Interviews

Laurence Milhau
Chef de groupe multimédia
Mediapolis

Entre les annonceurs et les sites, on trouve outre les régies qui représentent ces derniers, les centrales d'achat d'espace qui négocient pour le compte des marques l'achat des campagnes et les conseillent sur les stratégies à suivre. Médiapolis (filiale de l'espagnol MediaPlanning et de Havas Advertising) est l'un de ces acteurs charnières de la pub online, observateur critique d'une industrie naissante.

Propos recueillis par Fabien Claire le 21 janvier 2000 .

JDNet: On connaît peu en général le nom des agences média, mais plutôt ceux de leurs annonceurs, qui sont vos principaux clients?
Laurence Milhau: Mediapolis travaille aujourd'hui avec une vingtaine d'annonceurs majeurs, à la fois dans les médias classique et sur Internet. Parmi eux les deux principaux pour nous sont France Télécom et Intel, puis les groupes Addeco, Air France, Darty, le groupe Nec... Pour Intel, nous communiquons principalement à l'International avec tous les marchés à l'exclusion des marchés américains et asiatiques. Pour France Télécom, il s'agit principalement d'une présence sur le marché français.

Quels sont les budgets de vos campagnes online ?
Les tickets d'entrée varient en fonction des cibles et des pays. En France une campagne moyenne grand public tourne autour de 300.000 francs alors qu'une campagne professionnelle se situe plutôt autour de 200.000 francs. En revanche pour une campagne de lancement, les budgets sont souvent nettement plus importants. Notre budget annuel le plus élevé en France a porté sur une campagne d'une enseigne France Télécom d'un budget de 2,5 millions, et un budget de 5-6 millions de francs sur le marché américain, toujours pour une enseigne France Télécom. A l'inverse, le budget minimum pour une campagne online se situe aux horizons de 100.000 francs. Cela peut concerner à la fois pour des opérations "tests" de grands annonceurs online (Galeries Lafayette, Société Générale, Kompass pour leurs premières campagnes), mais aussi de budgets complémentaires.

Comment choisissez-vous les sites supports de vos campagnes ?
Plusieurs paramètres sont pris en compte, mais l'une des idées majeures est de se concentrer davantage sur la sélection des affinités contextuelles que sur des cibles. Nous préférons les sites éditoriaux aux sites généraux et, lorsque nous utilisons des sites a priori généraux comme Voila, Yahoo, nous privilégions leurs contenus éditoriaux, leurs sous-catégories. Les rotations générales et pages d'accueil ne sont utilisables que pour des lancements de produits. Nous raisonnons d'abord en termes de centres d'intérêts. La difficulté est qu'il n'y a pas encore beaucoup d'analyses "socio/démo" sur l'Internet, nous travaillons avec les outils de Médiangles et Médiamétrie et en utilisant une base de données développée en interne sur nos retours d'expérience, les sites qui marchent... Le feeling pour dire vrai est également déterminant dans le planning.

Les campagnes évoluent peu sur la forme. La bannière classique domine toujours largement le marché, ne le regrettez-vous pas ?
Il y a d'abord un problème de manque de flexibilité des supports qui n'acceptent pour la plupart que du HTML ou des gifs animés. Les rares expériences que nous avons tentées nous ont vites refroidis. Nous avons travaillé sur une campagne Itinéris en DHTML et même après avoir vérifié que tous les supports avaient déjà utilisé cette technique, nous avons été confrontés à d'innombrables problèmes. La mise en ligne a duré près de 15 jours, certains sites ne pouvaient plus donner de statistiques, certains navigateurs n'affichaient pas les bannières. Les autres technologies comme le Shockwave ou Java nous ont également posé des problèmes. Les annonceurs eux-mêmes sont plutôt réticents.

Quid des autres formes de communication comme le sponsoring ?
Nos très grands annonceurs, France Télécom et Intel, ont une grande demande en la matière, mais tout dépend de ce que l'on entend par le "degré" de sponsoring. Nous venons de mettre en place un véritable sponsoring d'Intel sur le site des "Echos", avec la prise en charge d'une nouvelle rubrique "High Tech". Ce type d'opération prend beaucoup de temps et nécessite l'intervention de très nombreux acteurs (créatifs, éditeurs, commerciaux, annonceurs... ). Ce type de partenariat implique un lourd travail et un grand degré de synergie entre les différents acteurs. Les annonceurs concernés sont les très grandes sociétés, déjà très présentes sur le marché, qui souffrent parfois d'une baisse du taux de clic de leur campagne. Il leur faut travailler sur d'autres formes de communication pour éviter toute banalisation de leur image.

Quelles réflexions vous inspire l'attitude des différents acteurs du marché ?
Côté annonceurs, on distingue les grands annonceurs qui ont plutôt une démarche à la fois attentive et prudente en matière de pub online. Ils attendent d'abord que le média se professionnalise, que des outils d'analyse plus fiables apparaissent. Alors ils rentreront certainement en masse sur le marché. D'autres annonceurs sont au contraire des clients captifs de la pub online. C'est le cas à la fois des "dot.com" (les start-ups Internet, ndlr) mais aussi et surtout des grands acteurs du secteur informatique et télécom qui sont très présents sur le réseau tout en étant conscients de l'immaturité du secteur. Les créatifs, eux, n'ont pas encore fait preuve de beaucoup d'imagination, mais le bandeau de 20 cm¾ n'est pas non plus un espace facile à apprivoiser. Les choses devraient évoluer car, le marché grandissant, les agences commencent à constituer des équipes spécialisées dans la pub online. Je pense que d'ici un ou deux ans apparaîtront de véritables bandeaux audio-vidéo.

De quels outils disposez-vous pour la mesure d'audience ?
Nous travaillons d'abord avec les outils de Médiangles, Cybermétrie et Médiamétrie dont la méthodologie est moins remise en cause que les autres. Le département étude de Mediapolis nous a permis de développer notre propre base de données sur nos retours d'expérience, de meilleur taux de clic ou de moins bon. Nous avons ainsi dressé un palmarès des sites nous offrant le meilleur taux de clic et un bon coôt par clic, ainsi qu'une liste des sites "à problème". Notre base sur les meilleurs emplacements compte plus de 2.000 entrées. Ces outils ne sont pas encore satisfaisants mais progressent. Le CESP (Centre d'Etude des Supports de Publicité) travaille avec tous les acteurs à l'optimisation de ces outils. C'est en cela que le média a besoin de se professionnaliser. Nous devrions atteindre un niveau de fiabilité satisfaisant d'ici un an, un an et demi au plus tard. A défaut, cela posera de sérieux problèmes...

Quelle est, pour vous, votre meilleur campagne ?
En dehors de la rubrique High-Tech d'Intel sur le site des Echos, nous avons obtenu plus de 2% de taux de clic sur une campagne des Galeries Lafayette à partir d'un mannequin virtuel.

Et la plus décevante ?
Sans citer d'exemple particulier, il s'agit de toutes les campagnes dans lesquelles l'annonceur ne nous donne pas toutes les clefs dès le début ! Ce sont des cas dans lesquels le client n'exprime pas vraiment son attente et valide une campagne qui ne le satisfait pas, ou pire encore, lorsqu'il veut communiquer sur Internet alors qu'il n'a aucune raison de le faire.

Qu'est-ce qui ne marche pas dans la pub online ?
Les campagnes 100% image ne fonctionnent pas sur le Net. Internet n'est pas un média de masse. Avec seulement 5,6 millions d'internautes, la page d'accueil de Yahoo ne sera jamais le 20 heures de TF1.

Quel est aujourd'hui le coôt de la pub en ligne ?
Pour raisonner en terme de CPC (coôt par clic), un coôt correct se situe entre 10 et 15 francs. Un coôt inférieur à 10 francs est une bonne opération. Le CPM (coôt pour mille pages achetées) présente lui moins d'intérêt, mais un CPM de site grand public tourne entre 100 et 150 francs alors qu'un CPM "business" est plus proche de 200 francs.

Comment voyez-vous évoluer le secteur en 2000 ?
Je pense que nous allons assister à une rationalisation. Aujourd'hui, tout part dans tous les sens. Le discours va se professionnaliser, et les acteurs vont acquérir une culture média, en particulier les nouvelles recrues qui en manquent beaucoup aujourd'hui. A titre anecdotique, j'ai rencontré un client auquel son agence avait expliqué que les outils étaient tellement précis que l'on pouvait connaître l'identité de l'internaute cliquant sur une bannière publicitaire sans qu'il ait été enregistré auparavant.

Quel est votre site favori ?
Je visite souvent les sites de Libé et Télérama... J'utilise également souvent l'excellent site américain de cartes virtuelles Blue Mountain Arts.

Avez-vous déjà acheté en ligne ?
Souvent. J'ai acheté mon sapin de No&iulm;l en décembre sur le Net après avoir vu une pub pour Akabi, un site de group-buying. J'achète aussi très souvent des fleurs sur Aquarelle.

Qu'est-ce que vous aimez sur Internet ?
D'abord l'infinie richesse des informations. On peut tout trouver sans même vraiment savoir ce que l'on cherche. Je fais souvent des recherches pour ma petite cousine qui fait des études médicales, je lui trouve pratiquement toujours ce qu'elle recherche alors que franchement, je ne comprends pas toujours ce que je cherche.

Et que détestez-vous ?
La lenteur d'abord, mais aussi les sites mal conçus, non structurés, dans lesquels il faut cliquer 15 fois pour trouver le sommaire !

Laurence Milhau se distingue par un parcours original avec une maîtrise en droit publique et un diplôme de l'institut de criminologie puis une maîtrise de Communication.Elle a ensuite intégré l'équipe Marketing direct, chez l'annonceur et en agence,(service hors média de Médiapolis Ressources), puis le département internet en avril 1998 après un passage de sept mois comme chargée de com chez l'annonceur au Maroc.

Médiapolis France en chiffres :

Effectifs
152 personnes
dont 22 pour l'Internet
Clients
France Télécom, Intel, Groupe NEC, Adecco, Société Générale, Multimania, Kompass...
Chiffre d'affaires 99
106 millions de
francs bruts

Chiffre d'affaires 2000 (prévisions)

>200 millions de francs bruts






 

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