FranceNet,
prestataire spécialisé dans l'hébergement
de sites et le développement de webs, fête ses cinq
années d'existence. Son PDG, aux premières loges
de la révolution du commerce électronique, prédit
une compétition féroce pour les "petits"
marchands et s'attelle à deux projets majeurs, La Redoute
et Carrefour. "Le plus important pour les responsables de
sites, ce n'est pas le chiffre d'affaires du prestataire mais
le capital d'information et d'attention", estime Rafi Haladjian.
Propos recueillis par Philippe Guerrier le 19
mai 1999 .
JDNet
: Depuis cinq
ans, vous observez le Net français. Estimez-vous qu'il
est sorti de l'âge primaire?
Rafi Haladjian : Disons que nous passons de la phase 2
à 3 et que les Américains sont en phase 4. La période
site-plaquette-HTML est passée. Nous sommes entrés
clairement dans le commerce électronique. Mais on se rend
compte que les progiciels prêts à l'emploi ne suffisent
pas à élaborer une stratégie marchande. La
phase 4 correspond à l'expansion de ce modèle, au
dépassement de l'approche "je mets mes produits à
vendre en ligne". FranceNet est prêt à faire
le bond mais il faut avoir avoir une attitude pragmatique en fonction
des budgets de nos clients.
La couverture d'un des derniers numéros
du magazine "L'Expansion" est "Commerce électronique:
pourquoi vous [les entreprises] n'y échapperez pas".
Partagez-vous cette analyse?
Toutes les entreprises ne seront pas concernés par
le commerce électronique. Un très grand nombre d'activités
entrent dans le domaine du BtoB mais, dans le BtoC (commerce grand
public, ndlr), il n'y aura pas beaucoup de gagnants à l'arrivée.
Il va se produire une concurrence réelle entre le commerce
électronique et les activités "physiques".
Les intégrateurs et les éditeurs de logiciels se
ruent vers le commerce électronique mais ils ne sont pas
conscients de son impact réel. La concurrence est mondiale
et le jeu ne va fonctionner qu'avec un petit nombre d'acteurs.
Les petits sites indépendants
n'ont aucune chance?
A l'exception des sites proposant des offres communautaires et
des hyper niches, ils n'ont effectivement aucune chance. Regardez
ce qui s'est passé avec l'installation de la Fnac rue de
Rennes à Paris. Des disquaires indépendants ont
voulu faire face. Ils ne sont pas restés très longtemps.
Le phénomène sera le même sur l'Internet.
La Fnac est partout sur le Web. Tout est basé sur le modèle
Microsoft: ceux qui ont commencé à gagner des parts
de marché ne peuvent plus s'arrêter. Le cas Amazon
est typique: les utilisateurs n'ont aucune raison d'aller voir
ailleurs compte tenu des services proposés.
Comment se faire une place alors?
L'utilisateur a des heures réduites de consommation.
L'objectif pour le commerçant en ligne est d'avoir une
part d'attention de l'utilisateur dans ce créneau. Il faut
capitaliser sur l'aspect fidélité. Le capital d'attention,
c'est très important. Et puis, il ne faut pas jouer uniquement
sur son site mais sur le Web mondial. Il devient de plus en plus
nécessaire d'adopter une stratégie de syndication,
c'est à dire d'établir des fusions de contenus,
de marier des offres pour attirer l'attention. On est dans une
économie de réseaux. Plus il y a d'utilisateurs,
plus le bouche-à-oreille fonctionne. Ce n'est pas une question
de moyens mais une question d'intelligence de la mise en oeuvre
des moyens.
Quelle orientation stratégique
avez-vous pris pour vos activités?
Nous misons sur deux activités principales: l'hébergement
de sites"à mission critique" qui va connaître
un réel essor et le développement de sites. Chacune
de ces activités représente environ la moitié
du chiffre d'affaires global. Nous nous concentrons sur trois
domaines: le commerce électronique, l'édition en
ligne et la notion de communauté. Nous repoussons la stratégie
"champignonne" et "attrape-tout" de l'Internet.
Sur
quels projets vous concentrez-vous précisément?
La
refonte du site La Redoute, qui va regrouper toutes ses activités
en ligne sur une unique plate-forme. Le vépéciste
devrait y présenter son prochain catalogue automne-hiver.
Nous avons également un projet Carrefour qui a démarré
en début d'année. Nous travaillons aussi sur d'autres
projets, qui ne touchent pas directement au commerce électronique.
Il est encore trop tôt pour en parler.
Rencontrez-vous
des problèmes de recrutement pour France Net?
Plus maintenant. Nous arrivons à débaucher de jeunes
ingénieurs de SSII car ils ont l'impression de ne plus
rien apprendre. Il y a quelque temps, l'ingénieur recherchait
le prestige de l'uniforme et un bon salaire. Ce n'est plus suffisant
aujourd'hui. Ils veulent d'abord travailler sur des projets excitants.
Quelle
est votre plus grande réussite depuis la création
de France Net?
Disons
qu'après cinq années d'existence, on a vraiment
l'impression de rentrer dans le vif du sujet. Le grand avantage
d'être présent depuis le tout début, c'est
de s'apercevoir que le Net change tout le temps. La veille technologique
pour nous, c'est une seconde nature.
Qui
sont vos concurrents principaux?
Entendons-nous
bien sur le terme concurrence: ce sont les sociétés
que l'on rencontre le plus souvent lors des appels d'offres. En
l'occurrence France Télécom Hébergement et
Atos.
Quel
chiffre d'affaires escomptez-vous en 99?
Nous
avons réalisé 23 millions de francs en 98. Nous
comptons atteindre 45 millions en 99. Il faut bien comprendre
que l'année 98 a été une année charnière
chez nous avec la réorganisation de nos activités.
Quel est votre site d'information
favori?
ZDTV-Radio
sur Explorer 5. C'est sympa d'écouter la radio en continu
tout en faisant d'autres activités. J'aime bien E*Trade
également parce qu'il me fait gagner de l'argent. En revanche,
le design est cauchemardesque.
Qu'achetez-vous sur le Net ?
Je suis un super consommateur de commerce électronique:
j'achète tous les cadeaux de Noël sur Marcopoly,
amazon.com.
En revanche, Travelocity
et Expedia
sont de très mauvais sites. J'ai cherché une fois
une destination pour aller au soleil. La requête n'a rien
donné. Après avoir choisi le Mexique, il fallait
choisir la ville! J'ai pris contact avec mon agence de voyages
qui offre de meilleurs services.
Qu'aimez-vous sur le Net ?
Je ne sais pas vraiment... L'Internet est devevu
un outil si banal. Je sais en tous cas que je ne pourrais pas
m'en passer.
Que détestez-vous ?
Les mails. Quand on en reçoit des centaines
par jours, on sature.
Rafi Haladjian, 38 ans, a commencé sa carrière
comme responsable multimédia chez Bottin-Sysmark (1982-1992).
Il a créé FranceNet en 1994.
France Net :