Dans la fable du lièvre et de la tortue, appliquée
au marché des courtiers en ligne en France, le
géant allemand Comdirect a
visiblement choisi d'incarner l'animal à sang froid.
Un an après le rachat du courtier Paresco, qui
disposait de près de 1.000 clients, en mars 2000,
Comdirect.fr
vient ainsi à peine de débuter la prospection
à grande échelle de nouveaux clients dans
l'Hexagone. Le courtier a donc choisi la patience, beaucoup
par choix, mais un peu également en raison de la
mauvaise tenue des marchés financiers depuis septembre.
Difficile en effet de conquérir des nouveaux clients
quand Consors, Fimatex ou Selftrade, déjà
bien installés, ont peiné à l'automne
pour augmenter leur nombre de comptes. Néanmoins
pour justifier sa stratégie prudente, Thierry Moriceau,
membre du directoire de Comdirect France, insiste plutôt
"sur l'obligation de disposer d'une plateforme technique
parfaite pour accueillir les nouveaux clients". "En
Allemagne, Comdirect, qui a accueilli près de 200.000
nouveaux clients au premier semestre 2000, a connu quelques
problèmes techniques. On voulait éviter
cela et on a pris notre temps pour parfaire le dispositif,
quitte à surdimensionner notre réseau notamment
au niveau des centres d'appels." Pour Thierry Moriceau
"2000 était donc simplement l'année
de l'intégration pour Comdirect.fr. En revanche
2001 sera une année de conquête"
Et dans ce domaine, le courtier a débuté
l'année très fort avec une campagne d'une
rare agressivité, voire provocatrice, alors que
la plupart des courtiers en ligne font désormais
plutôt preuve de sobriété en matière
publicitaire. De
"Ni
sexe ni drogue, pour moi rien ne vaut l'argent" à
"Vous croyez que c'est en couchant de j'ai gagné
mon cigare" en passant par "L'argent n'est plus
un vilain défaut", les slogans choisis par
Publicis, l'agence publicitaire de Comdirect, en ont choqué
plus d'un y compris chez les concurrents. "On
n'a pas voulu faire de la provocation, estime Jean-Paul
Tricot, directeur marketing de Comdirect.fr. Nous
avons une offre* où nous donnons de l'argent pour
ouvrir un compte et nous voulions le faire savoir. Nous
ne faisons donc pas comme un de nos concurrents qui promet
fortune et richesse en Bourse. De plus comme nous voulions
coupler la campagne de marque et la campagne sur l'offre
il fallait frapper les esprits." Pour muscler l'
offre, Comdirect.fr s'est allié avec le fournisseur
d'accès Club Internet, "une société
cousine" selon Thierry Moriceau, puisque T-Online,
propriétaire de Club-Internet, détient 25%
de Comdirect, et que Commerzbank, maison-mère de
Comdirect, est actionnaire à hauteur de 2,06% de
T-Online. "A l'heure actuelle le problème
du courtage en ligne est aussi un problème d'accès
à Internet. Si nous couplons notre offre avec de
la fourniture d'accès c'est pour décider
les gens à franchir la pas" insiste Thierry
Moriceau.
Côté
budget, la direction, affirme que près "de
15 millions d'euros seront dépensés cette
année pour promouvoir Comdirect.fr". Et ce,
malgré les résultats décevants de
Comdirect au quatrième trimestre 2000. La société
a gagné seulement 11.519 clients en Allemagne sur
la période, dont 2.244 hors de ses frontières
et est désormais menacée dans sa suprématie
par Consors et par DAB. Mais l'hypothèse d'un recentrage
de la maison mère sur son marché domestique
n'effleure pas Thierry Moriceau. "Je considère
qu'en France le marche sera mature quand on aura 3 millions
de comptes ouverts chez les courtiers en ligne. Or il
n'y en a qu'environ 350.000 actuellement. Les potentialités
sont donc fantastiques. Par ailleurs Comdirect est une
société énorme, soutenue en outre
par la Commerzbank, et elle n'est pas venue en France
pour repartir dans un an parce que les conditions ne sont
pas bonnes. Je le dis à tous mes confrères,
l'année 2000 n'était pas l'avènement
du courtage en ligne mais seulement le démarrage.
Il ne faut donc pas céder à l'affolement
parce que le quatrième trimestre a été
mauvais".
Comdirect.fr a donc visiblement le temps et proposera
d'ailleurs progressivement ses services. Dans un premier
temps le site n'offrira ainsi pas d'accès aux marchés
étrangers ou d'OPCVM. "C'est un choix, affirme
Thierry Moriceau. Pour les Sicav, on regarde mais il faudra
un excellent moteur de recherche sinon cela ne sert à
rien. Pour les marchés étrangers nous devons
d'abord être pédagogues. Si je suis incapable
d'expliquer à mon client comment il doit faire
sa déclaration fiscale avec des plus-values sur
le Nasdaq, je le perdrai forcément. On veut donc
d'abord disposer d'outils pédagogiques avant d'envisager
d'étoffer l'offre".
*L'offre de Comdirect
propose 2.000 francs en actions pour les 10.000 premières
ouvertures de compte, 6 mois de courtage remboursés à
hauteur de 2.000 francs et 12 mois d'un forfait d'accès
à internet à 10h/mois avec Club-Internet.
[Jérôme
Batteau , JDNet]