Un nouvel
acteur dans le domaine de la Web-TV vient ouvrir ses portes: Nouvo.com,
un producteur-diffuseur d'émissions de divertissement à
destination des 25-35 ans. Pour son lancement, le site occupe
la quatrième de couverture de l'édition du jour
de Libération. Pour le démarrage du projet, 12 millions
de francs ont été injectés par quatre "business
angels" connus et d'un allié de poids: le groupe de
presse Emap. Eric Clin mise sur le contenu original et le haut
débit pour que Nouvo.com s'affirme sur le Net.
Propos recueillis par Philippe Guerrier le 26
avril 2000 .
JDNet.
D'où vient l'idée de créer Nouvo.com ?
Eric Clin : Le projet est né il y a six mois. Nous
sommes partis d'un constat: on s'ennuyait ferme sur Internet en
terme de divertissement. L'Internet est bien exploité en
tant qu'outil mais pas en tant que média. On a oublié
le divertissement. Et l'image ouvre un large champ au divertissement.
D'où la création de Nouvo.com. Le site est principalement
destiné aux
25-35 ans. Nous estimons qu'ils constituent une bonne cible car
ils n'ont pas de magazine générationnel en kiosque
et ou de télévision qui leur ressemble.
Quels
types d'émissions allez-vous proposer ?
Nous allons couvrir différents domaines: cinéma,
musique, voyages, styles de vie, etc. Nous nous considérons
d'une part comme une magazine que nous diffusons en ligne mais
aussi comme un magnétoscope interactif. J'emploie ce terme
car le concept de Nouvo.com est fondé sur la vidéo
sur demande. On peut faire une pause, stopper la lecture, reprendre
plus tard...les mêmes fonctionnalités qu'un magnétoscope.
Les vidéos sont actuellement diffusées au format
Real. Les internautes trouveront des
court-métrages, des sitcoms, des dessins animés,
des animations Flash, des billets d'humeurs, une rubrique "courrier
lecteur" original, etc. Il y aura quinze nouveaux modules
chaques semaine de trois à quatre minutes et quelques autres
au format 5-10 minutes pour les sitcoms par exemple. Nous archiverons
les trois dernières semaines et effectuerons une sélection
des plus anciens programmes. Nouvo.com n'abrite pas de partie
communautaire (chats ou forums) pour le moment.
Vous
avez convaincu de grandes pointures de la télévision
de vous rejoindre ?
Nous n'avons pas encore de grandes vedettes.Dès que Nouvo.com
sera connu, ils vont certainement s'y intéresser. Pour
le lancement, nous avons une dizaine de chroniqueurs venus du
monde de la TV: Arnaud Gidoin (M6) fait découvrir les coulisses
deux minutes avant un spectacle, Alexandra Pic (Canal Jimmy) présente
"Nouvos horizons", Frédéric Taddei (Paris Première) a une rubrique
littéraire. Catherine Benguigui anime un "courrier
des internautes" assez particulier et François-Olivier Nolorgues
(MCM) présente "Aussi bien que mieux".
De
quels moyens techniques disposez-vous ?
Nous avons un effectif de 20 personnes pour l'instant. Nous devrions
être 30 d'ici l'été. L'équipe technique
représente un tiers des effectifs. Nous disposons de caméras
numériques et des moyens pour encoder au format Real. Nous
tenons à la qualité des images que nous proposons.
Nous sommes en train de monter un studio, mais nous avons déjà
un plateau de tournage. Nous montons beaucoup de sujets avec beaucoup
de micro-trottoirs.
Nouvo.com
étant fondé sur le streaming, le site nécessite
beaucoup de bandes passantes ...
Nous avons signé un contrat spécifique assez intéressant
dans ce sens avec KPNQwest,
que je ne peux dévoiler.
Dans quelle mesure comptez-vous sur le développement du
haut débit en France ?
La
vidéo nécessite un accès en haut débit
à l'Internet. C'est important pour le développement
de Nouvo.com. Dans ce domaine, nous en sommes actuellement aux
balbutiements. Actuellement, 15.000 foyers ont accès à
l'ADSL. Si les réseaux à haut débit continuent
de se développer, nous allons avoir un bon vivier en France.
Quels
investisseurs vous ont soutenu ?
Nous avons réalisé un premier tour de table de 12
millions de francs. Quatre "business angels" ont accepté
de nous suivre : Christophe Sapet (PDG d'Infosources), Frédéric
Pie (PDG d'Agency.com France), Patrick Robin (PDG d'imagiNet)
et Pierre-Yves Lejeune (directeur à la gestion institutionnelle
et privée de Paribas). De plus, nous avons un investisseur "industriel"
important : le groupe de presse Emap (Télé-Star, Télé-Poche, Studio
Magazine, etc.) s'est engagé à hauteur de 6 millions, soit une
prise de participation de 13% dans Thématis, opérateur de Nouvo.com.
Le groupe Emap, d'origine britannique, sera un beau partenaire
à l'international. Nous comptons nous installer au Royaume-Uni
d'ici un an.
Quels
sont vos objectifs en terme d'audience ?
Nous espérons toucher 100.000 visiteurs uniques par mois
d'ici la fin de l'année. Nous souhaitons "fidéliser"
entre 200.000 et 300.000 internautes.
Vous
allez lancer une campagne de communication ?
Oui, d'un montant de 12 millions de francs en octobre prochain,
nous allons naturellement nous concentrer sur les sites ayant
des liens avec les réseaux à haut débit.
Sur
quels sources de revenus comptez-vous ?
La publicité, le sponsoring et le commerce électronique.
Pour le denrier point, nous venons de signer un partenariat avec
le "shopbot" Laventis.
Nous envisageons des abonnements payants pour une partie des programmes
originaux. L'expérience Canal Plus est un exemple à
suivre en matière de télévision payante.
Une partie de la population accepte de payer 300-400 francs par
mois pour avoir des programmes spécifiques. Pourquoi ne
pas adopter ce modèle sur Nouvo.com ? Mais il faut d'abord
générer du trafic et l'offre commerciale ne sera
montée que d'ici un an voire un an et demi.
Vous
avez pris un modèle à l'étranger ?
Le modèle @Home,
qui développe l'accès Internet par câble aux
Etats-Unis, est intéressant. Le projet Entertainer
également.
Qui
considérez-vous comme concurrent en France?
J'ai l'impression que ClicVision.com
dispose d'un public plus jeune. CanalWeb
semble avoir également un positionnement différent
avec de l'information et du divertissement. Ca ne me gêne
pas. En France, il y a de la place pour trois.
Pourquoi
ne pas avoir monté un projet de Web TV à partir
d'un téléviseur, qui pourrait être disponible
par exemple à partir d'un bouquet de chaînes de satellite
?
Les coûts de productions sont plus importants avec ce schéma.
Je n'exclus toutefois pas que l'on trouve des partenaires dans
la télévision interactive.
La convergence TV-Internet, vous y croyez ?
Je trouve que ce sont deux médias complémentaires.
Les programmes sur le Web se veulent créatifs tandis que
ceux de la télévision sont institutionnels. Même
Canal Plus se révèle moins créatif qu'avant.
Tout le monde parle de convergence. Peut-être n'y en aura-t-il
pas. C'est le contenu qui amène un public et une audience.
Si le support change, je pense que le public suit. C'est la force
du contenu.
Quel est votre site d'information favori ?
Le site de TF1.
Je n'aime pas beaucoup l'image de la chaîne mais il faut
avouer qu'elle s'en sort bien sur Internet. J'apprécie
également le site de CNN.
Surfez-vous sur des sites en particulier pour vos loisirs ?
Pour les voyages, je consulte City.net
(qui re-route vers la chaîne "voyages" d'Excite).
J'aime bien l'équipe de Launch.com
et la diffusion de clips sur Internet. Je trouve le travail
d'animation Flash de Chman
remarquable.
Qu'aimez-vous sur Internet ?
L'évasion, les bonnes occasions du derniers moment. Le
Net me permet de rester en contact avec des gens du Canada que
j'ai rencontrés durant mon parcours.
Que détestez-vous sur Internet ?
L'ambiance autour des start-up et de l'argent facile. Ce n'est
pas vrai. Nous travaillons beaucoup pour monter les projets. Et
puis je trouve dommage de dénigrer les start-up alors qu'elles
permettent en France de retrouver un esprit d'entrepreneur que
nous avions perdu.
Eric Clin,
31 ans, est diplômé de sciences économiques et du CFJ. Il s'installe
au Canada à Montréal où il entame en 1995 un tour du monde multimédia
qui sera couronné par le Yahoo Pick of the week et le Prix Boomerang
96. Il fonde Raid Multimedia Inc., société de production de cyber
reportages pour Internet. Après son expérience sur le continent
nord-américain, il décide de rentrer en France fin 98, et intègre
l'agence Pictoris, devenue Agency.com, en tant que directeur du
développement et du marketing.