Chaque
semaine, gros plan sur la loi et l'Internet
Places
de marché électroniques :
vers de nouvelles règles du jeu ?
- Mardi 24 septembre 2002 -
Le
développement des places de marché virtuelles ne va
pas sans susciter de nombreuses interrogations juridiques.
Consciente
de l'émergence de nouveau modèle économique des places de
marché électronique, la Commission européenne
a publié, en juin 2002, une première consultation sur le sujet,
dans le but de cerner les enjeux que représentent les MP au
regard, notamment, des impératifs de sécurité et du droit
de la concurrence.
Les conditions
d'admission des participants doivent en effet être conformes
aux régles de concurrence, nationales et européennes, dans
la mesure où le risque existe que les acteurs de la plate-forme
n'abusent de leur position, refusent certains concurrents
ou ne concluent des accords prohibés.
Les questions
les plus récurrentes à cet égard sont : les conditions d'accès
à la MP, les risques de boycott à l'égard de certains membres
de la plate-forme, l'exclusivité éventuelle dans les échanges
d'informations, l'impartialité du gérant de la MP qui peut
être l 'émanation plus ou moins directe de certains participants
Le
régime d'autorisation
Afin
d'examiner si la MP est conforme au droit de la concurrence,
les autorités de régulation nationales ou européennes ont
instauré un régime (souple) d'autorisation. Ainsi, la Federal
Trade Commission aux Etats-Unis et la Commission européenne
ont marqué leur préférence pour une autorisation de principe
valable jusqu'à nouvel ordre.
En Europe,
les candidats à la création d'une MP saisissent la Commission
qui reçoit le projet et publie ensuite, dans 97% des cas,
une notification dans le Journal Officiel. La Commission y
déclare avoir connaissance de la MP à naître et qu'un examen
liminaire justifie l'autorisation de lancement. Les créateurs
reçoivent dans ce cas une "lettre de confort", qui n'est toutefois
pas publique, et dont un tiers ne pourrait donc se prévaloir.
La permission
a un caractère conditionnel : elle est valable sous réverve
de tout nouvel élément de fait ou de droit. Si une plainte
fondée sur l'article 82 du traité CE est déposée auprès de
la Commission, celle-ci peut procéder à une investigation
approfondie et, le cas échéant, ordonner le retrait de l'autorisation.
L'accès
et l'exclusivité
Le plus souvent, l'accès à la MP sera assorti de conditions.
Le premier critère résulte fréquemment du secteur d'activité
du candidat. D'autres conditions peuvent être imposées, comme
la forme juridique de la société, son chiffre d'affaire ou
sa zone géographique d'activité.
Comment
établir que les critères d'admission sont objectifs et non
discriminatoires ? Existe-t-il des références en la matière?
Certains plaident à cet égard pour une application analogique
des critères recensés en 1985 par la Commission européenne
concernant l'accès aux bourses de Londres : critères financiers,
d'expérience, de formation, d'appartenance à une structure
ou d'existence d'un personnel qualifié.
Le refus
d'accès à une place de marché ne deviendra poblématique que
si elle entraîne de facto une exclusion du marché lui-même,
parce que l'essentiel des transactions s'opère par son intermédiaire..
Tel pourrrait être le cas pour certains marchés spécialisés
où le nombre d'acteurs reste relativement restreint. La Commission
européenne s'oppose aux exclusivités imposées dans le cadre
des MP et défend l'idée selon laquelle l'accès à celles-ci
doit toujours être décidé sur une base objective.
L'information,
le premier enjeu ?
Outre les questions de concurrence, l'étude de la Commission
s'intéresse à d'autres motifs de défiance des participants
: la sécurité des systèmes informatiques, la loi applicable
et les conditions contractuelles (ex : modification unilatérale
de documents contractuels disponibles en ligne), la résolution
des différents et le déroulement correct de la procédure transactionnelle.
C'est
toutefois la protection de la confidentialité des informations
sensibles transitant par la plate-forme qui est au centre
de toutes les préoccupations. En effet, selon la nature de
la plate-forme, certaines informations, confidentielles ou
protégées par des droits de propriété intellectuelle, peuvent
être conservées sur les serveurs de la MP. Il est toutefois
rare que le responsable de la MP ne garantisse l'intégrité
et la confidentialité des systèmes hébergeant le contenu.
On observe de surcroît que, fréquemment, le gérant de la place,
qui est parfois une des parties à l'échange, s'autorise à
traiter l'information reçue, à la transférer vers des pays
moins protecteurs (par exemple les Etats-Unis) et à la céder,
le cas échéant, en même temps que la MP
En terme
de concurrence, il n'est plus ici question de "marché pertinent"
mais d'une lutte pour l'information, représentant aujourd'hui
l'actif essentiel pour la plupart des acteurs économiques.
Ainsi, dans le cas d'enchères inversées, un fournisseur "puissant"
pourrait contraindre un acheteur à lui transmettre plus d'informations
qu'il n'est strictement nécessaire. Les autres acheteurs désireux
de concurrencer le premier sur une base égalitaire pourraient
à leur tour estimer inévitable la transmission de ces mêmes
informations, afin de ne pas perdre d'office le marché
Quelles
solutions ?
Trois types de solutions sont envisageables, le cas échéant
de manière cumulative.
Le recours
aux codes de conduite fait l'objet d'un large consensus, surtout
en Europe. Outils d'autorégulation, ils permettent de fixer
un cadre général visant à régler une série de questions, indépendamment
des normes applicables.
Pour ce
qui concerne la sécurité des informations, la sécurisation
technique apporte un complément de garantie appréciable. Il
s'agit de l'utilisation de techniques cryptographiques, de
certificats digitaux, de firewalls, de même que de mesures
de sécurité physique entourant les installations. Les questions
de sécurité sont bien entendu essentielles et il est primordial
que le gérant de la MP assume des obligations précises à cet
égard.
Dans l'hypothèse
où les parties conviennent d'un code de conduite et de l'implémentation
de mesures de sécurité, il reste à déterminer les moyens d'en
garantir l'application. A cette fin, afin de garantir la transparence
et la loyauté dans les pratiques des parties (surtout lorsque
le gérant de la MP est "inféodé" à l'un ou l'autre utilisateur
de celle-ci), un regard extérieur et impartial sur le déroulement
des opérations peut être une solution intéressante.. .
Ainsi,
il est possible de faire appel à un tiers de confiance (TC)
ou Trusted Third Party. Le tiers de confiance est généralement
une entreprises indépendante, jouissant d'une renommée et
d'une expertise reconnues par toutes les parties. Il intervient
comme un arbitre ou un médiateur pour toute une série d'incidents
ou de litiges, souvent d'ordre technique. Il peut non seulement
par exemple certifier les procédures de transactions, et en
cas de non respect de celles-ci, vérifier l'exactitude du
manquement allégué. Il peut aussi assurer la conservation
de clés de décryptage et éviter de la sorte qu'elles ne restent
entre les mains de ceux qui détiennent les supports informatiques
(le gérant de la MP le plus souvent). Enfin, son accessibilité
et ses connaissances rendent possible un recours rapide et
effectif à un avis impartial en cas de contestation portant
sur l'une ou l'autre des obligations du contrat. Le participant
n'est alors plus soumis à une MP qui serait juge et partie
Le TC assume donc un rôle très large de médiateur et/ou d'arbitre,
dont l'étendue devra être rédigée de manière précise et circonstanciée..
[thibault.verbiest@ulys.net]
A
lire également :
Au
sommaire de l'actualité
|