Avec
Alain Bensoussan Avocats
Responsabilité
des prestataires d'hébergement :
le
juge et le législateur s'accordent enfin !
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par
Eric Barbry, avocat à la Cour, directeur du Département
Internet de Alain
Bensoussan - Avocats, président de l'Association
Cyberlex
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A quelques jours d'intervalle deux
nouvelles étapes ont été franchies quant à la responsabilité
des prestataires d'hébergement sur internet.
Le 8 juin 2000 la Cour d'appel
de Versailles rendait son arrêt dans la désormais célèbre
affaire Linda L. Le 15 juin
l'Assemblée nationale adoptait une nouvelle rédaction de l'article
43 de la loi de 1986 relative à la communication audiovisuelle.
Par jugement en date du 8 décembre
1999, le Tribunal de grande instance de Nanterre avait rappelé
que le prestataire d'hébergement était tenu de trois obligations
au regard de l'article 1383 du Code civil qui dispose que
"chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement
par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence
"
De cette jurisprudence, déjà commentée
dans la rubrique juridique du Journal du Net, on pouvait relever
que le prestataire d'hébergement était tenu à :
- une obligation d'information,
d'abord, à l'égard des internautes et notamment des personnes
physiques ou morales hébergées
- une obligation de vérification,
ensuite (certes non exhaustive) des contenus hébergés
- une obligation d'action, enfin,
une fois un contenu litigieux identifié.
Si la Cour d'appel infirme le jugement
de Nanterre, au motif que la demanderesse n'apportait pas
la preuve d'une négligence et d'une imprudence du prestataire
d'hébergement, elle ne remet pas pour autant en cause le fondement
même de la décision des premiers juges. La
Cour rappelle en effet que :
- "... le juge a pu, sans avoir
à provoquer spécialement la discussion des parties sur ce
point, retenir la qualification de faute quasi-délictuelle,
tirée de l'article 1383 du code civil, plutôt que celle
de l'article 1382 du même code "
- " ... que la diffusion sur
Internet des photographies de Linda L., sans autorisation,
constitue une atteinte au droit qu'elle a sur son image,
attribut de sa personnalité ... "
- que le prestataire " ... ne
peut arguer de l'identification, au demeurant tardive, du
créateur du site litigieux pour soutenir que seul celui-ci,
qui pourrait contester l'atteinte portée au droit à l'image
de Madame Linda L., est responsable de la diffusion litigieuse,
alors que la responsabilité de cet éditeur du contenu incriminé
n'exclut pas de rechercher si le comportement fautif de
l'hébergeur, n'a pas concouru à la réalisation du dommage
de la victime, étant relevé que la société Multimania s'est
bien gardée d'attraire cet éditeur dans la cause, comme
elle en avait la possibilité par voie d'intervention forcée
".
En conséquence de quoi la Cour
rappelle qu'il pèse sur l'hébergeur une obligation de moyens
portant sur les précautions à prendre et les contrôles à mettre
en uvre pour prévenir ou faire cesser le stockage et la fourniture
de messages contraires aux dispositions légales en vigueur
ou préjudiciables aux droits des tiers concernés et que cette
obligation n'implique pas, pour l'hébergeur un examen général
et systématique des contenus des sites hébergés.
Quelques jours plus tard, le 15
juin 2000, c'était au tour de l'Assemblée nationale d'évoquer
la question de la responsabilité des prestataires d'hébergement.
Depuis la présentation de l'amendement Bloche un fossé semblait
s'être creusé entre le monde judiciaire et le législateur.
Après plusieurs débats et navettes, ce fossé semble avoir
été comblé et aujourd'hui il paraît possible d'affirmer
que le législateur et le juge tiennent un même langage.
Du texte de l'Assemblée nationale,
on retiendra que les hébergeurs ne seraient pénalement ou
civilement responsables du fait du contenu des services hébergés
que si :
- ayant été saisis par une autorité
judiciaire, ils n'ont pas agi promptement pour empêcher
l'accès à ce contenu
- ou si, ayant été saisis par
un tiers estimant que le contenu qu'ils hébergent est illicite,
ou lui cause un préjudice, ils n'ont pas procédé aux diligences
appropriées. Il pèse par ailleurs sur les professionnels
une nouvelle obligation : celle de concourir à l'identification
des éditeurs de contenu et d'assurer en cela la conservation
des données de nature à permettre l'identification de toute
personne ayant contribué à la création d'un contenu des
services dont elles sont prestataires".
Restera tout de même, par voie
de décret, à préciser quelles sont les données concernées
et la durée de stockage de ces dernières. Du dernier état
du texte on retiendra que la sanction qui devait s'appliquer
en cas de violation des principes ci-dessus évoqués a été
supprimée. Ce rapprochement des conceptions du juge et du
législateur est particulièrement important dans la mesure
ou il confère au prestataire d'hébergement un statut stable.
Certes les contraintes qui pèsent sur l'hébergeur restent
importantes et leur responsabilité n'est pas dégagée mais
ce cadre a pour le moins le mérite de clarifier une situation
qui jusqu'alors n'était pas propice au développement de ces
services. Il restera pour l'hébergeur à mettre en uvre
les moyens de nature à satisfaire à ces différentes obligations.
Si l'on a peu à craindre pour ce qui concerne la mise en uvre
de l'obligation d'information des personnes hébergées, certaines
autres obligations seront sans doute encore l'objet de débats
judiciaires.
On peut le penser des modalités
selon lesquelles les bases de données des personnes hébergées
seront constituées (nombreux en effet sont les éditeurs qui
utilisent des adresses anonymes et rien n'est plus simple
que de données des fausses informations en ligne) ou des modalités
pratiques des contrôles de l'hébergeur.
[E.B., juin 2000]
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