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BIOLOGIE
 
Novembre 2006

"On doit se poser 3 questions. Est-ce faisable ? Est-ce dangereux ? Est-ce acceptable ?"

La procréation médicalisée assistée soulève des questions éthiques complexes et ouvre la voie à des recherches inquiétantes. Philippe Granet, médecin biologiste spécialiste de la reproduction à l'Institut Mutualiste Montsouris, à Paris, évoque quelques pistes de réflexion.

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Quelles sont les lois, en France, qui réglementent ce qui se passe autour des techniques de PMA (procréation médicale assistée) ?
D'abord on ne dit plus PMA mais AMP (Assistance Médicale à la Procréation) car on légifère sur l'assistance et non sur la procréation.
Il existe une loi en France, la loi relative à la bioéthique. Créée en 1997, elle a été complétée par un Guide des bonnes pratiques en 1999. Ensuite, elle a été révisée en août 2004. Un nouveau Guide des bonnes pratiques devrait voir le jour bientôt.
Cette législation concerne notamment l'organisation des centres qui pratiquent l'AMP. Elle définit comment procéder, dans quelles conditions techniques, d'hygiène et de sécurité. Celle-ci définit également qui a accès à l'AMP et encadre les recherches autour de cette pratique, elle a conduit à la création de l'agence de la biomédecine, qui veille au respect de toutes ces dispositions et contrôle le développement de futures recherches.

Philippe Granet, médecin biologiste spécialiste de la reproduction à l'Institut mutualiste Monsouris, à Paris. © Philippe Granet

Comment définir qui a accès à l'AMP ?
Les couples ne peuvent avoir recours à l'AMP, en France, que s'ils sont mariés ou ensemble depuis au moins 2 ans et que leur infertilité est reconnue. Il faut également que la femme soit en âge de procréer. De plus, pour les AMP avec don, un entretien psychologique est obligatoire et le couple doit aussi consulter un notaire ou un juge pour donner son consentement, ce qui revient quasiment à reconnaître, par avance, l'enfant qui va naître.
Il faut savoir aussi que les dons de gamète et d'embryon sont bénévoles et anonymes.

Qui décide du devenir des embryons congelés ?
Tout couple se lançant dans une procédure de fécondation in vitro se voit interrogé à propos du devenir des embryons surnuméraires. D'abord, les parents acceptent-ils la congélation embryonnaire ? Si la réponse est non, le biologiste ne mettra en fécondation que 2 ou 3 ovocytes pour ne pas produire d'embryons surnuméraires.
Si la réponse est oui, le couple s'engage à préciser chaque année, ce qu'il souhaite faire des embryons. Quatre options s'offrent alors : les garder, les détruire, les donner à un autre couple, ou les donner à la recherche.

"Dans certains pays, les parents risquent de bientôt pouvoir choisir le bébé parfait !"

Que dit la loi dans les autres pays ?
C'est très variable. A titre d'exemples non exhaustifs, en Espagne, ou aux USA les dons d'ovocyte ou de sperme sont rémunérés. En Hollande, les femmes célibataires ont accès à l'amp. En Suède, l'anonymat n'est pas requis pour les dons. En Allemagne et en Italie, on n'autorise pas les congélations d'embryons. Et enfin, en Angleterre ou aux USA, les mères porteuses sont autorisées.

Le DPI (diagnostic préimplantatoire) ne risque-t-il pas de générer des dérives eugéniques?
Bien sûr. En France, cette pratique est bien encadrée. Seuls les couples potentiellement transmetteurs de maladies génétiques ou chromosomiques graves y ont accès.
La dérive eugénique est possible puisque de plus en plus, on est capable de multiplier les marqueurs et de repérer si un embryon est porteur, non plus d'une maladie, mais d'une susceptibilité à développer une pathologie !
Aux USA, et d'autres pays où l'AMP est en grande partie une activité commerciale, il y un gros business autour de ça, les parents risquent de bientôt pouvoir choisir le bébé parfait ! C'est aussi grâce au DPI que l'on "fabrique" des bébés médicaments, en Angleterre. Mais tout ceci est interdit en France.

"En 2025, j'espère qu'on fera toujours les bébés de façon naturelle"

Sur quelles questions est-il, selon vous, urgent de se pencher ?
En France, rien dans l'urgence. On a le temps pour réfléchir, on est déjà bien protégés.
Il faut penser éthique au sens large : trouver la juste mesure entre le désir d'un couple et l'intérêt général qui correspond aux valeurs d'une culture. C'est pourquoi, à chaque évolution, il est nécessaire d'aborder une réflexion commune axée principalement autour de 3 questions. Est-ce faisable ? Est-ce dangereux ? Est-ce acceptable ? Acceptable dans le sens : est-ce que ça ne va pas modifier la conception qu'a la société de la vie humaine ?
Dès qu'un projet "d'aller plus loin" se profile, il est soumis à l'approbation de l'agence de biomédecine, ainsi qu'à des comités de protection des personnes. Des experts sont également chargés d'évaluer la faisabilité et les risques du projet.

A votre avis, qu'est-ce qui nous attend dans un futur proche ?
On essaie au maximum d'éviter les grossesses multiples, en ne transférant qu'un seul embryon, mieux choisi. On est en train de travailler justement sur les critères de sélection de cet embryon.
On va également s'améliorer sur le choix des gamètes. C'est déjà l'objectif, entre autres, avec l'IMSI.

Comment fera-t-on un bébé en 2025 ?
Eh bien j'espère qu'on fera toujours les bébés de façon naturelle ! Aujourd'hui, l'AMP c'est du palliatif : on corrige une anomalie, l'infertilité. Mais on travaille avec cette anomalie présente. Dans le futur, on peut espérer qu'il existe des traitements étiologiques et non pas curatifs.
Et ce par 2 biais : d'abord, la génétique et la biologie moléculaire. De nombreuses infertilités sont dues au mauvais fonctionnement de certains gènes. On peut espérer trouver des molécules, ou des thérapies géniques, qui corrigent ces dysfonctionnements. L'idéal, serait donc que l'AMP disparaisse !
On peut aussi envisager de produire des cellules reproductrices pour les individus stériles, à partir de cellules souches. C'est plus facile à dire qu'à faire. De plus, cela sous entend plein de choses : une fois les gamètes produits et les embryons créés, vont-ils bien se développer sur le plan génétique ? Chromosomique ? Epigénétique (en relation avec la maturité des gamètes et les conditions de culture in vitro) ? On sait déjà que certaines techniques risques de perturber le développement épigénétique.
Bref, plus on agira sur les gamètes, plus on risque de favoriser des anomalies. Donc il y faut au préalable résoudre tous ces problèmes… Ce n'est donc pas tout de suite qu'on rendra la fertilité à tous les couples stériles.

En savoir plus
Institut mutualiste de Monsouris

L'agence de la biomédecine

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