Icann
: une réforme à ne pas manquer
Par Loïc Damilaville (DNS
News Pro)
-
Lundi 24 juin 2002 -
Depuis
1998, l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers
est devenue indissociable de l'Internet. Mais en voulant appliquer
ses missions à la notion encore très vague qu'est la "gouvernance",
l'Icann a fini par se perdre elle-même dans un tissu de contradictions.
1/2.
De la théorie à la pratique
A
l'origine de l'Icann, il y a la volonté de groupes
aux intérêts souvent divergents. Tout d'abord, celle de la
communauté des techniciens administrant l'Internet, pour qui
un point de coordination unique doit exister dans le monde
pour pouvoir gérer de manière cohérente l'allocation des ressources
Internet (adresses IP et noms de domaines). C'est la vision
"technique" de la gouvernance..
Deuxième
volonté, celle de la communauté des opérateurs, industriels
et marchands liés à l'Internet, qui souhaite voir mise en place
une organisation d'auto-régulation du marché par ses propres
acteurs. C'est la vision "économique" de la gouvernance.
Troisième volonté, celle
des utilisateurs et de leurs représentants, qui pensent non
sans raison que la mise en uvre de certains standards techniques
peut avoir des répercussions sur leur quotidien et qu'à ce
titre, ils doivent pouvoir participer au processus de décision.
C'est ce qu'on pourrait appeler la vision "citoyenne" de l'Internet.
Quatrième
approche, celle du gouvernement américain qui, en 1998, souhaite
initier un processus qui le conduira à se décharger progressivement
de la responsabilité de l'administration de l'Internet au
profit d'un organisme privé au sein duquel se concerteront
les différentes visions. Le principe de base de l'édifice
étant que l'intérêt général naît de la somme des intérêts
particuliers. C'est la vision "politique" américaine de la
gouvernance à l'époque.
Les statuts
de l'organisation, déposés en novembre 1998, sont conformes
aux intérêts des quatre grandes approches. L'Icann est donc
une société de droit californien à but non lucratif, dont
le conseil d'administration est ouvert à des personnes de
nationalités diverses représentant théoriquement les intérêts
des acteurs de l'Internet, et dont les missions officielles
sont essentiellement techniques.
Un
triple problème
D'abord,
le plus évident, parce que le plus apparent, est que l'Icann
n'a jamais fonctionné en concordance avec ses propres statuts.
Les exemples abondent où les exigences de transparence et
de concertation n'ont pas été respectées, en s'abritant parfois
derrière la mauvaise foi la plus flagrante.
Le second
nud du problème est que les approches fondatrices ne possèdent
plus la même influence en son sein. Dans le jeu subtil qui
a fait peu à peu évoluer les rapports de forces, il y a des
gagnants évidents, les tenants d'une vision économique de
la gouvernance, et des perdants manifestes, les utilisateurs,
qui n'ont même pas obtenu les neuf sièges qui leur avaient
été promis lors de la fondation de l'Icann. Les techniciens,
tout en restant proches des commandes, ont eu tendance à protéger
ce qui pouvait l'être et à se réfugier dans leur pré carré,
sans pouvoir maîtriser une évolution rapidement devenue incontrôlable.
Quant à la dimension politique, elle est le vrai problème,
et c'est pour cela que l'on en parle le moins possible.
Car l'Icann
ne peut rien sans l'aval du Department of Commerce, le ministère
américain du Commerce, auquel elle est liée par contrat et
qui doit donner son aval à toutes ses décisions importantes.
Or le DoC, s'il était sincère autrefois en voulant se décharger
d'une fonction qui lui paraissait relever du domaine privé,
est lui-même en butte à certains jeux de pouvoir au sein de
l'administration américaine. Ainsi, l'internationalisation
(toute relative) de l'Icann est-elle très mal perçue du Congrès,
qui réclame régulièrement que les Etats-Unis conservent le
contrôle absolu de l'Internet.
Le déséquilibre
criant des rapports de forces entre les différents acteurs
de l'Internet au sein de l'Icann, l'inefficacité et les dysfonctionnements
de celle-ci, le rôle assez trouble de son équipe de permanents
et les signaux contradictoires émanant des diverses instances
américaines ont fini par créer des forces centrifuges impossibles
à maîtriser. Une réforme est devenue indispensable...
[Loïc
Damilaville]
A
suivre :
2/2.
Quand l'impasse implique une réforme
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