Rubrique Juridique

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Protéger la technologie
dans les pactes d'actionnaires
- 13 février 2001 -

A l'heure des fusions et acquisitions, la valorisation des actifs technologiques devient un élément central pour les start-up. Loin d'être uniquement financière, cette question est également hautement juridique.

par Olivier Iteanu, avocat.

Le marché français connaît aujourd'hui de nombreuses prises de participation ou de contrôles dans de jeunes sociétés du secteur des nouvelles technologies. Ces investissements s'orientent cependant plus nettement vers des entreprises disposant d'actifs technologiques ou d'un savoir-faire dans le domaine. Dès lors, la question de l'appropriation de ces technologies se pose avec acuité. Pour transformer cette création en richesse, il s'agit de savoir si l'entreprise, d'une part, dispose des droits les plus larges sur cette technologie, et d'autre part, et corrélativement, si elle dispose du droit de les rendre opposable aux tiers, et en particulier aux concurrents.

Définir la paternité des actifs

Cette question de la propriété des technologies se retrouve à tous les niveaux d'un investissement. On la retrouve tout d'abord au stade de la "due diligence", ou de l'audit préalable, qui est généralement réalisée avant l'éventuelle décision d'investir. Là, des contrôles seront faits pour vérifier la réalité technologique et la question de sa propriété. Une fois la décision d'investir prise, les fondateurs de l'entreprise seront souvent amenés à consentir à leurs investisseurs des garanties sur le passé. C'est ce qu'on appelle la convention de garanties d'actif et de passif. Aux termes de cette convention, il est demandé aux fondateurs de formuler un certain nombre de déclarations solennelles qui les engagent à titre personnel. Ces déclarations sont censées confirmer les éléments décelés dans l'audit. Elles concerneront à coup sûr et pour partie, la paternité des actifs technologiques. Enfin, les contrats d'investissement, qui engagent quant à eux pour l'avenir, sont le troisième contrat éventuellement conclu à l'occasion d'un investissement. Ils comportent souvent l'engagement d'accomplir dans le futur des formalités, voire de conclure des contrats dans le but de mieux protéger la technologie au cœur de l'investissement.

On le voit donc, la technologie et la question de sa protection sont présentes à tous les stades de l'investissement. Deux remarques cependant doivent être faites. D'une part, la valeur de ces entreprises, loin d'être d'ordre comptable, est souvent liée à l'existence et à la propriété d'une technologie. On comprend dès lors l'importance de la question. La question juridique de la propriété immatérielle impacte directement les accords financiers. D'autre part, la technologie est étroitement liée aux hommes et … inversement. Un audit technologique commence toujours pas identifier les éléments appropriables qui existent au sein des actifs de l'entreprise (logiciels, bases de données, contenus de type littéraires, artistiques, etc.), qui diffèrent bien évidemment en fonction de l'activité développée. Chaque élément est ensuite associé à une technique juridique d'appropriation adéquate. Ces techniques juridiques relèvent essentiellement des droits d'auteur, du droit sur les bases de données ou du droit des brevets.


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La question de la protection comporte le contrôle de deux volets principaux. La protection dite défensive consiste à s'assurer que les contrats en général ne font pas courir le risque d'une évasion de la technologie. A ce titre, les contrats de travail des employés seront un premier élément, notamment au travers de leurs clauses (confidentialité, non concurrence, interdiction de disposer en dehors de l'entreprise de documents de travail, restitution ou destruction de tels documents aux termes du contrat de travail quel qu'en soit la cause). Les contrats commerciaux passés avec les fournisseurs, sous-traitants, sociétés ou travailleurs indépendants, devront comporter des clauses assez semblables.

Le second volet concernera la protection dite offensive. Il s'agira ici de vérifier que toutes les formalités protectrices ont été réalisées. Pour les brevets, dessins et modèles (interfaces graphiques par exemple) et également marques, il sera vérifié que tous dépôts attributifs de droits auront été correctement effectués. On appelle dépôts attributifs de droits des dépôts opérés auprès d'un organisme en vue de se voir attribuer, à l'issue d'une vérification plus ou moins formelle, un titre de propriété sur l'objet du dépôt. Ces dépôts sont régularisés, au niveau national, auprès d'un organisme public, l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Pour le droit d'auteur et le droit des bases de données, il n'existe pas de dépôts attributifs de droits.

Protéger les droits d'auteur

En revanche, il est recommandé d'opérer des dépôts dits probatoires, c'est-à-dire qui prouvent l'existence d'un droit à une date donnée et sur un élément déposé. Ces dépôts peuvent être très simples, comme l'envoi à soi même d'une lettre recommandée AR, ou plus formels, comme le dépôt chez un Huissier ou Notaire. En matière informatique, les auteurs de logiciels ont souvent recours à l'Agence pour la Protection des Programmes (APP) basée à Paris et disposant d'accords avec l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Ces dépôts ne constituent certes que des présomptions qui peuvent être combattus par une preuve contraire apportée par un tiers. Cependant, ils confèrent à celui qui s'est fendu de la formalité un avantage certain, une présomption de paternité à la date de réalisation de sa formalité.

On le voit donc, la protection de la technologie à l'occasion d'un investissement, engendra des démarches obligatoires et complexes de vérification. Des démarches qui sont directement corrélées à la décision d'investissement et à la hauteur de l'investissement. La technologie est partout, même là où on ne l'attendait peut être pas…
[oiteanu@iteanu.com]

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