Intel,
le géant américain des micro-processeurs, développe
une politique mondiale d'investissement dans des sociétés
développant des solutions Internet ou engagées dans
les services en ligne, marchand ou non. Les engagements d'Intel
dans ce domaine en Europe sont grandissants. En France par exemple,
Intel a récemment pris des participations minoritaires dans quatre
start-ups françaises, Multimania, Chateau Online, iMediation (affiliation)
et NetCentrex (voix sur IP).
Propos recueillis par Philippe Guerrier le 21 mars 2000
.
JDNet.
Depuis quand Intel développe une politique d'investissement
dans les sociétés "high tech" ?
Christian Waldvogel. Cela a commencé il y a dix
ans. A partir de fin 98, cette activité a commencé
à se développer en dehors des Etats-Unis : en Europe,
au Brésil, en Inde, an Chine, etc. La structure en charge
des investissements, qui est baptisée Intel Capital, dispose
d'un fonds de capital de 8 milliards de dollars (7 milliards de
dollars investis dans des sociétés cotées
et 1 en non cotées). En ce qui concerne l'Europe, elle
regroupe maintenant une quinzaine de personnes. Le portefeuille
est composé de 350 sociétés. Rien que pour
le quatrième trimestre 99, nous avons revendu 300 millions
de dollars de nos parts dans des sociétés dans lesquelles
nous avions investies.
Vouis
orientez vos investissements dans quels secteurs "high tech"
?
Dans nos portfolio, 10% des sociétés appartiennent
au domaine des semi-conducteurs, 40% dans le domaine du e-commerce/contenu
(LatsMinute, eToys...). Nous voulons rester en contact avec le
contenu sur Internet en dehors de nos activités traditionnelles.
Et puis, Intel veut développer les sites avec des technologies
performantes qui nécessitent des processeurs nouvelles
générations toujours plus puissants. 40% des sociétés
sont rattachés au domaine des serveurs (Inktomi, Real,
Broadcast, iMediation, etc.) et 10% dans le secteur des télécom
avec un intérêt particulier dans le domaine du haut
débit, du WAP et de l'optique.
Quelle
est la ligne directrice de voitre stratégie d'investissement
?
Nous voulons devenir fournisseur de composants pour toutes les
strates de l'économie du Net, que ce soit pour les PC ou
les outils de téléphonie mobile. Nous avons ouvert
un Research Center sur le WAP à Stockholm. Cela nécessite
une stratégie de diversification de nos activités.
Parmi les nouveaux services Intel Online, on peut citer l'hébergement
de sites, qui a commencé en mai 99. Nous disposons d'un
centre à Santa Clara, Washington et Londres. Nous allons
continuer notre implantation en Europe, France y compris. La date
n'est toutefois pas encore fixée.
Comment
fonctionne Intel Capital ?
Nous avons ni structure propre, ni fonds dédiés
à l'Europe. Intel sort son propre cash pour investir. Du
coup, nous ne sommes pas limités dans le montant de l'investissement
ou la durée. Il existe toutefois deux fonds spécifiques
: l'un qui s'appelle IA64, créé en avril 99, est
doté de 200 millions de dollars. Dans ce fonds, on trouve
des partenaires comme Hewlett Packard, Boeing ou General Electric.
Il permet d'investir dans des sociétés qui ont besoin
de logiciels de forte puissance, qui développent de nouvelles
plate-formes. Le deuxième fonds, Intel Communication Fund
appartient à 100% Intel. Il sert à pousser deux
standards industriels de composants réseaux.
Qui
prend les décisions d'investir ?
Nous avons une organisation originale. Au sein de la division
"Produits" aux Etats-Unis, nous élaborons une
stratégie locale avec cette problématique : sur
quelle stratégie d'investissement peut se greffer cette
société ? Si je trouve un investissement qui entre
dans notre cible, je dois chercher un parrain, par exemple le
vice-président de la division "Produits". Celui-ci
est chargé de mettre les ressources et de soutenir le projet
devant le conseil d'investissement aux Etats-Unis.
Dans
quelles conditions investissez-vous dans les sociétés
?
Nous investissons entre 1 et 10 millions de dollars sur chaque
opération, ce qui correspond généralement
à une prise de participation de 5 à 15% du capital
d'une société.
Comment
cherchez-vous à optimiser les investissements ?
Nous passons des accords stratégiques avec la société
lors de notre décision d'investir. Nous élaborons
une recherche d'objectifs sur six mois avec une méthodologie
de travail. Derrière l'aspect technologique, nous avons
une approche marketing. Nous cherchons à donner de la visibilité
aux sociétés via notre réseau de 350 sociétés.
Au sein de ce réseau, nous organisons d'ailleurs des séminaires
pour partager les expériences.
Aidez-vous
les entreprises françaises à pénétrer
le marché américain ?
Nous ouvrons des portes. Nous facilitons l'introduction de comptes
aux Etats-Unis.
Comment
vous distinguez-vous des sociétés de capital-risque
?
Nous avons un rôle complémentaire. Tout ce qui concerne
par exemple le renforcement d'une équipe de managers n'est
pas notre objectif.
Quels
sont vos critères d'investissement ?
Nous étudions les performances et les perspectives en terme
d'innovation, de développement à l'international.
Nous étudions l'impact du site ou de la technologie sur
le marché mondial et évaluons sa croissance. Nous
n'avons pas déterminé de critères de rentabilité
mais nous avons des critères de valorisation, les mêmes
que ceux des capitaux-risqueurs.
Prenons
des exemples d'investissement concrets en France. Pourquoi Intel
a pris des participations dans MultiMania ?
C'est une participation spécifique. Son taux de pénétration
est important. La société a donc un fort impact
en France. On ajoute de plus en plus de technologies spécifiques
pour créer les pages perso (streaming, flash, etc.). Ces
derniers ont de plus en plus riches et ils nécessitent
des ordinateurs avec des processseurs de plus en plus puissant.
Nous orientons le marché de l'Internet vers le haut.
Vous
déteniez 5,42% du capital de Multimania avant son introduction
au Nouveau Marché. Quelle est la valorisation des parts
d'Intel après IPO ?
Je n'ai pas encore fait le calcul mais c'est clairement une bonne
opération pour nous.
Et
Chateau Online ?
C'est une application e-commerce, qui a un objectif paneuropéen.
Le site est déjà développé en trois
langues. Là aussi, nous travaillons sur l'aspect technologie.
Pourquoi
ne pas créer vos propres services en ligne "Intel"
?
Nous voulons rester focalisés sur notre coeur de métier.
Nous n'avons pas le management pour faire ça. Toutefois,
nous avons le service Weboutfitter, qui développe du contenu
nouveau sur Internet. En matière de e-commerce, nous réalisons
les deux-tiers de nos ventes via Internet en B to B et un milliard
de dollars de revenus par mois grâce au Web.
Que
pensez-vous du développement de l'activité de financements
des projets de sites web ?
On sent un engouement très fort autour des sociétés
d'investissement. En France, le réseau de capital-risque
est extrêmement développé. Des cabinets d'avocats
spécialisés dans les nouvelles technologies
commencent à apparaître, comme en Californie. Une
différence toutefois : 30% des grands capitaux-risqueurs
aux Etats-Unis sont des grands industriels. En Europe, on tombe
à 10%. Mais ça monte.
Quels
sites d'informations aimez-vous consulter ?
J'aime beaucoup le site du magazine "high tech" Tornado
Insider. C'est un peu le "Red Herring" de l'Europe.
Qu'achetez-vous
sur Internet ?
Des billets d'avions, des livres mais je n'ai pas de site à
citer particulièrement.
Qu'aimez-vous
sur Internet ?
La quantité d'informations.
Que
détestez-vous ?
On pourrait faire des efforts sur la bande passante.
Christian
Waldvogel détient un doctorat en cryptographie et un master en communication
de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich ainsi qu'un master de
l'Université de Princeton aux Etats-Unis. Il a travaillé chez Intel
à Munich en tant que responsable européen du programme du groupe
dans les réseaux à hauts débits et chez l'Organisation européenne
des satellites (Eutelsat) à Paris en tant que chef de projets des
services multimédia et représentant officiel d'Eutelsat dans divers
comités de standardisation du DVB. En tant que directeur du développement
stratégique, Christian Waldvogel est responsable des investissements
du groupe Intel pour la France, la Suisse, le Bénélux et l'Europe
du Sud.