Chaque
semaine, gros plan sur la loi et l'Internet
Vente
de voitures par l'internet
et droit de la concurrence
- Mercredi 21 août 2002 -
Que
va changer le nouveau réglement adopté par l'Union
européenne encadrant la distribution automobile. Jusqu'où
pourront aller les distributeurs sur Internet ? Décryptage.
Avec
l'avènement de l'euro et la banalisation du commerce électronique,
de nouveaux marchés s'ouvrent pour la vente transfrontalière
de voitures neuves ou d'occasion. Constatant un retard dans
ce domaine par rapport aux Etats-Unis, où la vente de véhicules
par internet est monnaie courante, la Commission européenne
a décidé d'adopter une réforme audacieuse des règles de concurrence
applicables au secteur automobile. Le traité CE contient en
effet une disposition fondamentale, l'article 81, paragraphe
1, qui interdit les accords ayant des effets anticoncurrentiels.
Toutefois,
le traité habilite la Commission à exempter certains accords
anticoncurrentiels considérés comme "bénins". C'est
ainsi que la Commission exempte, par règlement, des catégories
entières d'accords, à condition qu'ils respectent certaines
exigences et qu'ils ne contiennent pas de restrictions caractérisées.
Le nouveau
règlement adopté pour le secteur des véhicules automobiles
constitue un exemple d'exemption par catégorie. Ce nouveau
règlement remplace le règlement (CE) n° 1475/95 d'exemption
par catégorie, qui est entré en vigueur en 1995, et qui expire
le 30 septembre 2002. Le nouveau règlement sectoriel énonce
des conditions d'exemption plus strictes qui s'appliqueront
aux accords de distribution et de service après-vente de véhicules
automobiles neufs. Il sera également applicable aux services
de vente et d'après-vente de tous les véhicules automobiles.
Le nouveau règlement devrait entrer en vigueur le 1er octobre
2002. Une période de transition d'un an sera toutefois instaurée
pendant laquelle tous les accords de distribution préexistants
devront être mis en conformité avec les nouvelles règles.
Choix
entre distribution sélective ou distribution exclusive
Les constructeurs automobiles pourront dorénavant choisir
entre deux systèmes de distribution :
- la distribution exclusive, où chaque concessionnaire
agréé par le constructeur se voit attribuer un territoire
de vente. Dans ce système, les concessionnaires peuvent se
lancer dans des ventes actives à des opérateurs indépendants
au sein de leur territoire exclusif, et approvisionner, s'ils
sont contactés en ce sens, des consommateurs finals et tous
types de revendeurs qui sont situés en dehors de leur territoire.
Ces ventes actives au sein du territoire, et les ventes passives
à l'extérieur du territoire, devraient créer les conditions
permettant d'améliorer la concurrence par les prix dans l'ensemble
de l'UE par rapport au régime actuel, qui interdisait toutes
les ventes actives en dehors du territoire, ainsi que les
ventes aux opérateurs indépendants.
- la distribution sélective, où les concessionnaires
sont choisis en fonction d'un ensemble de critères qualitatifs
(ex : obligation d'avoir un show-room défini) ou quantitatifs
(ex : quotas de ventes annuels), mais ne se voient pas attribuer
un territoire de vente. Les distributeurs appartenant à un
système de distribution sélective pourront se lancer dans
des ventes actives à travers l'Union européenne.
Le nouveau
règlement permet en outre aux détaillants de vendre plusieurs
marques à la fois. Les constructeurs automobiles seront seulement
autorisés à exiger que leurs véhicules soient exposés dans
une zone réservée à leurs marques chez les détaillants. Le
régime actuel imposait des conditions telles que des locaux
séparés, des entités juridiques différentes et une gestion
distincte: par conséquent, pour la plupart des distributeurs,
le multimarquisme ne constituait pas une solution économiquement
viable.
La
distinction ventes actives / ventes passives
Qu'entend-on par ventes passives ou actives sur l'internet ?
La Commission européenne a apporté des éclaircissements à
cet égard. En effet, dans ses "lignes directrices sur les
restrictions verticales" relatives au règlement d'exemption
du 22 décembre 1999 (général pour tous les secteurs de distribution),
la Commission énonce que "l'utilisation de l'Internet à des
fins publicitaires ou de vente de produits est en général
considérée comme une forme de vente passive, dans la mesure
où un site n'est pas clairement conçu de manière à atteindre
en premier lieu des clients se trouvant à l'intérieur d'un
territoire ou d'un groupe de clientèle exclusivement concédé
à un (des) autre(s) distributeur(s), par exemple en utilisant
des bandeaux publicitaires ou des liens dans les pages visant
spécifiquement la clientèle concédée. En revanche, un message
non sollicité transmis par courrier électronique à des clients
individuels est considéré comme une vente active".
Ainsi,
un site Internet, pour autant que le marché "primaire" qu'il
vise ne soit pas celui contractuellement réservé à un autre
distributeur, ne pourrait pas être interdit au regard du droit
de la concurrence. Un concessionnaire opérant exclusivement
sur l'internet pourrait-il bénéficier de ces nouvelles règles
? La Commission s'est volontairement abstenue d'exiger des
constructeurs automobiles qu'ils vendent aussi aux distributeurs
opérant exclusivement sur l'internet. Selon l'analyse réalisée
par la Commission, à long terme, les inconvénients l'emporteraient
sur les éventuels avantages pour les consommateurs: les distributeurs
qui vendent des véhicules exclusivement en ligne pourraient
agir comme des "parasites" par rapport aux autres distributeurs,
qui sont obligés d'investir dans une salle d'exposition, des
véhicules de démonstration et un personnel de vente formé,
capable de conseiller les consommateurs. Selon
la Commission, le risque serait de voir ces derniers profiter
de tous ces services, mais s'adresser ensuite à un distributeur
internet pour l'achat de leur nouvelle voiture.
Toutefois,
les nouvelles règles spécifient qu'aucun distributeur satisfaisant
aux critères du constructeur ne peut faire l'objet de restrictions
quant à sa capacité de vendre également en ligne ou d'utiliser
un site web d'aiguillage. De fait, l'internet est un moyen
de communication à faible coût, qui devrait, à moyen terme,
réduire les coûts de distribution et les prix à la consommation.
Quels
changements pour les "intermédiaires" opérant sur l'internet
?
Il est souvent difficile, pour le consommateur normal,
d'acheter un véhicule à l'étranger : il peut se heurter
à des problèmes de langue, être peu familier des conditions
commerciales pratiquées dans un autre État membre ou avoir
des difficultés à les appréhender. La nouvelle réglementation
lui a donc donné la possibilité de faire appel à un représentant,
communément appelé intermédiaire. Les opérateurs internet
(comme par exemple Virgin Cars ou OneSwoop), à l'instar des
supermarchés, pourront aussi faire fonction d'intermédiaires
pour les consommateurs et établir des relations privilégiées
avec des concessionnaires dans l'ensemble du marché commun.
[thibault.verbiest@ulys.net]
A
lire également :
Au
sommaire de l'actualité
|
|