Avec
Alain Bensoussan Avocats
LE
CSA ET LA PUBLICITE DES SITES WEB
POUR
LES ENTREPRISES DES "SECTEURS INTERDITS "
Bienheureux les publicitaires dans le monde de l'Internet
|
par
Eric Barbry, avocat à la Cour, directeur du Département
Internet de Alain
Bensoussan - Avocats, président de l'Association
Cyberlex
|
L'importance des campagnes publicitaires
n'est plus à démontrer lorsqu'il s'agit, pour un acteur de
l'Internet, de faire connaître son service, son offre, son
site ou son portail.
Le succès rencontré par les
dernières campagnes organisées " tous médias " est là pour
le rappeler.
Les premières introductions en
Bourse en France de sociétés de la Net économie ont été justifiées
par des besoins importants de trésorerie destinés à couvrir
les coûts des acquisitions mais aussi et surtout d'assurer
le financement des plans médias. Généralement la publicité
afférente aux services on line, sites Web et autres portails,
sous réserve qu'elle ne porte pas sur des produits ou services
illicites ou dont la publicité est interdite ou réglementée
(médicaments, tabac, alcool, professions réglementées
) ne
pose pas de difficulté majeure. Il en est une, toutefois,
qui a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines,
celle des " secteurs interdits ".
Les " secteurs interdits " sont des secteurs économiques d'activités
qui sont interdits de publicité télévisuelle.
C'est l'article 27 (1°) de
la loi du 30 septembre 1986 relatif à la liberté de communication
qui détermine les conditions relatives à la publicité en matière
audiovisuelle. Le décret du n°92-280 du 27 mars 1992, pris
en application de cet article, définit le régime applicable
à la publicité et au parrainage appliqués aux organismes du
secteur public et des différentes catégories de services autorisés
de télévision diffusés en clair par voie hertzienne, terrestre
ou par satellite. Au titre de ce décret on entend par publicité
" toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération
ou autre contrepartie en vue, soit de promouvoir la fourniture
de biens ou services, y compris ceux qui sont présentés sous
leur appellation générique, dans le cadre d'une activité commerciale,
industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d'assurer
la promotion commerciale d'une entreprise publique ou privée
".
Le décret précise " est interdite
la publicité concernant, d'une part les produits dont la publicité
télévisée a fait l'objet d'une interdiction législative et,
d'autre part, les produits et secteurs économiques suivants
: (
) édition littéraire ; cinéma ; presse ; distribution
". (Sur l'interdiction du secteur " distribution ", Paris
16 oct. 1996 : Gaz Pal 1997.1. Somm. 278, note Grenier-Lenain).
Il existe deux raisons principales à cette exclusion :
- la distorsion de puissance économique
entre les majors compagnies et les autres acteurs. Exclure
ces secteurs permet d'éviter que les grandes compagnies mettent
à mal les plus petites d'entre elles par des plans médias
sur-puissants.
- en interdisant le support
télévisuel à ces secteurs, le gouvernement privilégie d'autres
supports de publicité comme la radio et la presse. Interdites
de télévision, les entreprises du secteur communiquent au
travers des autres médias de masse disponibles que sont la
radio et la presse.
C'est au Conseil supérieur de l'audiovisuel
qu'il revient de vérifier la bonne application de la loi du
30 septembre et ses décrets d'application et donc du décret
relatif à la publicité à la télévision. Ayant reçu plusieurs
réclamations et/ou demandes, le CSA a examiné, en assemblée
générale, la possibilité d'assouplir le mécanisme pour permettre
aux entreprises des " secteurs interdits " de faire de la
publicité télévisée pour leurs sites Web.
Le 22 février 2000, le CSA
publiait un communiqué dans lequel il considérait que les
activités des sites Internet constituaient un secteur économique
nouveau et spécifique et admettait que les restrictions d'accès
à la publicité télévisée prévues par l'article 8 du décret
n° 92-280 du 27 mars 1992 pour certains secteurs d'activité
tels que la presse, la distribution, le cinéma et l'édition,
ne devaient pas leur être appliquées.
Le CSA se donnait alors une
période expérimentale de 18 mois pour étudier à nouveau les
conditions d'accès à la publicité télévisée des sites Internet
" au vu de l'évolution de ce nouveau marché, sa dimension
internationale et des textes applicables "
Le CSA rappelait par la même
occasion, que cette souplesse accordée n'emportait pas dérogation
aux règles relatives aux publicités interdites, notamment
celles concernant l'alcool, le tabac, les médicaments ou la
politique. Cette décision a été critiquée par :
- les entreprises de presse
et de radio qui perdaient ou pensaient perdre un part importante
de leur budget publicitaire.
- les entreprises des secteurs
interdits à l'exception des majors compagnies craignant un
déferlement publicitaire de ces mêmes majors.
- le ministère de la Culture
qui entendait rappeler qu'il lui revenait d'édicter les règles
et que le CSA n'avait pour mission que de les appliquer.
Devant cette levée de boucliers,
le CSA publiait le 29 février 2000 un nouveau communiqué précisant
qu'il n'avait pris qu'une " position de principe " et qu'il
entendait élargir la consultation sur les modalités de mise
en uvre. Ce deuxième communiqué peut être perçu de deux manières
:
- certains y ont vu une renonciation
pure et simple du CSA .
- d'autres, y ont vu la confirmation
d'un principe de liberté dont seules les modalités d'application
pourraient être examinées en concertation. Plusieurs entreprises
des " secteurs interdits " convaincues par la seconde solution
ont d'ailleurs indiqué qu'elles entendaient engager un recours
en excès de pouvoir contre le CSA.
Quel que soit le débat qui s'est
instauré autour de l'adoption par le CSA de ces deux communiqués
on peut affirmer qu'ils auront eut le mérite de révéler une
situation à laquelle il conviendra de trouver d'apporter une
réponse. De nombreuses questions restent en effet en suspens
:
- comment gérer la publicité
d'un site qui comporte un service ou une rubrique portant
sur un secteur interdit ?
- quelles sont les conséquences
de liens hypertextes ? Si un site ou un portail renvoie sur
un site d'une entreprise du secteur interdit est-il lui même
exclu de télévision ?
- le fait de retransmettre
sur Internet des " émissions audiovisuelles " permet-il de
se soustraire à l'interdiction qui ne touche, rappelons-le,
la publicité sur télévision diffusées en clair par voie hertzienne,terrestre
ou par satellite .
- comment gérer cette interdiction
dans un environnement international ou de nombreuses chaînes
étrangères sont accessibles en France ? Soulignons enfin que
" publicité " et " parrainage " ne sont pas soumises aux mêmes
régimes et que le parrainage est une source non négligeable
de promotion. [E.B.,
mars 2000]
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