Loïc
Le Meur, 27 ans, HEC, le fondateur de B2L et de Rapidsite.fr qui
a revendu ses start-up respectivement à BDDO, en septembre
1999, et à France Télécom, en décembre
1999, lance
Business Pace, une plate-forme B to B quíil prépare
depuis deux mois. Objectif à court terme: trois créations
de sites. A plus long terme: quatre prises de participations.
Propos recueillis par Catherine
Pinet
le 1er mars 2000
.
JDNet.
Vous êtes un business angel ou un entrepreneur?
Loïc Le Meur. Je détiens des participations à titre
personnel dans Magique
Emilie et Wine&Co,
dont je suis le co-fondateur. Business Pace détient une partie
du capital de Immostreet.com
et de Skihorizon.com
(500.000 francs chacunes).
Quel
est le rôle de Business Pace ?
Business Pace n'est ni un incubateur ni un capital risqueur, c'est
une plate-forme B to B. Elle crée et finance des start-ups qui
sont des entreprises propres qui disposent díun patron entrepreneur
impliqué financièrement dans le capital. Les salariés bénéficient
de stock-options. Nous sommes nos propres clients, en réalité.
l'équipe de Business Pace apporte à nos start-ups une expertise
financière, en ressources humaines, en juridique, en technologie
et en marketing et communication. Pour l'instant, nous en avons
lancé deux. Marketo.com, dédié aux PME/PMI, met en relation des
acheteurs et des fournisseurs. Actibox est un outil de messagerie
unifiée. Les fax et messages vocaux arrivent via un numéro de
téléphone directement dans la boîte mail en fichier attaché. Ces
deux start-up réaliseront une première levée de fonds au premier
semestre 2000. Nous projetons la création de cinq start-ups cette
année.
Comment
est financé Business Pace ?
Jíinvestis mes fonds personnel dans la société à hauteur de 10
millions de francs. c'est confortable, puisque jíai lancé B2L
et Rapidsite
avec 100.000 francs. Dans un mois et demi, nous allons effectuer
une levée de fonds entre 100 et 150 millions de francs. Et jíai
très envie de vivre l'expérience boursière.
Allez-vous
vendre Business Pace, comme vous avez vendu vos deux start-ups
précédentes ?
Ce que jíaime faire, c'est créer. Le développement, ce n'est pas
ma spécialité. Mais avec cette agence, je peux créer sans arrêt.
Je ne me dirai jamais que jíai fini un travail, puisque la création
est permanente ici. Donc, non, je ne vendrai pas.
Quíallez-vous
faire, alors ?
Mon but est de développer Business Pace à l'international. BBDO
qui avait une participation minoritaire dans B2L, au début, était
déjà international. Rapidsite venait du modèle de l'américain
Rapidsite Inc. Je ne me suis donc pas directement exprimé à l'international.
Pour Business Pace, cette démarche me semble immédiatement essentielle.
En Asie, díabord.
Pensez-vous
acheter des sociétés extérieures ?
Oui. Et notre entrée en Bourse le permettra.
Le
phénomène internet, c'est quoi selon vous ?
Ce qui se passe est unique. Internet est à hauteur de la révolution
de l'imprimerie, de l'électricité ou du téléphone. c'est aussi
la ruée vers l'or.
Justement,
que pensez-vous de cet engouement pour les levée de fonds ?
Il y a du positif et du négatif. Je trouve que c'est très sain
parce que cela donne la possibilité à des nouveaux acteurs de
se développer. B2L et Rapidsite ont été développés en auto-financement.
Jíai fait partie de ceux qui ont essayé de convaincre de grandes
entreprises tel Peugeot avec B2L. Et décrocher 100.000 francs
il y a trois ans, ce n'était pas simple ! Aujourdíhui les jeunes
entrepreneurs lèvent des millions et des millions. Mais les start-ups
qui font de grandes campagnes de publicité en 4 par 3, et n'ont
aucun contenu pour assumer derrière me font peur. Elles sont vouées
à l'échec.
Comment
voyez-vous les grandes entreprises face aux start-ups ?
Les grandes entreprises ont à faire face à trois problèmes
différents. Díabord, elles ont du mal à garder leurs bons éléments,
fatalement attirés par la création de start-ups. Ensuite, elles
ont du mal à recruter puisque tout le monde se tourne vers les
start-ups. Et enfin, elles doivent bien se faire à l'idée que
les start-ups peuvent obtenir autant de moyens financiers quíelles
en levant des fonds.
Des
solutions pour ces grandes entreprises ?
c'est simple: le Web. Mais pas la création díun site. Les grandes
entreprises doivent prendre l'exemple de développement des start-ups.
Les trois clefs sont: 30% du capital aux collaborateurs, des alliances
avec des concurrents et laisser entrer des capitaux risqueurs.
Ca, on ne le voit pas aujourdíhui. On voit AOL
qui síallie à Time Warner, c'est tout. Si les entreprises ne réagissent
pas, les sites marchand virtuels vont racheter les magasins physiques.
Quelle
morale avez-vous tirée des deux précédentes start-ups que vous
avez lancées ?
Primordial : la constitution et le respect díune équipe. Ensuite,
l'important, c'est l'obsession des résultats. Essentiel aussi:
il faut se concentrer sur le besoin et non l'idée. c'est ce que
jíai toujours fait. Pour B2L, sur le besoin de Peugeot; pour Rapidsite,
le besoin díune offre rapide, et pour Business Pace, mon besoin
de créer. Les jeunes se focalisent sur une idée. Si les gens n'en
ont pas besoin, ça ne sert à rien. Et il faut cibler sur le long
terme. Les coup díéclat et le court terme ne mènent à rien.
La
grande tendance de l'internet ?
c'est le B to B. Un espace gigantesque encore peu exploité en
Europe. Et c'est pour ça que je mise sur Business Pace. Le B to
B se décline en quatre volets : l'horizontal, le vertical, les
outils et le contenu. Nous les exploitons tous et nous créons
une synergie entre elles.
Et
le group buying ? La vente aux enchères ?
Ce type díoffres est arrivé à maturité, il me semble. Quand on
crée un concept, on peut être le premier, et on a des perspectives
de croissance et díintroduction en bourse, le second, le troisième
ou le quatrième, mais après, c'est trop tard. On revend aux grosses
dotcoms ou on meurt.
Dans
10 ans, vous ferez quoi ?
Si on míavait dit il y a trois ans ce que je fais aujourdíhui,
je ne l'aurai pas cru. Alors, dans dix ans... aucune idée. Je vis
au jour le jour.