai accepté
de faire. Puis, de plus en plus de clients m'ont demandé
d'intégrer sur leur site des images érotiques.
C'est comme cela que tout a commencé... Aujourd'hui,
TiarraCorp a développé un réseau
de graphistes à travers le monde entier. Nous
travaillons avec environ 60 personnes, dont une grande
majorité de graphistes indépendants.
Est-ce
plus profitable de construire des sites pour adultes
que de s'en occuper ?
Nous sommes également éditeurs de plusieurs
sites. Les deux activités sont en fait très
profitables. Il y a même une réelle synergie
entre les deux métiers : créer des
sites pour des clients nous apporte de l'expérience
et des relations qui nous aident pour nos propres sites.
Les
sites que vous créez font-ils un usage poussé
des technologies multimédia comme le Flash ou
la vidéo ?
Nous intégrons du Flash pour certains clients
mais cela reste une utilisation ponctuelle. En ce qui
concerne la vidéo, nous mettons en relation nos
clients avec les entreprises qui produisent et fournissent
du contenu. Dans ce domaine, de façon générale,
les sites pour adultes sont à la pointe de la
technologie. Cela s'explique par le fait qu'ils forment
la source de profits la plus stable sur Internet. Les
sites pour adultes ont donc très souvent tendance
à utiliser les technologies les plus récentes.
Quelle
est la principale différence entre un site pour
adultes et un site traditionnel ?
La différence principale porte sur le business-model
: celui des sites pour adultes est basé sur un
abonnement récurrent, comme pour un FAI. Pour
les sites médias traditionnels et les portails,
malgré les différentes tentatives de passer
en modèle payant, pratiquement aucun n'a réussi
à s'appuyer financièrement sur des abonnements.
A ce jour, leurs revenus sont majoritairement constitués
de la publicité ou, pour les sites marchands,
des produits et services qu'ils vendent. Les sites pour
adultes sont donc les seuls à réellement
bénéficier du modèle payant.
Quelle
est la taille de l'industrie du X sur Internet aux Etats-Unis?
C'est une question que l'on me pose souvent, mais c'est
très difficile d'estimer la taille du marché.
Personne n'a jamais reussi à recenser tous les
sites tant le nombre d'acteurs est important et tant
leur taille financière est variable. Mais les
annuaires de sites pour adultes comme SexTracker peuvent
donner une idée du nombre de sites. Je dirais
qu'il existe aujourd'hui environ 50.000 sites différents.
Le chiffre d'affaires est encore plus difficile à
cerner : les entreprises qui éditent des sites
pour adultes sont privées et ne publient pas
leurs chiffres. Certaines ont des revenus de quelques
milliers de dollars par mois, d'autres de plusieurs
millions.
Combien
de visiteurs et d'abonnés possède un site
pour adultes important aux Etats-Unis ?
Aux Etats-Unis, il y a un peu près sept très
gros sites X, comme Kara's ou CyberErotica. Un site
important a entre 300.000 et 1 million de visiteurs
par jour, et entre 50.000 et 75.000 abonnés.
Mais il faut savoir que l'internaute qui consomme du
X change souvent de sites, il recherche la nouveauté.
Généralement,
sur ce marché, à partir de 50.000 abonnés,
le nombre de personnes qui se désabonnent et
le nombre de nouveaux abonnés s'équilibrent.
Il y a un seuil et les sites ne grandissent plus. Les
grosses entreprises ouvrent alors d'autres sites pour
élargir leur audience mais seules les très
grandes atteignent ces chiffres. Le reste du marche
est composé de milliers de petits sites qui ont
quelques centaines d'abonnés. Entre les deux,
il n'y a pas de sites à moyenne audience.
Ces
dernières années, comment l'industrie
du X sur Internet a-t-elle évolué ?
D'un point de vue technique, la vidéo a vu sa
qualité s'améliorer très nettement.
On obtient des images plus belles et plus grandes avec
un rafraîchissement plus rapide. Du point de vue
commercial, le gouvernement et les consommateurs ont
désormais une meilleure connaissance de l'industrie.
Les sites sont plus responsables. Avant, un site pouvait
avoir un avantage sur les autres en utilisant des méthodes
déloyales vis-à-vis des consommateurs
ou des autres acteurs. Maintenant, c'est plus rare.
Avec
quel genre de clients travaillez-vous ?
Nous travaillons avec tout le monde, les plus grands
sites comme les petits sites gratuits. Il y a beaucoup
d'acteurs sur ce secteur. De nombreuses entreprises
proposent par exemple des vidéos et du contenu
en direct.
Est-ce
que la fraude est un problème ?
C'est un énorme problème. La fraude la
plus courante concerne les cartes de crédit.
La plupart des sites payants donnent des commissions
aux autres sites qui leur envoient du trafic avec des
reversements qui sont en moyenne de 45 dollars par abonnement.
Certains sites utilisent donc des programmes de génération
de numéros de cartes de crédits pour envoyer
des faux abonnements. D'autres sites piratent les mots
de passe et les publient sur le Web. Mais on peut s'en
prémunir avec des blocages logiciels. Enfin,
quelques entreprises débitent les consommateurs
sans leur autorisation. Il y a aussi les entreprises
qui distribuent des images dont elles ne possèdent
pas les droits. Le piratage de contenu est plutôt
pratiqué par les étudiants qui diffusent
des images de célébrités.
Pensez-vous
qu'à terme, certains acteurs de l'industrie du
X sur Internet vont s'introduire en Bourse ?
Quelques-uns essaient. Mais cette industrie est un très
gros centre de profits. Les entreprises s'introduisent
en Bourse lorsqu'elles recherchent des fonds pour développer
une activité ou se lancer dans une autre. Pour
un gros acteur de l'industrie des sites pour adultes,
ce n'est pas nécessaire. Si nous voulons lancer
une nouvelle activité, nous avons suffisamment
d'argent pour nous autofinancer.
Quels
sont aujourd'hui les problèmes les plus importants
pour l'industrie du X ?
En ce moment, je pense que c'est la nécessité
d'un code éthique et d'un standard des pratiques
de l'industrie, afin notamment d'établir clairement
la façon dont les utilisateurs sont facturés.
Cela permettra d'éviter les problèmes
avec la FTC (Federal Trade Commission, organisme
gouvernemental américain qui réprime les
fraudes, NDLR). Il y a également la protection
des mineurs sur Internet. Sur ce problème, le
secteur doit être capable de structurer pour garantir
ses activités dans le respect des lois.
Comment
pensez-vous que l'industrie va évoluer dans les
prochaines années ?
Cela dépendra du temps nécessaire avant
que l'accès haut débit se développe.
Je pense qu'à terme, la télévision
et Internet ne formeront plus qu'un seul produit. Les
contenus en live prendront alors une toute autre importance
par rapport aux images fixes.
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