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DOSSIER
 
Avril 2006

La plante qui tua le lac

Ramenée sur lac Tchad, la jacinthe d'eau a recouvert 80% de la surface en quelques années. Elle bloque les barrages, asphyxie les poissons, infecte l'eau et cause des inondations. Et dire qu'elle était recherchée pour sa beauté...

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Originaire du bassin de l'Amazone, la jacinthe d'eau a été introduite dans la plupart des pays chauds comme plante d'ornement. C'est devenu un véritable fléau en Afrique de l'ouest, Indonésie, Australie, et en Floride. Cette plante flottante peut mesurer de quelques centimètres à un mètre de haut, sur une épaisseur de 2 mètres de large. Le problème est qu'elle prolifère extrêmement rapidement : elle double sa surface en une à deux semaines.

L'asphyxie du lac Tchad

La jacinthe d'eau a été importée en 1989 dans le lac Tchad. Cinq ans plus tard, elle recouvrait déjà 80% de la surface. Pour les pêcheurs, c'est une vraie catastrophe. Non seulement les lignes se prennent dans les racines, mais l'eau devient plus chaude et pauvre en oxygène, tuant les poissons. Les pêcheurs se plaignent de plus des attaques répétées de crocodiles et de serpents.

Cette plante envahisseuse a des conséquences catastrophiques sur l'écosystème et les populations locales. Photo © John D. Byrd, Mississippi State University, forestryimages.org

Cette envahisseuse est source de nombreux problèmes : elle bloque les voies d'eau et les ports, et paralyse les barrages hydroliques. En s'introduisant dans les turbines, elle provoque des interruptions de production. Le barrage du Kariba (à la frontière entre la Zambie et le Zimbabwe), qui fournit en électricité la ville d'Harare (capitale du Zimbabwe) en est directement victime. Un projet sur le lac Victoria est lui aussi en suspens.

La jacinthe d'eau provoque aussi des innondations : la couverture végétale est si dense à certains endroits que l'oin peut marcher dessus sans s'enfoncer. Elle forme une sorte de barrage qui bouche les rivières.

Au lac Tchad, de nombreuses maladies ont accompagné l'arrivée de la jacinthe d'eau. La schistosomiase provient par exemple des escargots qui pondent sur les feuilles. La malaria se développe grâce aux moustiques qui se reproduisent dans l'eau stagnante. En empêchant les autres plantes de respirer, elle entraîne un pourrissement végétal qui infecte l'eau potable.

Et ce n'est pas tout : selon plusieurs études, l'évapotranspiration serait 1,8 fois plus élevée en présence de la jacinthe d'eau. Le débit du Nil au lac Victoria serait ainsi réduit d'un dixième à cause de la plante. Enfin, elle serait responsable de la réduction de la biodiversité.

Comment s'en débarrasser ?

Plusieurs espèces d'insectes ou de champignons ont été identifiés comme prédateurs de la jacinthe d'eau. Une des plus efficaces est le charançon, un petit parasite qui fait des trous dans les feuilles de la plante. Ces dernières s'enfoncent alors dans l'eau, captent donc moins de lumière, et finissent par mourir. De plus, les larves empêchent les jacintes de respirer en colonisant ses racines. Mais cette méthode peut prendre longtemps.

La lutte chimique a été la première méthode utilisée. L'application d'herbicides est efficace sur des petites surfaces, mais elle est impuissante face à la prolifération excessive. De plus, le glysophate peut être toxique, notamment pour les personnes qui s'approvisionnent en eau potable au lac.

Reste la récolte manuelle : des bateaux qui ratissent la surface de l'eau. La jacinthe d'eau peut atteindre des densités incroyables : jusqu'à 50 kg par m² ! Une fois débarrassées de toute leur eau, les feuilles récoltées peuvent servir de fibre pour du tissu ou du papier. Elles fournissent aussi un apport non négligeable de biomasse, et en Asie du Sud on les utilise même pour nourrir le bétail. Mais cette méthode est couteuse (il faut transporter les énormes masses de feuilles par camion), et dangeureuse (attaques de crocodiles et d'hippopotames).

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